Sans ce disque, la Les Paul n'existerait plus... Et donc ce topic n'aurais jamais été créé.
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Eric Clapton a toujours travaillé sa sonorité de guitare, et en 1964 il branchait une Telecaster dans un VOX AC30. Mais le son est trop grêle. En effet, depuis qu'il s'est procuré un album de Freddy King (le seul disponible en Angleterre), Eric rêve de sonner comme lui. Or, la couverture du disque présente le grand Freddy armé d'une Gibson les Paul.
Eric s'empresse d'acheter une Les Paul Sunburst, ce qui était facile à l'époque car personne ne voulait de ces guitares.
Mais celà ne suffit pas, il faudrait un ampli digne de ce nom pour exploiter cette nouvelle merveille.
Le Fender Bassman est hors de portée de la bourse du jeune Eric, mais Ken Bran un employé du magasin de musique de Jim Marshall à Ealing vient de créer une "copie" du Bassman pour un prix beaucoup moins élevé. Cet ampli est l'un des tous premiers Marshall.
Clapton branche sa Les Paul dans ce combo 45W 2x12 modèle 1962 et c'est l'extase. Le son est gras, énorme, avec un grain inimitable.
Mais début 1965, en quête d'authenticité, Eric Clapton rejoint les Blues Breakers dans l'objectif de jouer du blues. Le groupe commence par écumer les clubs londoniens, dans lesquels Clapton se forge rapidement une réputation d'improvisateur hors pair.
Cependant, c'est en studio que se produit la révolution.
Les Blues Breakers se rendent chez Decca en avril 1966 pour y enregistrer deux titres : "I'm your witch doctor" et "Telephone Blues". L'ingénieur du son s'appelle Gus Dudgeon et le producteur n'est nul autre que Mike Vernon.
Les musiciens s'installent. Clapton pose son Marshall dans un coin de la pièce et branche sa Gibson.
Lorsqu'un assistant s'approche de l'ampli avec un micro, Clapton lui demande d'éloigner le micro, car au volume où il a l'intention de jouer, le son sera déformé.
Les ingénieurs du son sont sous le choc, ils ne comprennent pas pourquoi un musicien jouerait volontairement avec un son pareil... Le volume est assourdissant, on n'a jamais entendu ça dans un studio d'enregistrement. Pour couronner le tout, lorsque Dudgeon demande à Clapton de baisser son ampli, celui ci refuse catégoriquement : "si je joue moins fort, je n'ai plus le même son" explique t'il simplement à l'ingénieur... On frôle l'incident diplomatique, mais Mike Vernon désarmorce la situation lorsqu'il décide d'assumer toute responsabilité pour la prise...
Celà dit, Dudgeon est jeune, et
même si la prise de son tel que l'envisage Clapton contredit tout ce qu'il a appris, il est néanmoins curieux d'entendre le résultat. Il ouvre toutes les tranches de la console, la guitare repisse dans tous les micros des autres instruments, et le son est extraordinaire. Lorsque Clapton passe derrière la console pour écouter sa prise, son visage de rosbif pourtant si flegmatique, se fend d'un sourire hilare : ça y est, il a le son.
Il serait dangereux de sous estimer l'importance de ce moment là. Cette séance d'enregistrement qui apparait sur l'album "Beano" va influencer un nombre incalculable de gens. Les guitaristes évidemment, puisqu'avant ce disque, et sauf de rares exceptions, la distorsion représente une erreur de parcours. Après "Beano", la guitare devient méchante et salace.
Et surtout "Beano" relance totalement l'intérêt pour une guitare tombée dans l'oubli jusqu'alors...