Jens Johansson : C’est toujours un événement. En plus, Jörg Michael a fait partie de Stratovarius pendant 17 ans. Exactement comme moi. À ce moment-là, nous étions les nouveaux. Et maintenant je suis le seul restant des nouveaux (rires). Timo n’était là qu’un an avant moi… Nous sommes en quelque sorte les anciens nouveaux (rires) ! Jörg est parti en très bons termes avec tout le monde. Nous n’avons pas vécu le même chahut que nous avions connu parfois par le passé… Rolf a pris sa place avec beaucoup de facilité. Pour vraiment juger si ça colle avec quelqu’un il faut partir en tournée avec lui. Là on se côtoie sans cesse et ça ne pardonne pas si les choses se passent mal. Mais j’ai un bon sentiment avec lui. En plus c’est un très bon batteur, tout comme bon nombre de musiciens que nous avons reçus en audition, mais lui était exceptionnel.
L’avez-vous tout de suite ressenti ?
Timo Kotipelto : Dès que nous avons joué avec lui, il a été à l’aise. Il n’a jamais semblé nerveux. Et, chose amusante, son nom de famille est Michael, comme Jörg. Peu de gens le savent… Mais nous ne l’avons pas choisi à cause de son nom de famille (rires) ! Il avait une solide réputation de batteur et a participé à pas mal de groupes mais maintenant il se focalise à 100% sur Stratovarius. Il était fan de Stratovarius en grandissant et c’est beau de voir que son rêve de jouer avec nous a pu se réaliser. Ses yeux brillent lorsqu’il joue les vieux morceaux.
Vous avez vécu des départs « en grande pompe » par le passé. N'est-ce pas finalement plus dur de voir partir quelqu’un comme Jörg, presque à regrets et sans heurt ?
T. K. : Oui, bien sûr. Mais il reste impliqué comme tourneur pour le groupe. Il va certainement gérer notre tournée en Russie. Jörg a voulu arrêter de jouer au top de ses capacités et, avec le cancer qu’il a choppé, le futur reste incertain. En tout cas, je le vois mal jouer dans dix ans avec la même fluidité et la même facilité qu’en 2012…
T. K. : Nous ne savons jamais ce que nous faisons, c’est presque comme une loterie (rires) ! Depuis trois albums, comme tu le sous-entends, nous sommes bien plus libres car chaque membre peut proposer des morceaux ou des idées pour inclure sur nos opus. Polaris était le disque de « sauvetage », Elysium nous montrait plus confiants dans notre approche et Nemesis enfonce le clou. C’est vraiment un Stratovarius nouveau, moderne et parfaitement ancré en 2013. Les bonnes mélodies, les bons soli et la technique sont toujours présents.
N’avez-vous pas l’impression d’aller dans une certaine direction ?
J. J. : Nous avons l’impression d’aller dans une direction incertaine (rires). Nous composons chacun tous azimuts et ensuite nous décidons ensemble de ce qui doit aller ou non sur le disque. C’est un processus à la fois aléatoire et strict. Le plus dur est souvent de convaincre les autres membres du groupe que nos idées sont bonnes (rires). D’ailleurs, Timo, je pense que la prochaine fois il faudra que les paroles soient prêtes avant de voter pour les chansons que l’on préfère car c’est important, les paroles !
T. K. : Très bonne idée, effectivement…
J. J. : Comme ça si les paroles sont nulles, ça fait un argument supplémentaire pour rejeter certaines idées (rires). Matias a écrit une large part des chansons de Nemesis mais c’est uniquement parce qu’il est très doué en tant que compositeur. Il comprend mieux notre public aujourd’hui qu’en 2008. À l’époque, on n’arrêtait pas de lui parler de Tolkki et il avait peur du duo de fous que Jörg et moi formions (rires). Et puis Tolkki nous balançait pas mal de piques dans la presse… Aujourd’hui, il compte environ deux cents concerts à nos côtés et il guette la réaction du public aux chansons. Il comprend tout mieux, notamment la voix de Timo.
T. K. : Tout est plus raffiné à présent en ce qui le concerne. La production, le choix des tonalités de guitare, etc. Il est très intelligent et s’améliore constamment. Son jeu de rythmiques a bien évolué. Au départ, c’était un pro des leads. Maintenant, il excelle dans tous les domaines. Ecoutez Polaris puis Nemesis dans la foulée. Les différences sont flagrantes.
Vous pensiez qu’il ne serait peut-être pas à la hauteur ?
J. J. : Il avait une sacrée pression tout de même ! Tout le monde l’attendait au tournant : sur scène, comme guitariste, comme compositeur et même comme producteur. A présent, on peut le dire, Stratovarius fait autant partie de lui que Matias fait partie de Stratovarius.
J’avais déjà entendu parler de votre manière de « voter » au sein du groupe pour les chansons à retenir ou non. Y a-t-il une brebis galeuse dans le groupe, quelqu’un qui propose beaucoup de chansons mais qui en définitive n’en a pas beaucoup qui sont retenues (rires) ?
T. K. : Non. Tout dépend de la chanson. Si quelqu’un arrive avec un beat dance ou une idée reggae, ça sera compliqué d’inclure ça sur l’album. Enfin, je doute qu’un de nous fasse cela mais bon, c’est ce qui se passerait s’il y avait quelque chose de totalement différent.
J. J. : Pour Elysium, Lauri Porra avait soumis plein de morceaux et finalement nous n’avons pas gardé tant que ça en pourcentage. A l’époque, ce qu’il avait écrit ne semblait pas correspondre à Stratovarius. Maintenant, il est mieux dans le moule. En tout cas, c’est toujours aussi compliqué de convaincre des vieux bougres comme nous (rires). Timo, pour Nemesis, n’a soumis que deux compositions mais elles ont été gardées toutes les deux. C’est monsieur 100% (rires). Quant à moi, ils n’ont pas gardé grand chose car je suis parti dans des délires ska jazz reggae sur des durées de 15 minutes !
Jens, tu fais partie des rares exceptions qui ont réussi à mettre une de leurs compositions sur un album de l’ère Tolkki avec « Glory of the World ». Comment l'as-tu convaincu de te laisser t’exprimer ainsi ?
T. K. : Oui, Jens, c’est vrai : comment l’as-tu convaincu (rires) ?
J. J. : (rires) En fait, nous avions aussi un processus de vote lorsque Tolkki était dans le groupe mais c’était la seule personne qui pouvait voter (rires).
T. K. : Moi, j’ai eu droit à quelques bonus tracks pour le Japon.
J. J. : Le Japon a toujours été un marché important pour Stratovarius. Pour le nouvel album, c’est moi qui signe la bonus track pour le Japon. Je crois qu’elle va leur plaire car il y a un côté 80s assez drôle. Maintenant, je suis arrivé à un point où le fait d’avoir ou non mes chansons sur nos albums n’a pas une très grande importance. Nous voulons simplement sortir les meilleurs disques possibles et si cela passe par l’inclusion de titres d’autres personnes, tant mieux !
T. K. : Nous ne gagnons plus vraiment d’argent avec les albums de toute manière, donc il faut se faire plaisir et proposer aux fans des titres de qualité.
Le morceau « Unbreakable » de Stratovarius extrait de Nemesis
Stratovarius - Nemesis
EAR Music
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