2024 marque les 130 ans d'une institution américaine, et de l'une des deux marques les plus importantes de la guitare électrique. En effet, le premier instrument fabriqué par Orville Gibson date de 1894, et depuis la marque de Kalamazoo (puis Nashville à partir de 1975) nous a donné la guitare archtop, la Nick Lucas, la grosse J-200, la plus sobre J-45, la première guitare électrique avec l'ES-150 (utilisée par Charlie Christian), le micro P90, la Les Paul, l'Explorer, la Flying V, la SG, le chevalet Tune-O-Matic, le micro humbucker, le concept de semi-hollow body avec la ES-335, le son des Beatles dernière période et bien d'autres encore.
Difficile de trouver un grand musicien qui n'a pas été profondément inspiré par une Gibson à un moment ou à un autre. Même les plus grands fenderistes croyants et pratiquants n'ont pas résisté à la chaleur et à la rondeur d'une bonne Les Paul sunburst de la fin des années 50. Et beaucoup ont bâti leur son sur l'alchimie absolue d'un instrument d'acajou fabriqué à Kalamazoo branché dans les lampes d'une tête britannique.
Au cours de sa longue histoire, la marque a traversé de nombreuses déconvenues, du rachat par le spécialiste de la bière sud-américaine ECL en 1969 jusqu'à la banqueroute de 2019. Mais à l'heure actuelle, Gibson se porte bien, très bien même, et les différentes marques du groupe constituent un catalogue cohérent et très attirant, d'Epiphone à Mesa Boogie en passant par Kramer.
En raison de son héritage colossal, Gibson pioche souvent dans son passé pour alimenter son présent, et c'est souvent l'historien maison, le vice-président produits, Mat Koehler, qui se charge de plonger dans les riches archives maison pour en extirper des concepts historiques, comme la forme Theodore, dessinée par Ted McCarty dans les années 50, mais qui n'est devenue réalité qu'en 2022.
Pour fêter l'anniversaire de la marque, nous avons eu accès à des photos historiques de la marque que nous partageons avec vous, et nous avons pu faire le bilan avec Mat Koehler, Vice-Président des produits Gibson et Jason Davidson, le chef de développement produit de la marque, dont vous pouvez ici lire les réponses à nos questions.
Quelle date précise considères-tu comme la naissance de la marque ?
Jason Davidson : 1894 est l'année de "naissance" de Gibson, c'est de cette année-là que datent les plus anciens instruments à cordes connus fabriqués par Orville Gibson.
Et de quand daterait la première guitare Gibson ?
Jason Davidson : Orville Gibson faisait aussi des guitares à la fin du 19ème siècle, la plus ancienne dont on ait connaissance date de 1887.
Orville Gibson et Lloyd Loar étaient-ils des musiciens ?
Jason Davidson : Oui, ils jouaient tous les deux et se produisaient en public avec des orchestres dans la région de Kalamazoo dans le Michigan.
Gibson a été responsable du premier modèle signature avec Nick Lucas. Quel était son rôle dans sa création ?
Jason Davidson : Nick a effectivement participé à son modèle signature, comme en témoigne ce passage :
"Je travaillais au Edgewater Beach Hotel, et je jouais sur une guitare Galliano achetée à New York. Frank Campbell, qui était alors le responsable des ventes chez Gibson, essayait de me convaincre de me débarrasser de la Galliano. C'était en 1924. Je lui ai répondu “Si vous fabriquez une guitare qui correspond à mes critères et qui n'est pas trop encombrante, je me débarrasserai de celle-là. ” Je voulais un son plus large, des éclisses plus profondes, et un corps plus réduit qui aurait une meilleure apparence sur scène. J'ai été très content de l'instrument qu'ils m'ont fait, et je l'ai toujours. C'est une guitare qui a été fabriquée en 1925, vous seriez surpris de voir à quel point elle se porte bien !" Nick Lucas (Source)
À l'époque, les modèles signature étaient un moyen de montrer des artistes sérieux comme garantie de la qualité d'une marque. À l'heure actuelle, il y a plus un élément d'imitation du matériel d'un artiste connu, en particulier avec la double manche de Page ou la ES-335 de Slash. De quand dates-tu cette évolution ?
Jason Davidson : Je ne suis pas nécessairement d'accord avec ton constat, mais les modèles signature en général répondent à la demande des clients. De nombreux guitaristes passés comme présent veulent jouer sur le même modèle de guitare que leur guitar hero, et nous pouvons répondre à cette demande du marché en proposant différents modèles signatures à différents niveaux de prix. Par exemple, la Epiphone Slash Appetite Les Paul Special-II Performance Pack et la Gibson Custom Shop Slash 1963 ES-335 Collector's Edition sont deux modèles Slash à des prix très différents.
À l'époque où Ray Whitley a commandé la première J-200, la plupart des musiciens avaient une très bonne guitare, mais ils ne les collectionnaient pas vraiment. De quand date ce changement ?
Mat Koehler : Ray Whitley avait en fait trois très belles acoustiques Gibson à l'époque, je dirais donc qu'il voyait déjà ses créations custom comme des trophées autant que des outils. Mais effectivement, le marché des “collectionneurs” de la guitare n'est apparu qu'à la fin des années 1960, sans doute sous l'impulsion des modes musicales de l'époque. Certains musiciens voulaient un type d'instrument précis pour obtenir un type de son précis, certains de ces instruments n'étaient pas disponibles sur le marché du neuf, et c'est ainsi que les côtes ont commencé à monter et que la mentalité des collectionneurs est apparue.
De nombreux modèles Gibson sont devenus célèbres pour des sons qui n'avaient même pas encore été envisagés lors de leur création. Comment expliques-tu que vos créations aient pu autant exciter l'imagination des musiciens ?
Mat Koehler : Un bon artisan fait de bons outils ! Et on adore voir des musiciens détourner ces bons outils de l'utilisation pour laquelle ils avaient été conçus. Nos instruments sont inspirants, et c'est le plus important. Et il ne faut pas oublier que notre catalogue a toujours été très vaste, nous proposons des instruments de styles très différents.
Pendant la 2ème Guerre Mondiale, les guitares "banner" étaient uniquement fabriquées par des femmes. En quoi leur approche était-elle différente ?
Mat Koehler : Le livre de John Thomas “Kalamazoo Girls” est une bonne référence sur le sujet. De manière générale, elles ont dû apprendre un éventail de nouvelles compétences en peu de temps, et cette nécessité a amené une vraie ingéniosité au processus de fabrication sans pour autant sacrifier le niveau de qualité supérieure et le souci du détail. Je crois que le résultat a été une fierté renouvelée de l'artisanat de la guitare, ce qui a permis d'amener un environnement de travail positif et une productivité sans précédent.
Peut-on considérer que la guitare électrique a atteint son sommet en 1959 avec des versions parfaites de la Burst, de l'ES-335 ou de la Junior ? Et à l'inverse, quelles évolutions récentes ont attiré ton attention ?
Mat Koehler : Je peux tout à fait entendre ce point de vue puisque la plupart de nos guitares actuelles sont des évolutions de designs datant de la fin des années 50 et du début des années 60. Mais il y a aussi eu des centaines de designs au cours des décennies qui ont suivi, et chacun de ces modèles a su trouver ses fans et inspirer des musiciens. Certains ont même un statut culte, comme les RD, les Victory, les Sonex, les Spirit, les Nighthawk, et même la plus récente ES-275. (NDR : Faut-il y voir un indice quant aux prochains modèles qui seront réédités par la marque ?)
L'ère McCarty a vu naître les modèles les plus importants de la marque. À quel point était-il impliqué dans leur création ?
Mat Koehler : C'était un ingénieur, et il aimait donc résoudre les problèmes. Nous savons aussi qu'il était un très bon meneur d'hommes, et il a donc su pousser son équipe à donner le meilleur d'elle-même. Pour autant, il ne présentait pas souvent d'idées d'instruments finalisés, il poussait plutôt l'excellente équipe qui l'entourait à s'emparer du concept pour en faire quelque chose de manufacturable, de viable sur le marché et de désirable pour les musiciens.
Comptez-vous continuer de raconter l'histoire d'Epiphone à travers les nouveaux modèles USA ?
Mat Koehler : L'année dernière, nous avons fêté le 150ème anniversaire d'Epiphone avec différents modèles en édition limitée. Cette année, nous avons enrichi la gamme Epiphone Made in USA avec les solid body Coronet qui sont sorties il y a quelques mois. Nous aimons mettre les modèles importants d'Epiphone en lumière en les fabriquant ici à Nashville, et je pense bien que ça va continuer.
Sais-tu quelle a été la dernière guitare fabriquée à Kalamazoo en 1984 ? Et la première fabriquée à Nashville en 1975 ?
Jason Davidson : Non, mais nous avons la dernière Super 400 fabriquée à Kalamazoo en 1984. L'intérieur du dos a été signé par l'équipe de Kalamazoo et il y a une plaque qui présente cette guitare comme le “passage du flambeau” à Nashville. Nous n'avons pas de traces du premier modèle fabriqué à Nashville lorsque l'usine a ouvert en 1975. C'était très probablement une Les Paul fabriquée avec l'aide de l'usine de Kalamazoo.
La Les Paul aurait-elle pu disparaître du catalogue avant que Slash ne la remette à la mode ?
Jason Davidson : Je ne crois pas que ça ait été envisagé.
Quelle est la chose la plus surprenante que tu aies trouvée en étudiant l'histoire de Gibson ?
Jason Davidson : Ça fait plus de 20 ans que je le fais, et ce qui est vraiment surprenant est qu'il reste encore des choses à découvrir !
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