Comment l’idée d’un album avec Richard Barbieri est-elle arrivée ? Tu ne fais pas partie de ces artistes qui ont des tonnes de projets parallèles…
Steve Hogarth : Ca remonte à l’album Ice Cream Genius en 1997. J’avais demandé à Steven Wilson de le produire mais il venait juste de s’engager sur un album de Fish… Le timing n’était pas bon (rires). En allant vers Steven, je me suis mis à écouter Porcupine Tree, groupe inconnu à l’époque. En fait le seul truc un peu connu de Porcupine Tree était Richard Barbieri qui jouait dans Japan, avant. Dans les années 80 quand je tournais avec The Europeans, nous écoutions en boucle Tin Drum de Japan en nous disant que ce serait génial de bosser avec le claviériste de ce groupe.
Au final, il est venu pour enregistrer Ice Cream Genius. Je lui ai demandé s’il pouvait faire un son qui commence comme un gong et finisse comme un avion. Il a mis son casque et a bidouillé quelques boutons avant de me faire entendre exactement ça (rires) ! Nous l’avons utilisé sur Nothing To Declare. J’ai tout de suite adoré les goûts de ce mec. En plus, il avait une véritable compréhension des claviers. Une seconde peau pour lui. Je programmais des claviers également et je sais à quel point ça peut être compliqué. Richard habite un endroit à l’intérieur même des transistors (rires). Nous sommes devenus de bons amis car nous avions bien travaillé ensemble. Avec le H Band, il m’a accompagné à travers l’Europe où nous avons pu faire plus ample connaissance encore. J’ai aussi pu rencontrer les autres mecs de Porcupine Tree. Depuis, j’ai vu le groupe plein de fois ! Je connais très bien Steven et Gavin me tolère (rires) !
Richard m’a envoyé un mail un jour proposant qu’on fasse un album ensemble. J’étais partant et il m’a envoyé des MP3 avec ses idées instrumentales. Il a fait toute la musique avant de la transmettre par mail pour que j’écrive les paroles. Nous n’avons pas du tout bossé ensemble. Nous avons échangé nos fichiers lors de rares rencontres. C’est assez peu fréquent comme processus de fabrication ! Du coup, j’ai pu être tout à fait honnête de mon côté car je n’avais aucune personne autour de moi pour me dire ou me conseiller quoi faire. J’appuyais même sur le bouton enregistrer moi-même (rires). Nous avons échangé sur nos idées par correspondance et nous nous sommes retrouvés en studio ensemble uniquement lorsqu’il fallait enregistrer les pistes des autres musiciens !
Et même là les interactions ont été minimales car nous avons laissé Dave Gregory faire ce qu’il voulait avec les arrangements des cordes. Il a même joué de la guitare alors que nous ne lui avions pas demandé. Il n’a pas pu s’en empêcher (rires). Heureusement, ses parties étaient très bonnes donc nous les avons gardées. Il n’y a finalement que pour la batterie et la basse où nous étions tout le temps là à superviser le travail ! Je n’ai dû ajouter qu’une note de hammered dulcimer sur Naked !
Cette expérience créative t’a t-elle donné envie de travailler différemment avec les membres de Marillon pour la suite ?
S. H. : En fait, oui ! Si la méthode n’est pas trop controversée pour notre producteur, je vais suggérer de faire mes parties de chant, seul, pour le prochain Marillion. Ca pourrait donner quelque chose d’intéressant conceptuellement. A suivre !
Le fait que tu t’occupes des paroles / chant et Richard de la musique était-il convenu dès le départ ? Vous ne vouliez pas essayer de sortir de vos zones de confort respectives à l’occasion de cet album ?
S. H. : Je crois que Richard n’apprécie pas trop de faire autre chose que des « sons ». Donc, oui dès le départ nous avions nos domaines respectifs d’intervention et il n’était pas question pour l’autre de mettre son grain de sel dedans autrement qu’en donnant son avis. J’ai pu m’exprimer avec beaucoup de bonheur sur ce disque en termes de textes. Red Kite par exemple parle… de voitures ! C’est un oiseau de proie qui plane au dessus d’une autoroute en Angleterre. Il y en a de plus en plus entre Oxford et London car ils ont bien compris qu’il y a plein d’animaux écrasés. Quand on conduit là-bas on a l’impression qu’ils nous guettent, c’est très étrange. C’est une chanson essentiellement sur la relation entre la nature et la vie artificielle de l’homme. J’ai beaucoup aimé écrire ce texte.
Tu as pris du plaisir sur d'autres textes également ?
S. H. : Oui. A Cat With Seven Souls parle tous les gens à l'intérieur de... moi et leurs combats (rires) ! Il y a un lien entre la majorité des chansons de l'album (sauf peut-être Red Kite) : l'amour et la peur. Un sage a dit un jour que tous nos actes résultaient d'une façon ou d'une autre de l'amour ou de la peur. Les personnes éclairées se nourrissent de l'amour et les autres de la peur. Une fois que l'on a compris ça, le comportement général de nos sociétés devient on ne peut plus limpide...
Dans le monde actuel, nous vivons avec une peur constante d'Al Qaida alors que les attentats du 11 septembre n'étaient certainement qu'une forme de vengeance. Ces thèmes se retrouvent quelque peu dans Naked, mais aussi le fait que, quelque part sous toutes ces conneries, il y a les individus. Et nous sommes tous « naked. Don't be afraid. It's alright. »
Il y a aussi Your Beautiful Face qui parle d'une femme que j'ai connue un jour il y a une vingtaine d'années. Une sublime femme fatale qui avait pleinement conscience de son sex- appeal et qui du coup était vraiment une calculatrice insupportable (rires). L'année dernière, j'ai rencontré sa fille qui a exactement le même visage. Dans l'intervalle, sa mère a vieilli et sa beauté est passée. Elle a un peu grossi aussi... Elle vit sa vie de manière très différente maintenant. Sa fille a maintenant les cartes en mains pour faire tourner les têtes et pourtant elle est nettement plus douce et sympathique. Donc ce n'est pas l'arme qui blesse mais la main qui l'utilise ! Et vous comprenez ainsi le nom de cet album.
Steve Hogarth & Richard Barbieri – Not The Weapon But The Hand
KScope
www.stevehogarth.com
www.richardbarbieri.net