Alice Cooper se produisait en France cet automne et nous en avons profité pour nous entretenir avec les trois guitaristes du groupe. Nous avons évidemment évoqué l'actualité d'Alice Cooper, et notamment la sortie de son dernier EP "Breadcrumbs", mais aussi le mode opératoire des trois guitaristes, leur matériel, les carrières solos de Nita Strauss et Ryan Roxie ainsi qu'Hollywood Vampires, le groupe que Tommy Henriksen forme aux côtés de l'acteur Johnny Depp, Alice Cooper et Joe Perry et qui sera en concert à l'Olympia de Paris le 31 aout prochain !
Bonjour Ryan et Tommy ! Nous avions déjà demandé à Nita de nous parler de son arrivée dans le groupe lors d'une interview précédente et nous allons donc vous poser la même question. Pouvez-vous nous raconter vos débuts respectifs dans le groupe ?
Ryan Roxie : Ce que je préfère dans nos itinéraires respectifs est l'histoire de Tommy, car il a fait partie de l'aventure Alice Cooper bien avant d'intégrer le groupe ! Tommy a conduit notre bus pendant une courte période dans les années 90 et il est donc passé de chauffeur à musicien de studio jusqu'à finalement faire partie du groupe sur scène ! C'est vraiment un conte de fées n'est-ce pas ? Cela s'est passé de manière beaucoup plus traditionnelle pour moi. J'ai participé à une audition dans laquelle j'étais en compétition avec pas mal d'autres guitaristes en 1996. Cette audition avait pour but d'engager deux guitaristes en vue d'une tournée d'un an. Il y avait plein de shreddeurs comme le guitariste de Dream Theater ainsi que Warren DeMartini et Reb Beach, ce dernier décrochant un des deux postes. Conscient qu'Alice tenait déjà un shreddeur avec Reb Beach, je me suis dit qu'il allait sans doute avoir besoin d'un guitariste plus rock n'roll pour l'autre poste à pourvoir. J'imagine que j'étais le mec avec le jeu le plus rock n'roll ce jour là car j'ai été engagé suite à cette audition. Le tout premier concert que j'ai joué avec Alice était à Cabo San Lucas au Mexique (ndlr : le 2 juin 1996 au Cabo Wabo de Sammy Hagar avec Slash et Rob Zombie en invités) et ce concert a donné lieu à l'album live "A Fistful of Alice" (1997) !
De cette tournée d'un an, tu as finalement gardé ta place jusqu'à devenir le membre du groupe qui passé le plus d'années aux côtés d'Alice !
Tommy Henriksen : Ce n'est pas plutôt Chuck (ndlr : Garric, basse) ?
Ryan Roxie : Non il a raison c'est bien moi. Chuck est celui qui a passé le plus d'années consécutives dans le groupe, car je suis parti pendant un moment, mais en cumulé c'est bien moi le musicien qui a passé le plus de temps aux côtés d'Alice !
Tommy, peux-tu nous raconter comment a commencé ta collaboration en studio avec Alice ?
Tommy Henriksen : J'étais le producteur d'un groupe qui s'appelle Still Standing et Calico (ndlr : la fille d'Alice Cooper qui fait souvent partie du show en tournée) sortait avec leur guitariste à l'époque. Ils m'ont dit un jour : "Alice veut passer à la maison écouter ce que nous faisons". Alice est donc venu et il m'a dit : "Je me souviens de toi! Tu étais notre chauffeur à une époque!". Je ne l'ai pas revu ensuite jusqu'à ce que je déménage à Nashville où j'ai travaillé sur plein d'albums avec Bob Ezrin (ndlr : producteur historique d'Alice Cooper, également connu pour son travail avec Pink Floyd et Kiss). Bob et Alice ont à nouveau bossé ensemble et c'est comme ça que je suis arrivé dans le décor. Alice a demandé un jour à Bob qui était le guitariste qui jouait sur telle et telle partie en studio et Bob lui a dit que c'était moi. Steve Hunter était de retour dans le groupe pour l'année 2011, juste avant que Ryan ne revienne, et Alice avait besoin d'un autre guitariste. Il m'a alors proposé d'intégrer la formation live. Je lui ai demandé de me laisser un temps de réflexion car j'étais bien occupé par mes activités en studio. J'ai fini par revenir vers lui un ou deux mois après en lui disant que j'étais prêt à essayer.
On peut imaginer qu'il s'agissait d'une opportunité difficile à refuser et dans le même temps il ne devait pas être évident de compromettre une activité pérenne en studio pour devenir musicien de tournée. L'avantage est qu'Alice est tout le temps sur la route, ce qui est d'ailleurs paradoxal pour un musicien de 71 ans !
Ryan Roxie : Alice est plus actif que la plupart des musiciens de 40 ans ! Il tourne plus que n'importe quel autre groupe, en dépit de toute notion d'âge, car il tient à avoir du travail constamment. J'ai intégré le groupe en 1996 et j'ai fait plein d'autres projets à côté avec Slash, Casablanca et d'autres groupes. Je comprends donc cette envie d'être toujours occupé et je peux dire qu'au moins depuis 1996, Alice n'a jamais pris la moindre année sabbatique, il est parti en tournée chaque année depuis. Je mets quiconque au défi de trouver le moindre artiste rock n'roll qui a tenu la même cadence sur la même période.
Tommy Henriksen : Nos tournées sont plutôt longues en plus ! Alice passe sept ou huit mois sur les routes chaque année.
Bonjour Nita ! Le live "A Paranormal Evening At The Olympia" (2018) enregistré à Paris le 7 décembre 2017 est la première sortie officielle d'Alice Cooper sur laquelle tu apparais. Le line-up actuel étant aussi au point sur scène, n'avez-vous pas également envie de publier un Blu-Ray/DVD live ?
Nita Strauss : Tout d'abord, même s'il s'agit "seulement" d'un live, je suis on ne peut plus heureuse d'apparaitre enfin sur un disque d'Alice ! J'adorerai moi aussi que l'on puisse faire un nouveau live vidéo, ce serait vraiment un immense plaisir d'autant que le dernier DVD live d'Alice Cooper (ndlr : "Raise The Dead : Live From Wacken") est sorti en 2014 en plein pendant mes débuts dans le groupe mais il a été capté pendant l'été 2013 et je ne suis donc pas dessus (rires) ! Je pense personnellement que le temps est venu pour un nouveau DVD et je sais que je peux parler au nom de chaque musicien du groupe. Nous serions tous honorés qu'Alice veuille sortir un nouveau DVD live avec le line-up actuel. Enregistrer avec lui en studio serait évidemment génial, mais nous sommes avant tout le groupe live d'Alice et notre mission est d'assurer cette tâche en donnant le meilleur de nous-mêmes et c'est lui qui décide ensuite ce qu'il veut faire de sa carrière. De notre côté, nous devons juste nous assurer de botter les fesses du public tous les soirs !
Un EP intitulé "Breadcrumbs" (2019) est sorti récemment. Tommy tu es ces dernières années le seul membre du groupe qui bosse également en studio avec Alice. Joues-tu sur cet EP ?
Tommy Henriksen : Non pas cette fois ! Cet EP a été fait à Detroit seulement entre mecs de Detroit. J'ai composé pour l'EP, notamment le titre "Go Man Go", mais je ne joue pas dessus. A la guitare il y a Wayne Kramer du MC5 et Mark Farner de Grand Funk Railroad et plein d'autres gars de Detroit dont certains musiciens avec qui Alice jouait déjà dans les années 70.
Ryan Roxie : Quant à moi on peut dire que j'y ai contribué d'une certaine manière car il contient le titre "Detroit City 2020" qui n'est autre qu'une nouvelle version de "Detroit City" (ndlr : titre composé par Ryan et publié en 2003 sur l'album "The Eyes Of Alice Cooper") avec un nouveau refrain et je trouve d'ailleurs qu'ils ont fait une relecture fantastique de cette chanson qui est à mon sens une carte postale sur Detroit. Si tu veux faire une présentation de la ville, un hymne pour une équipe de sport locale ou tout simplement donner envie à quelqu'un de s'intéresser à Detroit, cette chanson est une bande son parfaite !
De l'extérieur on peut avoir l'impression que vos influences principales sont le metal pour Nita, le classic-rock pour Ryan et le punk pour Tommy. Est-ce un constat exact et tenez-vous compte de cela pour savoir qui joue quoi en live ?
Tommy Henriksen : Oui je viens du punk et du rock aussi, mais je ne serai jamais un aussi bon guitariste de rock n'roll que Ryan (rires) !
Ryan Roxie : Nous jouons tout simplement du rock n'roll et ce genre musical intègre à mes yeux le metal, le punk-rock et le blues-rock. Nous mettons un point d'honneur à restituer avec fidélité toutes les chansons telles qu'elles ont été enregistrées et notre plus grand défi est de rendre justice à l'esprit d'origine des différentes incarnations du groupe d'Alice ! Il y a eu tellement de guitaristes géniaux dans Alice Cooper, que ce soit le duo original composé de Michael Bruce et Glen Buxton ou bien encore l'autre duo classique que formaient Dick Wagner et Steve Hunter. Nous abattons vraiment un gros travail pour étudier les chansons et nous imprégner de leur âme. Le line-up actuel est celui qui est resté le plus longtemps ensemble depuis le line-up d'origine et j'en suis assez fier car Alice a joué avec plein d'excellents musiciens dans sa carrière, mais le line-up actuel est le seul qui a duré aussi longtemps que la toute première formation !
Comment attribuez-vous plus précisément les différentes parties de guitare à chacun, d'autant que vous habitez loin les uns des autres (ndlr : Ryan vit en Suède, Tommy en Suisse et Nita à Los Angeles) ?
Tommy Henriksen : Je me trouve dans le même fuseau horaire que Ryan, c'est déjà ça (rires)!
Ryan Roxie : Les nouvelles technologies nous aident beaucoup. On s'envoie des vidéos et si l'on voit que l'un d'entre nous joue telle partie, on va se dire : untel pourra jouer l'autre et ainsi de suite.
Tommy Henriksen : Mais cela vient très naturellement en général. Il y a des chansons ou des parties spécifiques où nous savons d'entrée de jeu si cela va être destiné à Nita ou à Ryan par exemple. Nous ne nous prenons jamais la tête là-dessus en fait, la plupart des choses viennent naturellement et il n'y a jamais de lutte d'ego.
La setlist a considérablement évolué depuis la dernière tournée en 2017 et après les surprises de l'époque qu'étaient "The World Needs Guts" et "Pain", il y a aujourd'hui encore plus de raretés issues de la période années 80 avec "Bed Of Nails", "He's Back", "Roses On White Lace" et "Teenage Frankenstein". Nita, es-tu à la manœuvre de ce retour en force de l'ère shred/hard 80's dans la setlist tant ce répertoire semble t'être taillé sur mesure ?
Nita Strauss : Ce n'est évidemment pas pour me déplaire mais je n'y suis absolument pour rien ! La setlist des tournées est déterminée par Alice et Shep Gordon, son manager historique, celui qui est à ses côtés depuis le tout début de sa carrière, il y a maintenant 50 ans. Ils sont les seuls à décider de la setlist mais je pense que le line-up actuel convient à merveille à ce genre de chansons. Ils en sont sans doute conscients et c'est un choix qui a du s'imposer de lui-même. "Poison" et "Feed My Frankenstein" sont habituellement les seuls titres que nous jouons de cette période et en ajoutant les 4 titres que tu évoques, cela fait désormais 6 chansons typées années 80 dans le set et c'est très amusant de les interpréter d'autant que cela faisait une éternité qu'elles n'avaient pas été jouées sur scène ! Il faut savoir qu'Alice et son management tiennent vraiment compte de l'avis des fans. Ils lisent ce qu'il se dit sur les différents forums, ils repèrent les "vrais" fans et s'inspirent de leurs souhaits quant aux chansons qu'ils voudraient voir de retour sur scène. Tu ne peux jamais satisfaire tout le monde, le concert parfait n'existe pas, mais ils essaient de s'en approcher le plus possible et changent la setlist à chaque tournée.
Pour rester dans cette histoire d'éloignement géographique et avec une setlist qui change à chaque tournée, comment faite-vous pour répéter ?
Ryan Roxie : Nous n'avons pas le temps de réellement répéter, nous faisons beaucoup de pré-production chacun de notre côté mais l'avantage de ce line-up est que nous jouons extrêmement bien ensemble. Il serait évidemment plus confortable d'avoir plus de temps pour faire de véritables répétitions en groupe mais je pense que nous faisons malgré tout du très bon boulot ! La setlist a effectivement beaucoup changée entre les deux dernières tournées. J'avais par exemple joué "Bed Of Nails" une seule fois avant, c'était en 2004 lors d'un concert en Grèce et le moins que l'on puisse dire est que le public réagit très chaudement à ce titre chaque soir sur la tournée actuelle ! De mon côté j'ai toujours un faible pour les chansons dotées de gros riffs classic-rock car ce sont celles qui me procurent le plus d'émotions en live. Je ressens vraiment un sentiment très particulier lorsque je joue un riff classique comme celui de "School's Out" par exemple. Ce genre de riff déclenche en toi un paquet d'émotions et de souvenirs ! Il y a ce retour de beaucoup de titres des 80's qui n'avaient pas été joués depuis des lustres mais il y a aussi d'autres raretés des 70's sur cette tournée comme "Dead Babies", "My Stars" ou "Muscle Of Love". Ces titres ne sont pas des classiques à proprement parler, mais je pense que les gens apprécient leurs qualités musicales en live.
Nita, tu as sorti ton premier album solo "Controlled Chaos" fin 2018. Etait-ce intimidant de proposer un album instrumental en guise de premier effort ?
Nita Strauss : Oui ça l'était ! Si j'avais un chanteur, les chansons seraient en boite plus rapidement et je serai moins exposée. Je jalouse parfois les groupes à chanteur, comme en ce moment car je planche sur mon deuxième album solo et j'aimerai tellement que les chansons soient déjà finies. Au lieu de ça, il va falloir que je pose tout un tas de solo par-dessus maintenant (rires) ! Mais j'adore la musique instrumentale, c'est ce que mon cœur me dit de faire et je compte bien continuer dans cette voie même si je dois avouer qu'au départ je ne pensais pas avoir le niveau pour faire un album instrumental, car je place ce type d'album tout en haut de la hiérarchie, mais le fait d'avoir répondu à la demande de Steve Vai en composant la chanson "Pandemonium" fût comme une révélation pour moi ! J'avais ce manque de confiance en moi quant au fait de proposer cette forme de musique élaborée mais lorsque Steve Vai, mon idole absolue, m'a demandé de lui fournir un titre instrumental pour son label et qu'ensuite les réactions ont étés très bonnes avec même des passages radio à la clé, chose très rare pour de la musique instrumentale, cela a considérablement boosté ma confiance et j'ai alors réalisé que je pouvais le faire ! J'ai écrit cet album en tournée et j'ai enregistré la plupart des parties dans les différentes chambres d'hôtel et loges où j'ai séjourné. La seule chose que nous avons faite dans un vrai studio est l'enregistrement de la batterie. Pour le reste j'ai toujours mon Pro-Tools dans mon sac à dos et je suis en plein dans la création d'un deuxième album instrumental !
Ryan, tu as publié récemment un album solo vraiment efficace et accrocheur avec "Imagine Your Reality" (2018). Peux-tu nous en parler ?
Ryan Roxie : J'ai opté pour une approche différente avec "Imagine Your Reality". J'ai choisi de sortir une longue série de single pour en assurer une promotion continue et d'en faire ensuite un album lorsque tous ces singles formaient un tout cohérent. J'essaie toujours de promouvoir cet album et de donner des concerts pour le soutenir entre les tournées d'Alice Cooper. C'est un pur album de rock n'roll totalement tourné sur la guitare ! Mes producteurs, et Tommy a d'ailleurs produit plusieurs titres dessus, m'ont dit : "Les gens te connaissent pour ton poste de guitariste d'Alice Cooper, ne vas pas chercher midi à 14h00, fais toi plaisir et mets-y un max de guitare" ! C'est ce que j'ai fait !
Le numéro 77 te colle à la peau. D'où vient cette association avec ce numéro ?
Ryan Roxie : Tout a commencé par une blague en quelque sorte car je souhaitais me trouver une signature dont on se souvient pour mes autographes. J'ai alors commencé à signer "Ryan Roxie '77" pour donner une dimension classique à ma signature (rires) ! L'inspiration m'est venue lorsque je jouais avec Gilby Clarke en 1993. Il faisait partie de Guns N'Roses à l'époque et il signait ces autographes en écrivant : "Gilby Clarke GN'R '93". Guns N'Roses était le plus gros groupe de la planète et je trouvais cette signature tellement cool que cela m'a incité à ajouter un '77 derrière mon nom pour lui donner un côté classique ! J'ai réalisé par la suite que beaucoup de mes artistes et de mes albums favoris sont justement apparus en 1977. Si vous faite une recherche sur l'année 1977 dans Google, vous vous rendrez compte qu'il s'agit d'une année très importante pour la musique.
Tommy, tu as travaillé avec beaucoup de groupes et d'artistes différents et on peut souvent lire sur Internet que tu as collaboré avec Lady Gaga. Est-ce vrai ?
Tommy Henriksen : Oui c'est vrai. J'ai bossé sur son premier album... mais ça n'a pas duré longtemps car je n'étais visiblement pas assez politiquement correct (rires) !
Ryan Roxie : Tommy n'est pas du genre à jouer le jeu et c'est à mettre à son crédit. Il fait sont truc à sa manière, que cela convienne ou non, et tu peux d'ailleurs clairement entendre l'influence de Tommy sur le nouvel album d'Hollywood Vampires.
Peux-tu justement nous parler de "Rise" (2019) le second album d'Hollywood Vampires, groupe que tu formes avec Alice Cooper, Joe Perry et Johnny Depp ?
Tommy Henriksen : C'est un album vraiment fun et nous avons pris beaucoup de plaisir à le faire ! Nous avons tous contribué à l'album, Alice et Joe y compris, mais celui qui s'est le plus investi dans le projet est indiscutablement Johnny Depp. Il a écrit la majorité de la musique et des paroles et j'ai produit l'album. Disons que nous avons tous les deux posé ensemble les fondations principales de l'album et c'est vraiment facile de bosser avec Johnny. Glen Sobel, notre batteur dans Alice Cooper, joue également dessus et c'est un de ces albums où tout s'est enchainé rapidement et de manière très fluide. Il nous a fallu seulement 41 jours pour le composer et l'enregistrer. Nous avons fait ça chez Johnny. Il y a plusieurs maisons sur sa propriété et l'une d'entre elle est son studio d'enregistrement. En bas il y a le studio de Johnny avec une salle de répétition et une salle d'enregistrement et j'ai mon propre studio à l'étage. Nous n'arrêtions pas d'échanger tous les deux en permanence et cela nous a permis de fournir une grosse quantité de travail en très peu de temps.
La plupart des gens ignorent que Johnny Depp était guitariste avant de devenir acteur, ce qui est on ne peut plus logique compte tenu du succès de sa carrière au cinéma. Pouvez-vous nous parler de lui en tant que musicien ?
Tommy Henriksen : C'est vraiment un super guitariste ! Je ne dis pas cela pour le flatter mais il peut littéralement jouer tout ce que tu lui demandes.
Ryan Roxie : J'en profite pour dire que la plupart des gens ignorent que j'étais acteur avant d'être guitariste... j'ai fait une pièce de théâtre à l'école (rire général) !
Tommy Henriksen : Les gens ignorent que la musique a toujours été la grande passion de Johnny et à quel point il aime ça. Il avait simplement besoin d'argent à l'époque, Nicolas Cage lui a conseillé de se rendre à un casting et le reste appartient à l'histoire !
Ryan Roxie : Je vais rajouter une chose sur Johnny. Nous accueillons régulièrement des invités sur scène, généralement de très bons guitaristes qui viennent jouer "School's Out" à la fin du concert avec nous lorsqu'ils sont dans la même ville. Johnny est clairement notre invité le mieux préparé. J'imagine que cela vient de sa carrière d'acteur, il doit se préparer en musique de la même manière qu'il se prépare pour un rôle dans un film. Mais lorsqu'il nous rejoint sur scène, il connait vraiment toutes les petites nuances. Je me souviens que la dernière fois qu'il a joué avec nous il connaissait toutes les parties de 7 ou 8 chansons de notre set ! Nos invités connaissent généralement une ou deux parties mais pas plus et la musique d'Alice Cooper est plus compliquée qu'elle en a l'air. C'est beaucoup plus musical que ce que l'on peut penser une fois que l'on dissèque les albums, il se passe beaucoup de choses au niveau des arrangements notamment.
Pour revenir sur le côté bourreau de travail d'Alice. Il n'en avait pas assez de sa carrière, il a fallu qu'il se rajoute un autre groupe avec Hollywood Vampires !
Tommy Henriksen : Oui effectivement ! Nous avons d'ailleurs enregistré la grande majorité du chant de "Rise" en tournée et dans des chambres d'hôtel. Je prépare mon PC portable n'importe où puis on y va !
Ryan Roxie : Nous avons fait de même pour mon album solo d'ailleurs. Il y a plein de pistes de chant et de guitare que nous avons enregistrées dans les chambres d'hôtel en tournée pendant nos jours de repos et nous avons gardé la plupart de ces prises ! La seule chose que nous ne pouvons pas faire en tournée est d'enregistrer la batterie de Glen. Enfin je dis ça, il n'arrête pas de jouer de la batterie, même dans sa chambre d'hôtel (rires) !
Nita, la dernière fois que nous t'avions rencontré fin 2017, tu devais garder le secret pendant encore un mois, jusqu'au NAMM 2018, quant à la sortie de ta première guitare signature : l'Ibanez Jiva 10 (ndlr : accompagnée depuis le NAMM 2020 de 2 autres modèles : la Jiva X et la Jiva Junior). Qu'est-ce que cela te fait d'avoir ta propre guitare signature ?
Nita Strauss : Comme chacun le sait, je suis une immense fan d'Ibanez ! Lorsque la marque m'a signé en 2008, j'étais alors la seule fille endorsée pour la guitare électrique, même s'il y avait déjà quelques femmes bassistes dans leur roster. 10 ans plus tard, en 2018, je me retrouve donc avec le tout premier modèle signature qu'Ibanez réalise pour une femme et je n'arrive toujours pas à le croire lorsque je prononce cette phrase ! C'est vraiment très spécial pour moi de suivre les pas de Steve Vai, Joe Satriani, Paul Gilbert, Herman Li et mes autres héros et d'être la première femme à le faire. Je sais que cela fait plusieurs fois que je le dis dans cette interview, mais je suis sincèrement très honorée et j'espère avoir ouvert une porte pour beaucoup d'autres filles !
Cette Ibanez signature a également été l'occasion de dévoiler tes premiers micros signature : les Pandemonium de DiMarzio. Peux-tu nous parler de ces micros ?
Nita Strauss : Les micros Pandemonium ont un niveau de sortie assez élevé. C'est un peu comme si le D Activator et l'Evolution avaient un enfant très bruyant ensemble (rires) ! J'ai toujours adoré le son du micro Evolution mais je trouve qu'il génère trop de bruit. C'est encore plus vrai pour un guitariste avec peu d'expérience, l'Evolution se montre alors assez difficile à contrôler. J'aime le D Activator pour son côté agressif et brillant et aussi pour le mordant particulier qu'il possède pour jouer du metal, le tout sans le moindre bruit. Si tu joues du metal moderne avec des rythmiques saccadées, tu n'entends rien entre les notes, comme s'il y avait une sorte de noise gate intégré au micro. J'ai alors demandé à Steve Blucher de DiMarzio s'il était possible de combiner l'attaque agressive et le côté silencieux du D Activator avec le côté plus vocal et le plus haut niveau de sortie de l'Evolution. Il y a du avoir neuf ou dix versions différentes des Pandemonium car je voulais m'assurer que ces micros soient parfaits. Nous y sommes finalement parvenu et nous avons opté uniquement pour une version manche et une version chevalet. Je joue en configuration HSH, mais nous n'avons pas souhaité nous attaquer à un micro simple signature car je trouve le True Velvet parfait et je ne voyais pas de quelle manière nous pourrions aboutir à un meilleur micro simple. Il n'y a vraiment rien que je voudrai changer à un True Velvet et je voulais proposer les meilleures micros possibles sur ma guitare signature.
Toutes tes guitares sont en configuration HSH. Qu'aimes-tu particulièrement dans cette configuration de micros ?
Nita Strauss : J'aime vraiment cette configuration et je me sers d'ailleurs des cinq positions possibles lors des concerts d'Alice Cooper. J'utilise même les positions 2 et 4, le micro central combiné avec un des deux humbuckers splitté. Sur "Steven" par exemple, je dois jouer la mélodie de piano transcrite à la guitare et le son obtenu en combinant le micro simple et le micro manche splitté est parfait ! J'utilise toutes les positions, il suffit juste de trouver le bon moment pour chacune d'entre elle.
Tu es connue pour aimer les profils de manche très fins et plats. Est-ce que la Jiva possède ce genre de profil ?
Le profil Wizard 1991 est effectivement mon favori ! Le profil de celui de la Jiva 10 s'en rapproche mais ce n'est pas tout à fait le même. Il s'agit d'un manche Nitro Wizard, la guitare étant fabriquée en Indonésie, ils ne peuvent pas réaliser de manche aussi fin que dans l'usine japonaise. Leur machine n'en est tout simplement pas capable. Il s'agit cependant d'un manche très fin mais un petit plus arrondi que ce que j'ai l'habitude d'utiliser et j'y prends goût à vrai dire car tu as une meilleure prise en main et parfois les manches fins sont un peu trop plats ! Je n'aurai d'ailleurs jamais pensé prononcer cette phrase un jour (rires)! Je recherche généralement toujours le profil de manche le plus fin et plat possible mais cette petite rondeur en plus est bienvenue lorsque je joue le répertoire d'Alice Cooper pour lequel il est assez agréable d'avoir cette meilleure prise en main du manche (ndlr : On peut supposer que la Jiva X, produite au Japon et annoncée depuis notre interview, proposera le profil Wizard ‘91 cher à Nita). Pour le reste il s'agit d'un manche en érable avec touche en ébène et d'un corps acajou avec une table en érable. Pour le choix de la finition avec comme couleur le noir et le blond... il n'y a qu'à me regarder pour comprendre (rires) ! Je voulais simplement une guitare qui me ressemble tout en étant suffisamment sobre pour pouvoir être jouée par n'importe qui.
Ryan et Tommy, vous avez quant à vous beaucoup de guitares dans un style plus traditionnel et vintage. Y a-t-il des modèles dont vous voulez nous parler en particulier ?
Tommy Henriksen : Ma guitare préférée en ce moment est ma Gibson SG Custom de 1985 en couleur Ferrari Red. Elle a trois micros, avec un Tone Zone de DiMarzio en chevalet et j'ai installé un Evertune dessus et elle ne se désaccorde plus jamais du coup. C'est vraiment une super guitare !
Ryan Roxie : Je me suis assurée d'avoir des guitares colorées sur cette tournée car Alice veut que nous soyons tous habillés en noir (rires) ! Ce contraste met d'ailleurs considérablement les guitares en valeur sur scène. J'aime toujours prendre en tournée ce que j'appelle le "Gibson Big 6". J'ai donc avec moi une Les Paul, une SG, une ES-335, une Flying V, une Explorer et une Firebird auxquelles j'ajoute une Stratocaster de chez Palermo histoire d'être bien complet !
Niveau son d'ampli, utilisez-vous toujours cette déclinaison d'époques différentes de Marshall ?
Ryan Roxie : Oui nous sommes des fans die-hard du son Marshall ! Moi je reste toujours fidèle au son du JCM800 et du son des années 80 pendant que Tommy a le son des années 90 et Nita celui des années 2000.
Tommy Henriksen : Le JCM900 est tout simplement mon ampli préféré ! Nita joue sur un JVM HJS. Nous avons tous les trois un son très différent et qui se complète bien !
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