Paul Gilbert : C'est une bonne question ! D'une certaine façon c'était très différent car au moment du premier opus je n'avais quasiment aucune expérience dans la conception d'un album. Je n'étais familier que dans le genre de Racer X. En 2010, j'ai pas mal de disques derrière moi et nettement plus d'expérience. Je n'avais pas encore fait le parallèle que tu dresses. Je crois que l'originalité principale du disque, mis à part le fait qu'il s'agit d'un album de reformation, est que tout a été enregistré dans les conditions du live. Même le chant a été mis en boîte au même moment que les autres instruments et tout le monde jouait dans la même pièce. C'est rare de fonctionner comme cela ! Nous avons super bien collaboré avec notre producteur Jerry Shirley... Je veux dire Kevin Shirely ! Je n'arrête pas de me tromper (rires). Tu connais Jerry Shirley ?
Non...
P. G. : C'est le batteur de Humble Pie et Fastway. C'est un excellent batteur mais il n'a pas produit What If... puisque c'est Kevin Shirley qui l'a produit (rires) ! Kevin a déjà bossé avec Iron Maiden, Aerosmith, The Black Crowes, etc. Ce fut un honneur d'être à ses côtés et il s'est montré très compétent pour nous arracher les meilleures prestations possibles.
La raison pour laquelle je posais ma question initiale est qu'à l'époque Mr. Big avait été constitué comme une groupe « artificiel » où les membres ne se connaissaient pas. Vous vous êtes retrouvés après avoir fait d'autres choses pendant plus de dix ans. D'où une possible similitude...
P. G. : Tu as raison, c'est une piste à creuser ! Je voulais surtout avoir de nouveaux morceaux à jouer en concert (rires). La tournée de reformation a très bien fonctionné et nous voulions continuer. Mais il était plus raisonnable de composer de nouvelles chansons avant. Avec un bon album sous le coude, la tournée n'en sera que plus intéressante et agréable. Nous avions ça en tête pendant que nous enregistrions What If.... Du coup, nous ne comparions pas vraiment cette expérience à un autre disque, même le premier. Plus la carrière de Mr. Big avançait plus ses membres se sont mis à écrire séparément. Nous avons sans doute retrouvé ce désir d'écrire tous ensemble comme lors de nos débuts. C'est la ressemblance majeure en dehors de fait que nous sommes les quatre mêmes mecs (rires).
Depuis Hey Man en 1996, tu as fait de nombreux disques plutôt variés. Tu as notamment fait quelques albums instrumentaux. Est-ce que cela a eu un impact sur ta façon d'écrire et tout simplement sur ce que tu voulais faire au sein de Mr. Big ? Tu voulais aller encore plus loin dans les soli ou au contraire te focaliser davantage sur les chansons elles-mêmes ?
P. G. : Mmmmmh. Pour Mr. Big il est clair que les compositions sont vraiment importantes. Je ne pense pas tant aux soli qu'aux parties de guitare rythmique et les arrangements globaux. En ce moment, que ce soit avec Mr. Big ou seul je suis vraiment intéressé par le rythme. La plupart des guitaristes associent le rythme à des grilles d'accords ou un jeu limité aux trois cordes les plus graves de l'instrument. Pourtant, il est possible d'aller jouer dans les aigus et donner au son un « contenu rythmique ». Je veux jouer de la gratte comme un batteur (rires) ! Je veux être conscient du rythme de la même manière qu'un batteur. Sur le nouvel album, la chanson Undertow montre bien ça (il tape le rythme en chantant ses lignes de guitare). On peut dire la même chose d'une grande partie des nouveaux soli que je présente. J'étais physiquement proche de Pat lorsque je jouais pour, encore, penser comme un batteur. Ca a fonctionné je pense. J'ai toujours eu un penchant pour cet aspect là du jeu mais souvent je l'ai trop théorisé. Là je me suis juste lâché et j'ai joué mes parties tout en ayant en tête des éléments pour rendre le tout plus original et améliorer du mieux possible la qualité des chansons déjà écrites.
Mr. Big a toujours eu un côté pop rock dans sa musique tout en ayant en son sein des musiciens incroyables. Est-ce que tu te sens proche d'un groupe comme Toto dont les chansons, comme les vôtres, prennent une dimension tout autre en concert où les musiciens se lâchent dans un déluge technique ?
P. G. : Il y a différentes façons d'appréhender le son d'un groupe. Tu as raison : il y a plusieurs niveaux à Mr. Big. Je préfère toutefois dire « éléments mélodiques » que « pop rock » (rires). J'adore la pop mais je trouve tout de même que Mr. Big a plus sa place dans la catégorie hard rock qu'ailleurs. De plus, il est vrai que Billy Sheehan et moi faisons des trucs assez fous mais il y a toujours une certaine liberté et facilité dans ce que nous proposons. Je comparerais ça aux premiers albums de Led Zeppelin ou de Van Halen. Toto est super carré dans ses arrangements et nous voulons plus de liberté dans nos chansons.
En revanche, en live, tous ces groupes revisitent leur répertoire avec beaucoup de liberté et se permettent des choses assez ahurissantes...
P. G. : C'est vrai. Mais en studio aussi, parfois. What If... est notre disque le plus « live ». Nous avons toujours essayé de faire cela par le passé mais ça n'avait jamais abouti de manière aussi convaincante qu'aujourd'hui. Je ne sais pas si cela est dû à notre expérience, à la manière dont nous avons enregistré ou à notre nouveau producteur ou à autre chose encore... Je suis fier que nous soyons de suffisamment bons musiciens pour nous permettre d'enregistrer What If... de la manière dont nous l'avons fait. Plus personne n'enregistre un disque en live sans overdubs de nos jours ! Il y a donc des erreurs et des approximations sur l'album mais elles contribuent grandement à l'atmosphère dégagée.
Avant de rentrer en studio as-tu réécouté les anciens disques de Mr. Big et notamment les deux sur lesquels tu n'es pas présent ?
P. G. : Non, je n'ai même pas écouté ceux où j'étais présent (rires) ! En fait je n'écoute plus trop de rock maintenant. J'adore jouer du rock mais j'écoutais surtout du Johnny Cash ou du Melody Gardot lorsque nous étions en train de faire What If.... En fait que de la musique sans batterie et pourtant j'adore cet instrument comme vous l'aurez tous compris maintenant ! Mais je suis comme un cuisinier dans un restaurant chinois qui n'a pas envie de manger chinois chez lui... Je trouve souvent de l'inspiration pour ma musique dans des styles totalement opposés à ce que je joue habituellement.
Mr. Big – What If...
Frontiers
www.mrbigsite.com