Kintsugi annonce la couleur : c'est un album sur la séparation mais aussi et surtout sur la manière dont il est possible de se remettre en marche suite à une rupture. Ce huitième album studio de Death Cab For Cutie traite bien entendu en filigrane aussi bien du divorce de Ben Gibbard et de Zooey Deschanel que du départ de Chris Walla. Les Américains ont indéniablement traversé une zone de trouble. Avec leur musique sentimentale, à fleur de peau, les ingrédients de base étaient donc réunis pour réaliser un grand album et effacer des tablettes le terne Codes And Keys.
Chris Walla, dont l'influence stylistique dans le groupe était au moins aussi importante que celle de Ben Gibbard, a jeté l'éponge après avoir contribué de manière lointaine à cet opus. Difficile de cerner les raisons exactes de son choix mais celui qui jouait également le rôle de producteur de la formation de Bellingham n'appréciait peut-être plus la direction dans laquelle ils se réfugiaient. En délaissant progressivement son rock alternatif teinté d'emo, le quartette a beaucoup misé sur une musique introvertie qui n'avait pas grand chose à dire. Les exemples foisonnent encore sur Kintsugi. Binary Sea et son piano enfantin clôt le disque de manière on ne peut plus horrible. Hold No Guns, joué entièrement à la guitariste acoustique, n'a aucune âme. Everything's a Ceiling juxtapose tous les pires tics d'écriture du groupe...
A chaque instant, Kintsugi déborde de pathos. Mais un pathos trop évident. En toc. Le soft rock du groupe teinté de new wave (No Room In Frame) tourne à vide. Bien que cela ait toujours fait part de sa marque de fabrique, sur The Photo Album, le propos restait dynamique. Depuis, Death Cab For Cutie a écrit des dizaines de chansons dans ce registre et semble incapable de se réinventer. Et quand il « muscle » le propos avec une chanson taillée pour la radio, The Ghosts Of Beverly Drive, le combo se perd complètement. Les mélodies sont niaises, les arrangements à peine réfléchis et le tout, s'il n'était pas joliment produit, paraît tout droit issu d'une banque musicale libre de droits.
Dans deux styles opposés, Ben Gibbard et ses deux compères parviennent tout de même à sortir la tête de l'eau. You've Haunted Me All My Life est quasiment aussi dépouillé que le classique I Will Follow You Into The Dark. Ses arpèges paisibles bercent. Ses paroles apaisent. Son rythme oscille entre un entrain mesuré et une tranquillité sereine. Black Sun est quand à lui le pendant rock de ce bijou. On se croit propulsé dans les sessions de Something About Airplanes avec une touche plus moderne apportée par Rich Costey (Muse, Jane's Addiction, Foster The People...). C'est le seul moment un tant soit peu rock vraiment convaincant de Kintsugi.
Quelques autres éclairs parsèment le disque : l'intro disco de Good Help (Is So Hard to Find), le riff aux réminiscences gothiques de Little Wanderer, les chœurs sur Ingénue... Mais c'est bien trop peu. Death Cab For Cutie prend une trajectoire peu rassurante depuis la seconde partie de Narrow Stairs comme s'il avait été déstabilisé par le succès monumental de Plans. La suite devrait nous montrer si Gibbard a les ressources pour reconstruire quelque chose sans son âme sœur créative. Il faudra dans tous les cas retrouver la flamme car, à quelques exceptions près, les auteurs de The New Year paraissent complètement désorientés.
Line-up :
Ben Gibbard (chant+guitare+piano)
Nick Harmer (basse)
Jason McGerr (batterie)
Discographie :
Something About Airplanes (1998)
We Have the Facts and We're Voting Yes (2000)
The Photo Album (2001)
Transatlanticism (2003)
Plans (2005)
Narrow Stairs (2008)
Codes and Keys (2011)
Kintsugi (2015)
Tracklist de Kintsugi (en gras les morceaux essentiels) :
1. No Room in Frame 4:05
2. Black Sun 4:49
3. The Ghosts of Beverly Drive 4:04
4. Little Wanderer 4:19
5. You've Haunted Me All My Life 4:08
6. Hold No Guns 3:03
7. Everything's a Ceiling 3:41
8. Good Help (Is So Hard to Find) 4:47
9. El Dorado 3:38
10. Ingénue 4:31
11. Binary Sea 4:05
Death Cab For Cutie - Kintsugi
Atlantic
www.deathcabforcutie.com
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