Depuis la sortie de Gothic Kabbalah en 2007, Therion a connu quelques changements de line-up. Peux-tu revenir sur ce qu’il s’est passé ?
Christofer Johnsson : Le précédent line-up a simplement eu l’honnêteté de reconnaître que nos meilleurs moments étaient derrière nous. Nous avons voulu éviter de décliner de manière trop importante. Nous aurions encore pu faire quelques excellents albums et quelques tournées mondiales ensemble, je pense. Je trouve qu’il faut que Therion se mette en danger, qu’il risque sa carrière à chaque album car nous avons fait nos meilleurs disques lorsque nous étions sous pression et le dos contre le mur. La routine s’installait. Je l’ai compris le jour où Kristian Niemann m’a dit qu’il enregistrerait les guitares du nouvel album après le boulot… Il ne faisait pas cela avant. Maintenant, il préfère bosser le jour pour avoir plus de fric. Pourtant Therion lui rapporte suffisamment. Le fait de bosser à côté signifie que l’on n’est pas à 100% concentré sur Therion. Or, ça ne va pas. J’ai fait la remarque aux frères Niemann et ils ont été d’accord avec mon point de vue. J’admire leur franchise car la plupart des gens auraient menti pour rester en place. J’ai du mal à les laisser partir aussi car je connais leur valeur et leurs compétences musicales. Heureusement j’ai trouvé un line-up nouveau où règne une super atmosphère.
Pas de problèmes à l’horizon ? Car tu semblais t’être enfin stabilisé avec les frères Niemann…
C. J. : Notre bassiste Nalle a quelques soucis avec l’alcool… Disons que la mère de ses enfants est loin d’être une personne responsable et ses enfants sont très dépendants de lui. Et il a développé un léger problème de boisson. Cela peut être ennuyeux lorsque nous partons en tournée où la tentation est partout. Un musicien en tournée ne boit pas du tout ou boit tout le temps, en fait… Il n’y a pas de juste milieu. Nous avons donc pris un remplaçant pour la tournée bien que Nalle fasse toujours partie du groupe. On verra ce que ça va donner. Mis à part le tout premier line-up de Therion, je ne me suis jamais retrouvé avec des gens que je considérais comme des amis. Juste de bons collègues de boulot. Aujourd’hui je peux dire que le line-up est constitué d’amis. Notre chanteur principal n’a même pas de problème d’ego (rires) ! Notre guitariste n’a pas essayé de nous impressionner lors de ses auditions comme tous les autres à jouer derrière sa tête en faisant des sauts périlleux. C’est parfait pour rejoindre le cirque mais pas pour Therion (rires).
Cela se ressent d’ailleurs dans votre nouvel album,
Sitra Ahra. Il y a moins de démonstrations techniques mais une grande honnêteté combinée avec une sorte de retour à ces sonorités que vous aviez délaissées…
C. J. : Christian Vidal et moi parlions un jour et nous nous sommes dit à propos des soli de guitare qu’il fallait qu’on fasse attention à les rendre mémorables. Avec une bonne ligne de chant, tout le monde, même le type avec dix bières dans le nez au fond de la salle, se rend compte du moindre changement en concert. Il faut que cela soit pareil pour les soli autrement cela signifie que le solo est mauvais ! Nous avions ça en tête au moment d’enregistrer
Sitra Ahra. J’ai rencontré des guitaristes capables de faire du shred à la Malmsteen sans faillir mais incapables de faire vivre une rythmique à la AC/DC. C’est là qu’on comprend le génie et le talent de ce groupe. Si vous voulez juger le groove de n’importe quel groupe, demandez-lui de faire une reprise d’AC/DC : c’est le baromètre ultime. Nous avons essayé de faire cela sur
Sitra Ahra en laissant passer quelques approximations dans le jeu et en ne supprimant pas touts les dynamiques dans le son comme le font des centaines de groupes de nos jours. Je trouve que l’album sonne comme un disque des années 80 qui vient d’être remasterisé. Ca ressemble à un enregistrement analogique.
Juste avant
Sitra Ahra, tu as sorti deux albums live avec Therion. Est-ce que cela a eu un impact sur ce que tu voulais faire avec le disque, notamment en te replongeant dans de vieux titres ?
C. J. : Non. Le disque est écrit depuis plus de six ans, en fait. Au moment de Deggial nous avions déjà six ou sept titres de prêts. Mais j’ai préféré faire un concept album sur les runes. En 2004, nous étions hyper productifs avec les frères Niemann et nous aurions pu sortir trois albums. Pour différentes raisons nous n’en avons sorti que deux mais nous avons gardé nos meilleures chansons de côté pour plus tard ! Ensuite j’ai eu envie de faire un disque complètement différent avec Gothic Kabbalah.
Sitra Ahra ne voit donc le jour qu’en 2010. Je crois que c’est une grande première : un groupe qui garde ses meilleures chansons de côté pendant si longtemps ! C'est marrant de constater que certains titres sont joués exactement de la même façon qu'ils avaient été composés alors que d'autres ont été réarrangés en profondeur !
Sitra Ahra présente l'avantage, étant composé de vieux titres, de ne pas donner du grain à moudre à vos détracteurs fans des anciens disques et qui ne supportent pas les récents opus que vous avez pu produire...
C. J. : Tout à fait ! Pour tout te dire, je suis également très intéressé par leurs réactions... Je me demande vraiment ce qu'ils vont dire sur ce disque car
Sitra Ahra est vieux... mais neuf (rires).
Tu n'as donc rien écrit pour Therion en 2009 ? En tout cas, rien qui ne figure sur
Sitra Ahra ?
C. J. : Pour Gothic Kabbalah, j'avais utilisé deux des chansons des sessions originales. J'avais donc un peu de place pour composer de nouvelles chansons. De plus, il y a deux titres des sessions qui ont été enregistrés mais pas retenus pour l'album final. Il s'agissait d'ailleurs de vieux morceaux. Je tiens à dire que pour le prochain album je repartirai de rien. Les seules idées qui restent sont celles qui n'étaient pas assez bonnes pour être transformées en véritables morceaux donc je ne m'en servirai pas. Pour l'heure, j'espère que
Sitra Ahra vous plaira car c'est vraiment le meilleur que je puisse vous proposer !
Therion -
Sitra Ahra
Nuclear Blast