Acte trois pour le trio composé de Tom Morello, Tim Commerford et Brad Wilk. Après Rage Against The Machine et Audioslave, les voici en pleine fusion avec l'univers du rap au sein de Prophets Of Rage. Né lors de la montée en puissance de Donald Trump, le groupe, qui compte en ses rangs le légendaire Chuck D de Public Enemy mais aussi son acolyte DJ Lord ainsi que B-Real (Cypress Hill), doit relever le défi d'imposer ses MCs à des fans attendant toujours le retour de Zach de la Rocha derrière le micro. Après un EP pas franchement folichon, la confiance n'était pas de mise quant à ce premier LP du super groupe américain.

Quasiment trois décennies après leurs plus grands coups d'éclat, les ex-Rage Against The Machine et Chuck D sont toujours animés par les mêmes obsessions. Mais leur énergie militante s'est légèrement émoussée et la manière d'exprimer leur mécontentement ne se renouvelle pas particulièrement. Certes, Chuck D trouve ici un terrain d'expression plus "musclé" avec les riffs de Morello combinés aux lignes de basses caoutchouteuses de Commerford et il forme un duo très complémentaire avec le flow relax de B-Real, mais fort rares demeurent les moments sur ce disque où l'on n'a pas l'impression d'écouter du Rage Against The Machine édulcoré.

Pire, certains morceaux sont tellement peu abrasifs qu'on croirait entendre du mauvais Red Hot Chili Peppers. Legalize Me propose des arrangements rythmiques typiques de la période post Californication. Mais ce sont les couplets portés par B-Real qui installent le malaise par des sonorités nasales effrayantes. On franchit un pas dans l'horreur avec Take Me Higher. Ca commence avec une intro qu'on croirait issue de The Nightwatchman avant d'enchainer sur de la pop rock honteuse aux paroles tellement bêtes que je ne me risquerais pas à en reproduire des extraits ici. Les effets de production émaillant ce titre sont purement indignes : on se demande comment cette composition a pu se frayer un chemin sur le tracklisting définitif de Prophets Of Rage sans que personne n'y trouve à redire.

Rayon satisfaction, les va et vient entre Chuck D et B-Real fonctionnent à merveille. Néanmoins, sur les morceaux les plus intéressants de l'album, on regrette de vrais chanteurs qui puissent sortir de temps en temps du registre hip hop et laisser les compositions décoller. De la Rocha pouvait porter les deux casquettes. Linkin Park, à son apogée, maîtrisait cette alliance avec ses deux vocalistes. Malheureusement, les excellents Radical Eyes, Hands Up et surtout Unfuck The World ne capitalisent pas sur les passages rappés pour passer un cap lors des refrains. On n’en tiendra pas rigueur aux deux MCs car ils mettent tout en œuvre pour faire bouger la foule. Seul problème : la foule attend un autre signal pour bouger.

Prophets Of Rage paraît plus à l'aise sur ses propres compositions que sur les reprises live entendues sur l'EP The Party's Over. Toutefois, impossible de ne pas rester sur sa faim ici. De par ses origines et le passé de ses membres, le groupe se devait d'être abrasif et politique. Ces buts semblent davantage une excuse pour la musique proposée, bien trop sage. Peu de punchlines restent en tête après écoute de l'album, aucun riff n'émerge : tout a été digéré avant d'être goûté. Tim Commerford est le seul membre du groupe qui s'en sort sans ternir sa réputation mais il est permis de douter que l'argument "basse" soit suffisant pour attirer les curieux sur Prophets Of Rage.

Discographie :

 - Prophets of Rage (2017)

Tracklist de Prophets of Rage :

 1. Radical Eyes 3:22
 2. Unfuck the World 4:10
 3. Legalize Me 3:35
 4. Living on the 11 03:48
 5. The Counteroffensive 0:37
 6. Hail to the Chief 4:08
 7. Take Me Higher 3:47
 8. Strength in Numbers 3:08
 9. Fired a Shot 3:28
 10. Who Owns Who 3:28
 11. Hands Up 2:39
 12. Smashit 3:25
 (en gras les morceaux essentiels)

 

Prophets of Rage – Prophets of Rage

Caroline International 

prophetsofrage.com

Prophets Of Rage