Walter Trout, une certaine idée du blues

Publié le 18/06/2012 par Nicolas Didier Barriac
Walter Trout, légende vivante du rock, a joué avec John Mayall ou Canned Heat mais n’avait encore jamais réalisé un album solo de blues. Voilà qui est fait avec Blues For The Modern Daze ! Et le guitariste se tire de l’exercice avec une facilité déconcertante assurant ses parties en les dotant de toute sa science du jeu et son feeling authentique. C’est sûr : Walter Trout a le blues dans la peau !
 Blues For The Modern Daze, comme son nom l’indique, est un album de blues. Même si tu as toujours flirté avec ce style, c’est assez surprenant de te voir verser dedans à 100%. Qu’est-ce qui t’a poussé en ce sens ?
Walter Trout : Il était juste temps ! Le blues, c’est mes racines ! J’ai commencé par jouer cela et j’ai passé des années à accompagner des bluesmen. En commençant ma carrière solo, j’ai fait plein de trucs super différents musicalement. J’ai pu diversifier mes facultés de composition. Maintenant, il était temps de revenir à mes racines et de les exprimer avec un regard nouveau. Du coup, il y a eu une joie fantastique dans la conception de Blues For The Modern Daze.

Quand tu étais enfant, c’était déjà le blues qui te faisait vibrer ?
W. T. : Quand j’étais petit, il y avait deux types de musique que j’aimais : le jazz et le rock n’ roll des fifties. J’alternais constamment entre des vinyles de Miles Davis et de Little Richard ou Jerry Lee Lewis. Ensuite, vers dix ou onze ans j’ai découvert le blues et à partir de là je me suis focalisé là-dessus.

J’étais très surpris de ne voir aucune reprise sur Blues For The Modern Daze. Comment s’explique ce choix ?

W. T. : Quand j’écoute la radio blues aux Etats-Unis, j’entends tout le temps des nouvelles versions de Got My Mojo Working, Stormy Monday, Messin’ With The Kid ou Hey Hey The Blues Is Alright. Ca n’a plus de sens ! Je voulais donc faire mon propre album avec mes propres chansons et mon label a été très enthousiaste à cette idée. C’était un beau défi pour moi et je suis vraiment éclaté à tout écrire puis à jouer ces chansons. Je n’ai eu besoin que de deux semaines pour composer Blues For The Modern Daze – paroles et musique - car j’étais réellement très inspiré même si j’avoue avoir accumulé des idées de paroles au fil du temps.

Cette inspiration s’explique-t-elle car en fin de compte Blues For The Modern Daze était présent dans ta tête depuis longtemps ?
W. T. : C’est possible ! En plus, je me suis senti incroyablement à l’aise en écrivant ce disque. Ma femme me dit tout le temps que je livre le meilleur de moi-même quand je joue du blues. Elle pense que j’arrive à écrire du blues en dormant ! C’est sans doute parce que c’est ma force principale. J’ai voulu capitaliser dessus et le résultat a été très satisfaisant et il s’est fait en douceur. Les paroles sont certes parfois un peu sombres mais pour autant tout a jailli d’un seul coup !

Pour ton précédent album, tu as déclaré avoir une révélation au moment d’écrire les paroles et que tu ne t’attendais pas un jour à autant apprécier le fait d’écrire des textes pour tes chansons. Blues For The Modern Daze est rempli de thèmes personnels : est-ce donc une confirmation de cet intérêt pour l’écriture de paroles ?
W. T. : Je pense que oui. Blues For The Modern Daze est mon vingt-et-unième album et j’ai soixante et un ans… Pourtant, j’ai l’impression que je ne fais que commencer à trouver mon propre style aussi étrange que cela puisse paraître. J’ai compris ce que j’avais vraiment dans la musique que je joue. J’aime quand les choses restent simples. C’est pourquoi Blues For The Modern Daze est aussi direct et basique dans pas mal de ces caractéristiques.

Blues For The Modern Daze est indéniablement un disque de blues puisque c’est même indiqué dans son titre ! Pourtant, il y a un vent de fraîcheur et une certaine liberté qui flottent sur cet album et qui le différencient de la scène blues telle que nous la connaissons ou telle que les puristes voudraient qu’elle soit. As-tu ta propre définition de ce que doit être le blues ?
W. T. : Et bien non ! Je pense que le blues est ouvert à de multiples styles et à de multiples approches artistiques. Ca ne m’intéresse pas de faire plaisir aux puristes et on sait qu’ils sont nombreux dans le blues ! Par leurs positions, ils se privent souvent de très bonne musique jouée par des gens à la limite de leur sphère et c’est dommage. L’ouverture d’esprit est essentielle. Blues For The Modern Daze doit être considéré comme ma vision du blues. C’est plus explicite que n’importe quelle définition. J’ai essayé d’explorer tous les recoins de ce qui m’intéresse. Mais il n’est pas impossible que quelqu’un d’autre te donne une définition complètement différente… Pourtant ça ne voudra pas dire que nous ne parlons pas de la même chose ! Le blues est un courant tellement vaste.

Chaque genre musical a ses ayatollahs mais je trouve que ceux du blues font partie des plus radicaux. Même les metalleux semblent plus ouverts d’esprit en règle générale et ce n’est pas peu dire… Comment expliques-tu cela ?

W. T. : Je ne sais pas. C’est dur d’expliquer les motivations des snobs… On n’arrête pas de me demander si je suis blues ou rock mais là je suis en France, le pays de Victor Hugo, d’Emilie Zola et d’Alexandre Dumas, Paris la ville où Django Reinhart, Edith Piaf et Charles Aznavour ont connu leur succès… Et je ne pense pas que tous ces gens se souciaient de la classification de leurs œuvres. Je vais les imiter sur ce point. Les gens peuvent me classer dans ce qu’ils veulent et se priver de bonne musique par la même occasion. Je m’en fous ! L’art est une chose merveilleuse dont la seule limite est l’imagination de l’artiste. J’ai du mal à me sentir concerné par les gens qui sont si étroits d’esprit.

Tu sembles connaître quelques noms de la culture française (rires). Tu t’intéresses à notre patrimoine culturel ?

W. T. : Oui. Depuis des siècles, la France et l’Italie sont les pays au patrimoine culturel le plus riche. Le reste du monde a toujours suivi. Seule la musique moderne est la chasse gardée des américains et la seule chose que notre peuple a vraiment livrée au monde. Le blues, le jazz, le rock, le gospel, la country, le bluegrass : tout ça est américain. Pour le reste, il faut aller du côté de la France et l’Italie qui ont toujours eu énormément d’avance sur les autres. Personne n’a dit à Zola lorsqu’il écrivait J’accuse qu’il n’avait le droit de faire que des romans sur des prostituées. Donc je m’inspire de sa liberté !



Walter Trout - Blues For The Modern Daze
Provogue
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