Nombreux sont les groupes américains qui passent presque inaperçus chez nous et qui connaissent pourtant un grand succès dans leur pays. Death Cab For Cutie, combo de rock alternatif aux mélodies oscillant entre post rock et pop mielleuse, en fait assurément partie. Quelques heures avant leur montée sur les planches de l’Alhambra, petite – et toute nouvelle – salle de concert parisienne, Chris Walla, le producteur et guitariste, et Nicholas Harmer, bassiste, nous ont échangé quelques mots et ont prouvé toute l’étendue de leurs connaissances musicales.
Death Cab For Cutie : une gloire outre atlantique, une découverte européenne.
Nombreux sont les groupes américains qui passent
presque inaperçus chez nous et qui connaissent pourtant un grand
succès dans leur pays. Death Cab For Cutie, combo de rock alternatif
aux mélodies oscillant entre post rock et pop mielleuse, en fait
assurément partie. Quelques heures avant leur montée sur
les planches de l’Alhambra, petite – et toute nouvelle –
salle de concert parisienne, Chris Walla, le producteur et guitariste,
et Nicholas Harmer, bassiste, nous ont échangé quelques
mots et ont prouvé toute l’étendue de leurs connaissances
musicales.
Par Nicolas Didier Barriac.
Narrow Stairs a été numéro un
des ventes aux États-Unis. Est-ce que vous pensiez que c'était
quelque chose de réalisable à vos débuts lorsque
vous avez commencé à jouer une musique qui n'était
pas spécialement commerciale ?
Chris Walla : Non, pas vraiment. Tu sais, j'ai toujours l'impression que
nos disques sont réservés à une certaine tranche
de personnes. Pas celle qui achète du Bon Jovi, par exemple (rires).
C'est agréable de savoir que nous avons été numéro
un, mais en définitive ça ne change rien à notre
« carrière ». Enfin, peut-être que
si, mais nous ne nous en rendons pas encore compte.
Nicholas Harmer : Pour nos parents, c'était tout de même
un sacré accomplissement ! Pour moi, je pensais que les albums
numéro un des charts étaient toujours écrits par
d'autres groupes et là tout à coup c'est Death For Cutie
(rires) ! Ça fait quand même bizarre ! En tout cas, ce fut
un succès éphémère, car au bout d'une semaine
nous étions éjectés de ce fauteuil de numéro
un. C'est quand même assez normal...
C. W. : Je crois que ça en dit long sur nos fans. Ils sont tellement
fidèles au groupe qu'ils se sont rués sur la sortie de Narrow
Stairs dans les premiers jours.
Cela est évidemment dû au succès
de Plans, votre précédent disque. Est-ce que sur la durée
Narrow Stairs peut faire mieux que Plans ?
N. H. : À mes yeux, il a autant de potentiel que Plans. Je trouve
intéressant de voir à quel point les gens se montrent encore
amateurs d'albums « physiques ». Plus nous allons
dans l'âge du numérique, moins les chiffres de vente signifieront
quelque chose en fin de compte. Il a déjà difficile de comparer
les ventes d'un groupe actuel avec les ventes d'un groupe qui jouait dans
les années 80. En ce qui concerne la qualité de la musique,
Narrow Stairs est tout aussi bon que Plans mais je ne sais pas si le « succès »
sera également au rendez-vous.
Est-ce que vous vous rappelez des débuts de
Death Cab For Cutie ? Y a-t-il eu un moment où vous vous êtes
dit que vous alliez faire ça de manière professionnelle
ou est-ce que c'est simplement un enchaînement d'événements
qui vous ont amené là où vous êtes ?
N. H. : Oui, nous avons décidé de devenir professionnels
il y a à peu près trois jours (rires). Sérieusement,
je ne me rappelle plus s'il y avait un jour précis où tout
a basculé, mais j'ai toujours été transcendé
par la musique et ses enjeux. Plus jeune, j'étais souvent hypnotisé
par la manière dont les groupes produisaient leurs disques et la
plupart de mes idoles étaient des musiciens. J'appréciais
de regarder des clips et des vidéos de concerts. Du coup, le fait
d'être musicien m'a toujours semblé naturel puisque je ne
pensais qu'à ça (rires). J'ai eu de la chance de rencontrer
de bonnes personnes pour faire une musique qui a plu aux autres. Nous
avons travaillé très dur, mais nous avons tout de même
eu beaucoup de chance. Et toi, Chris ?
C. W. : Je ne sais pas... L'évolution a été tellement
lente et naturelle qu'il est effectivement dur de parler d'un moment précis.
Je pense que c'est dû au fait que nous objectifs n'ont jamais été
énormes. Nous avons toujours cherché à faire les
meilleurs albums possible, mais par exemple en termes de concerts nous
ne visions jamais très haut, donc le fait d'accomplir ces buts
ne procurait pas une sensation démesurée. Au départ
nous nous disions qu'il serait génial de pouvoir jouer un concert
à Seattle, qui se situe cinquante kilomètres au sud de l'endroit
d'où nous sommes originaires. Puis une fois que cela a été
fait, nous voulions jouer au Showbox de Seattle (une salle mythique de
la côte Nord-Ouest des States NDLR), puis faire une tournée,
etc. Nous n'avons fait que des petits pas !
Y avait-il des guitaristes et des bassistes que vous
admiriez dans votre jeunesse ? Et aujourd'hui, ce sont les mêmes
personnes ?
C. W. : Nous parlions de Bon Jovi tout à l'heure et je trouve que
Richie Sambora est vraiment sous-estimé comme gratteux des années
80 avec tous les soli qui pètent. Il a vraiment vécu dans
l'ombre de Jon Bon Jovi.
N. H. : En grandissant, j'aimais beaucoup Kim Deal des Pixies. Son sens
de la mélodie est inégalable. J'ai commencé par jouer
de la guitare, mais je suis passé à la basse par la suite.
Soit dit en passant, Éric Avery de Jane's Addiction n'est pas mal
non plus. Ses lignes de basses sur Nothing's Shocking auront marqué
tous les gens qui les ont entendues. Je n'ai jamais été
très attiré par les bassistes techniques qui se la racontent
un peu trop. Même si j'ai toujours aimé Les Claypool et ce
qu'il représente, il a toujours été un peu trop démonstratif
à mon goût. Eric Judy de Modest Mouse est lui aussi exceptionnel,
car il sait s'effacer quand il le faut.
Et apprécies-tu des guitaristes aussi ? Et toi
Chris quelles sont tes influences tant du côté des bassistes
que des guitaristes ?
C. W. : J'ai bien les types « anguleux » à
la David Byrne. Ce type est très rarement reconnu comme un grand
guitariste et pourtant je trouve que c'est le cas. Il ne joue jamais la
note de trop et il est toujours juste. Je dirai qu'il joue comme un batteur,
car il tombe toujours où il faut. Les premiers albums de Talking
Heads sont construits à partir de petits bouts mis à la
suite et ça donne un résultat très intéressant.
Par ailleurs, j'ai toujours bien aimé Andy Partridge de XTC, Jim
Moginie de Midnight Oil et Mark Hollis de Talk Talk. Les derniers albums
de Talk Talk montrent des idées de guitare complètement
insensées et hyper originales ! Voilà, je crois qu'on peut
dire que j'ai le jeu bizarre et percussif. Dans les groupes plus modernes,
j'adore Ezra Koenig de Vampire Weekend : sa touche personnelle est assez
intéressante.
N. H. : Pour les groupes modernes, c'est assez difficile, car on tombe
souvent sur des singer-songwriters qui écrivent de très
bons titres, mais qui n'ont sans doute pas leur place sur une liste des
meilleurs guitaristes. En grandissant ma principale idole était
sûrement The Edge de U2. Il n'y a qu'une poignée de type
dont le son était si original et précurseur qu'ils se sont
imposés d'eux-mêmes. Bizarrement, je pense que Tom Morello
de Rage Against The Machine était de cette trempe-là. Dès
que je m'imagine que plus rien ne peut être découvert avec
cet instrument, un type comme Morello arrive et remet tout à plat.
C. W. : Colin Meloy et Chris Funk, les deux guitaristes de The Decemberists
peuvent être rajoutés à la liste également.
Le fait qu'ils entrent en symbiose lorsqu'ils jouent rajoute évidemment
à leur attrait.
Il ne faudrait pas oublier non plus un gars comme John
Frusciante qui a fait mal dans des styles très différents.
Les deux en chœur : Oh oui !
C. W. : Son premier album solo qui s'appelle Niandra Lades And Usually
Just A T-Shirt est phénoménal. Cela fait partie de mes disques
de chevet. Il a écrit le disque au moment où il venait de
partir des Red Hot Chili Peppers et où il a presque fait une overdose
d'héroïne. Ses dents étaient toutes tombées
! Le disque est de ce fait très brouillon, mais il montre tout
ce qu'il a pu apporter aux Red Hot même en termes de lignes de chant
et en chant tout court.
Pour finir, vous avez un avis sur les guitar heros
à la Vai, Satriani, Van Halen, etc ?
N. H. : J'aime bien le heavy metal pour diverses raisons, mais les shredders
ne m'ont jamais vraiment attiré. Je préfère des gars
comme Adam Jones et Justin Chancellor chez Tool. Ils font leur truc et
je comprends que ça puisse ne pas plaire à tout le monde,
mais il faut reconnaître qu'ils sont très doués.
C. W. : Mais les shredders purs et durs nous font l'effet de coup de vent
froid...
Death Cab For Cutie – Narrow Stairs
Atlantic – Warner
www.deathcabforcutie.com
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