Au bout de dix albums, c'est clair : Dream Theater tourne en rond. Il semble désormais impossible au groupe d'intéresser de nouveaux fans. Néanmoins leurs forces premières sont toujours là et restent explicites sur Black Clouds & Silver Linings, leur deuxième réalisation pour Roadrunner. John Petrucci, plus musclé que jamais, a pris quelques instants pour évoquer le processus de création ainsi que quelques projets plus personnels, juste avant de se lancer dans une nouvelle tournée marathon.
Peux-tu nous décrire le nouvel album Black Clouds & Silver Linings, dixième album du groupe, que vous venez de terminer au Avatar studio à New York ?John Petrucci : C’est le deuxième album que nous faisons avec Paul Northfield. Après l’expérience sur l’album précédent, nous avons construit une relation solide, il sait exactement ce que nous recherchons et a les bonnes intuitions, pas seulement pendant les phases d’enregistrement mais également pendant le mixage. C’est très confortable et agréable de travailler avec lui. Je crois que nous avons su encore mieux développer la direction dans laquelle nous souhaitions aller. Nous voulions garder une attention particulière sur l’écriture des morceaux avec des mélodies puissantes, mais en même temps nous voulions utiliser ce que nous avions commencé à développer ces dernières années avec des sons plus heavy. C’est vraiment un mélange de l’approche classique de Dream Theater avec un style progressif (chansons longues, arrangements complexes…) mais aussi probablement plus heavy que nos premiers albums et plus sophistiqué dans la façon de produire.
Tu as tout particulièrement contribué aux paroles sur ce nouvel album, avec pas moins de quatre titres sur les six. Sont-elles de nouveau principalement basées sur de la fiction ?
John Petrucci : C’est en fait l’opposé par rapport à Systematic Chaos : toutes mes textes sur cet album sont basés sur la réalité, et je dois remercier ma femme pour cela (rires). Je n’avais pas vraiment l’habitude d’écrire sur des choses qui m’étaient arrivées et j’ai beaucoup parlé avec elle d’expériences que nous avions vécues pour trouver mon inspiration. Normalement mes paroles sont plus « philosophiques », basées sur l’introspection. C’est la première fois que j’ai raconté des histoires réelles. La première chanson (NDLR : « A Nightmare To Remember ») raconte l’histoire d’un accident de voiture que j’ai vécu en famille quand j’étais un petit garçon. « Wither » est une chanson un peu spéciale qui ne traite pas vraiment de quelque chose (rires), si ce n’est du processus d’écriture en tant que tel et de la difficulté que l’on peut avoir parfois à être créatif lorsque rien ne vient. « A Rite Of Passage » est la seule chanson non liée à mon vécu, mais ce n’est pas pour autant de la fiction puisqu’elle traite de la franc-maçonnerie, des sociétés secrètes... « The Count Of Tuscany » fait référence à un voyage très bizarre que j’ai fait dans un château en Toscane avec des amis.
Quelles sont vos influences majeures sur ce nouvel album ?
John Petrucci : Euh…Il y a beaucoup d’influences de Rush sur cet album. Il y en a toujours, mais je l’entends beaucoup plus dans certains sons. C’est difficile à dire parce que nous faisons cela depuis tellement longtemps que nos influences sont en quelques sortes intégrées en nous. Il n’y a pas véritablement de nouveau groupe que nous nous serions mis à écouter ces dernières années et qui soit devenu pour nous une influence majeure. Pour cet album, nous avons beaucoup fonctionné à l’instinct.
De quelles parties de guitares es-tu le plus fier sur ce nouvel album ?
John Petrucci : Le début de « The Count Of Tuscany », avec un joli son acoustique, très clair. Chaque fois que je l’écoute, je souris, j’adore vraiment comment ça sonne ! Je suis très content également de la façon dont les solos sonnent sur cet album. C’est assez basique en fait : juste ma guitare et un Boogie Mark 2C+. C’est très pur et ça ressort vraiment, avec de la personnalité. Travailler avec Paul sur les parties de guitares a vraiment été pour moi une expérience très satisfaisante.
As-tu utilisé différents types d’accordage (La, Do, etc.) comme sur les précédents albums, notamment Train of Thought, pour varier les tonalités et obtenir un son plus heavy ?
John Petrucci : Oui, pour la première chanson, j’ai utilisé une guitare accordée en Do, pour la deuxième une guitare accordée en Ré, pour « Wither » une guitare accordée en Si bémol, une sept cordes pour « The Shattered Fortress », et les deux dernières sont accordées normalement. J’ai donc travaillé avec cinq guitares électriques, plus trois guitares acoustiques. Quand j’ai écrit les morceaux de Systematic Chaos, je n’avais qu’un seul prototype de la Musicman BFR à ma disposition. Pour une chanson comme « Forsaken », accordée en Ré, j’ai dû par conséquent l’enregistrer avec ma guitare Basswood. Pour cet album, j’ai eu tous mes modèles signature BFR : « Bariton », six cordes, sept cordes. Toutes les guitares sur cet album sont donc les nouveaux modèles Musicman John Petrucci. L’autre grosse différence est au niveau des amplis : au lieu d’utiliser uniquement un Mark 4, j’ai surtout utilisé un Mark 2C+. C’est un ampli que j’ai utilisé pour Scenes From A Memory et sur beaucoup d’autres albums avant celui-ci.
Joues-tu toujours de temps en temps sur tes anciens modèles Ibanez ?
John Petrucci : Non, pas du tout.
Est-ce ton contrat actuel avec Musicman qui te l’interdit d’une façon ou d’une autre ?
John Petrucci : C’est surtout je ne les aime plus (rires). Mes nouveaux modèles sont tellement mieux : ils sonnent mieux, ils sont mieux faits, plus agréables à jouer… Ce sont des instruments supérieurs, je ne reviendrai pas en arrière. Je garde mes anciens modèles à la maison, dans mon garage (rires).
J’ai lu que tu faisais réaliser un home studio dans ta maison. L’as-tu fini ?
John Petrucci : Non ! (rires) C’est toujours du work-in-progress. Mes enfants me demandent toujours « Papa, quand auras-tu fini de construire ton studio ?! ». Quand il sera fini, ce sera un petit studio mais parfait pour l’enregistrement à la maison.
Dans la continuité de ton premier album solo Suspended Animation, as-tu déjà enregistré d’autres morceaux pour un autre album instrumental ?
John Petrucci : Non, mais il est temps pour moi d’en écrire un nouveau. Je n’ai pas encore de chanson prête mais je le ferai. Tu sais, pour moi, il n’y a vraiment qu’une façon de faire un album, c’est de s’asseoir et de le faire. Je ne stocke pas des morceaux au fil de l’eau.
Question concernant ton DVD « Rock Discipline » : as-tu d’autres projets de supports pédagogiques ?
John Petrucci : Oui j’ai toujours un projet. Mais je suis un peu lent (rires). Donc, pour résumer : je dois finir mon home studio, composer mon prochain album solo et réaliser mon prochain DVD ! (rires)
Jordan Rudess, le « magicien des claviers », sait aussi jouer de la guitare. Pourrait-il un jour quitter ses claviers l’espace d’une chanson pour jouer une deuxième guitare au devant de la scène ?
John Petrucci : Je dirais… non ! (rires) Lorsque nous jouions avec Derek Sherinian, nous échangions parfois les instruments : Derek jouait de la guitare et moi la batterie… Mais il n’y a pas assez de place sur la scène pour deux guitaristes. Enfin si, mais je ne lui laisserai pas de place (rires).
Combien d’heures pratiques-tu la guitare chaque jour ?
John Petrucci : Cela dépend vraiment, je ne peux pas donner de réponse générale. Comme aujourd’hui par exemple, je n’ai pas du tout joué (rires). Demain je vais probablement beaucoup m’entraîner alors ! En tournée, lorsqu’il n’y a rien d’autre à faire que les concerts, je joue en plus environ deux heures par jour. En studio, si l’on enregistre ce jour-là les claviers, je ferai en sorte de pouvoir pratiquer au moins deux heures le matin. Quand j’étais plus jeune, j’étais vraiment comme un bon élève allant à l’école et je pratiquais six heures quoi qu’il arrive. Mais maintenant que je suis professionnel c’est différent. Quand on écrit ou quand j’enregistre mes solos pendant trois jours d’affilés, cela fait du douze heures par jour (rires).
Pour finir, un guitariste que tu écoutes beaucoup ?
John Petrucci : Ces dernières années, j’ai beaucoup écouté le travail acoustique de Tony Emmanuel, c’est incroyable. Il y a tellement de grands guitaristes.
Dream Theater – Black Clouds & Silver Linings
Roadrunner
www.dreamtheater.net
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