Guide des effets de Chorus

Publié le 17/02/2017 par Alexandre Criado
Salut à toi petit curieux avide de connaissances sur ces boîtes magiques qui transforment le fade gling-gling de ta guitare en son béni des dieux ! Aujourd'hui nous allons parler d'un effet souvent controversé, considéré par d'aucuns comme le summum du ringard et du mauvais goût, mais encensé par les aficionados des ambiances liquides et spatiales, j'ai nommé : le CHORUS !

Alors voilà, rien qu'en voyant cette image ci-dessous, tu devrais avoir un beau son de chorus dans la tête. C'est magique, non ?

Le chorus, pourquoi, comment ?

Il en reste qui n'ont pas fui à l'idée d'une vibration sonore sortie des années 80 ? Bien !

Pour commencer, nous allons remonter au concept même de cet effet. Il a été conçu pour tenter de reproduire tant bien que mal l'idée que plusieurs voix (ou plusieurs instruments) jouant ou chantant la même partition subissaient de légers décalages de hauteur et de synchronisation, ce qui permet à notre oreille de distinguer la multiplicité et d'appréhender l'effet massif de la chorale.

D'où le nom de l'effet : Chorus. Comme une chorale. Diantre, que c'est pertinent !

Donc, le concept est (au demeurant) simple : rajouter une ou plusieurs voix au son principal, voix qui seront légèrement décalées dans le temps (delay) et en hauteur (pitch), tout en donnant à ces valeurs de décalage une oscillation lente et cyclique afin de renforcer l'aspect vivant et dynamique de la chose.

Comme d'hab un petit gribouillis vaut mieux qu'un long discours... en rouge, le signal original, en vert le signal "détuné"

Bien entendu, les variations de hauteur et de délai sur ce genre d'effets sont extrêmement modérées, il s'agit quand même que l'on ait l'impression que toutes les "voix" jouent la même chose et non une cacophonie totale. Si on a un trop franc chorus, c'est un véritable gâteau à l'arrivée ! (NDLA : si tu as compris ce calembour miteux sans googler l'image ci-dessous, tu es vieux. Assume.) Ah, ah, ah.

Vous reprendrez bien un peu de technique assaisonnée d'histoire ?

Il m'a été difficile, malgré des recherches intenses dans les pyramides perdues de l'antarctique du dieu Hardéfèmus, de trouver vraiment la création de l'effet de chorus. La plupart des informations nous ramènent dans les années 70, avec l'ampli Roland JC120  "Jazz Chorus" qui intégrait l'effet du même nom.

Cette époque correspond à la commercialisation des fameux circuits intégrés dit "Bucket Brigade" (BBD) développés en 1969 par deux ingénieurs de chez Philips. Le Bucket Brigade était révolutionnaire car pour la première fois on pouvait appliquer un délai à un signal électrique (et donc audio) à l'aide d'autre chose qu'un appareil mécanique encombrant et fragile comme les systèmes à bande magnétique.

Comment fonctionne un Bucket Brigade ? Il s'agit tout simplement d'une ligne de condensateurs mis les uns à la suite des autres. Le premier reçoit le signal, se charge avec, puis le décharge dans le second condensateur et ainsi de suite, ce qui fait que le signal met un certain temps pour arriver du début jusqu'à la fin du circuit. Pour l'anecdote, le terme Bucket Brigade désignait autrefois les chaînes humaines qui permettaient de transporter des seaux d'eau d'un point à un autre.

Naturellement, la structure même de la puce BBD en a posé ses limites. En effet, le nombre maximum de condensateurs à pouvoir être intégrés dans la puce définit son temps de délai maximum d'une part, et d'autre part, comme tout traitement constitué d'un cumul d'opérations identiques, le passage dans toutes ces capacités dégrade le signal d'origine, ce qui donne aux effets de délai/chorus basés sur la BBD une couleur assez chaleureuse, le signal processé ayant naturellement perdu des aiguës et du volume.

On notera d'ailleurs que depuis cette époque, l'ensemble des chorus analogiques utilisent toujours des puces BBD, depuis l'antique Boss CE1 jusqu'au spectaculaire Providence Anadime. Ce sont les LFO (ou circuits d'oscillation basse fréquence, ce qui donne le mouvement répétitif au son en modifiant de manière cyclique les paramètres du BBD) et les différents éléments internes de traitement du son (buffers, amplificateurs opérationnels, égalisations) qui procurent à chaque chorus sa signature sonore particulière.

Alors ce qui n'a jamais changé non plus, c'est qu’un chorus, très souvent, est aussi bleu qu'un overdrive est vert. Pourquoi ? J'en sais schtroumpfe rien, moi !

Autre point, la spatialisation : de par son utilité à grossir et élargir le son, le chorus est un effet censé particulièrement bénéficier de l'utilisation en stéréo. Cependant, et ce aujourd'hui encore, beaucoup de chorus analogiques proposent une "fausse stéréo" en envoyant d'un coté le son brut et de l'autre celui passé au travers de la BBD. L'effet de flottement traditionnel du chorus en est malheureusement amoindri.

Un appareil se démarqua toutefois et reste encore légendaire (et exorbitant) pour les aficionados du style : le Tri-Stereo Chorus, conçu au début des années 80 par Dyno My Piano. Appareil en rack comprenant trois effets de chorus complètement indépendants et répartis dans l'espace stéréo ! Le rendu spectaculaire de cette unité a grandement contribué au son des grands guitaristes de studio des années 80, le fameux "son californien" de Steve Lukather, Michael Landau, j'en passe et des meilleures.

Parce qu’un mono chorus, c'est pour les faibles. Ou les pauvres, vu la cote de ces engins.

Un événement notable dans l'histoire des chorus et des effets de spatialisation en général est l'arrivée du numérique dans les années 80. Plutôt que de chercher à générer des variations temporelles avec des astuces électroniques, il a été possible d'échantillonner notre signal audio et de lui appliquer les variations avec l'exactitude du calcul effectué par un processeur, appelé processeur de signal numérique, en anglais Digital Signal Processor ou DSP. Nous reviendrons en détails dans un prochain article sur les tenants et aboutissants du numérique, mais ce qu'il faut retenir est que la puissance toujours croissante des DSP a permis de développer le contrôle précis des paramètres de chaque effet et d'en multiplier l'intensité sans tomber dans des fabrications excessivement onéreuses et complexes (cf. le TSC ci-dessus!)

Ainsi, un processeur relativement remarquable dans l'histoire des chorus guitare est le Rocktron Intellifex, dont l'architecture numérique permettait de proposer pas moins de 8 voies de chorus entièrement paramétrables et stéréo. Certains processeurs de chez Digitech ou Lexicon ont également expérimenté ce concept, malheureusement la complexité de leur mise en œuvre et le format (rack) de ces matériels a réservé leur application aux nerds ou aux guitaristes suffisamment connus/riches pour se payer les services d'un guitar-tech.

Ainsi, les chorus numériques n'ont jamais trouvé de large public et sont restés confinés à une clientèle plutôt technicienne/professionnelle. On notera par ailleurs que dans nombre de multi-effets récents, les process classiques des effets de spatialisation (essentiellement chorus et delay) ont été remplacés par des émulations de machines analogiques et que, par voie de conséquence, les paramétrages complexes ont souvent purement et simplement disparu. Ce qui nous amène à l'habituelle question finale que vous attendez tous, alors je vous écoute, tous en chœur :

Je choisis quelle pédale de Chorus, moi, au final ?

C'est une question un peu plus simple que sur d'autres effets. Tout d'abord parce qu’avoir envie d'un chorus résulte souvent de l'écoute d'un style/artiste/son précis, et que beaucoup de machines chorales ont un rendu relativement ancré dans leur époque.

Ainsi, les pédales analogiques basées sur les antiques Boss (CE1, CE2...). Par exemple, les chorus de chez Maxon/Ibanez, délivreront la sonorité chaude typique des Bucket Brigade et une oscillation vibrante et organique sur des réglages extrêmes.

Les années 80 ont vu aussi naître des pédales devenues légendaires par leur sonorité assez subtile tout en ajoutant de la dimension au son, de celles dont on oublie la présence jusqu'à couper l'effet. Je parle pour ceux qui connaissent de la TC Electronic SCF et de la non moins culte Boss Dimension C

Dépêchez vous, TC Electronic vient juste d'arrêter de produire cette machine, la cote va grimper...

Pour finir, ceux  pour qui l'idée de chorus fleure bon le rock californien aux ambiances hypertrophiées, devront presque forcément se diriger vers l'option rack d'occasion, à moins de posséder un multi-effets relativement sérieux proposant plus qu'une émulation de pédale, ou de trouver son bonheur dans certaines pédales modernes à la spatialisation assez bluffante comme la Providence Anadime. Les plus fortunés lorgneront bien évidemment sur le Tri-Stereo Chorus dont Fulltone et Shiva Audio ont sorti des répliques, au prix cette fois-ci non plus inabordable mais "seulement" très élevé *rire jaune*! Les fameux TC Electronic 1210 et Rockman Stereo Chorus eurent aussi leur heure de gloire méritée, et je me dois de remettre une couche au niveau du Rocktron Intellifex dont la cote d'occasion inférieure à celle d'une bonne pédale (si, si!) en fait un parfait produit d'appel pour s'essayer au monde du rack et expérimenter le chorus multi voies.

Pour finir, quelques petites astuces, pour ceux qui auront envie d'expérimenter la chose :

Ça donne pas envie, hein ? Pourtant ça sonne !

En tout cas laisse-moi te dire une chose copain, te parler de tout ça me fait envie, et je vais aller de

ce pas retâter de l'arpège ultra kitsch en son clair bien compressé et blindé d'effets... j'y vais !

*bruit de chute sur un pedalboard*

Ah ben tiens, 'me suis fait un bleu...

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