Quand on compare avec, au hasard, Metallica, Megadeth est resté incroyablement concentré sur son sujet à travers les époques. Les changements de musiciens, les modes (quoique...), les nouveaux labels n'ont jamais fait dévier Mustaine de ses objectifs thrash. Privilégiant la régularité à la qualité, le Daffy Duck du metal n'a jamais fait patienter plus de trois ans ses fans entre deux sorties. Dystopia est sa quinzième fournée. Elle affiche l'ambition d'être une sorte de successeur à Youthanasia, dernier mètre-étalon du quartette.
Kiko Loureiro est LA recrue qu'il fallait à Megadeth. Même si Dave Mustaine a souvent eu des idées lumineuses dans ses compositions, il a rarement pu compter sur un guitariste capable de transcender sa vision. Le Brésilien d'Angra dynamite le début d'album en proposant la meilleure exécution depuis Marty Friedman. The Threat Is Real, construit sur une fondation alliant parfaitement les styles de deux gratteux, s'illustre par un refrain parfait et des attaques aux six-cordes soignées. Pourtant, c'est bien le morceau éponyme Dystopia qui repart avec la palme. Grâce à des couplets en mode rouleau-compresseur et à la magie insufflée par Loureiro en arrière plan, cette chanson vient titiller les vieux hits sur leur territoire. La bataille de soli avant que le finale en apothéose ne rajoute encore à la jouissance restera gravée dans toutes les mémoires.
En fin de LP, Lying In State rajoute une nouvelle piste dans l'esprit de Rust In Peace tandis que The Emperor apporte une touche festive surprenante. Le Megadeth de 2015 a trouvé une inattendue fontaine de jouvence ! Mais la vitrine technique pour ce nouveau line-up est sans aucun doute Conquer Or Die, l'instrumental à l'intro acoustique comme les plus grands classiques thrash des eighties. La suite ne déçoit pas avec un condensé de riffs et de lead entremêlés. Autre avantage de ce morceau qu'on ne retrouve pas ailleurs : si l'on ne supporte pas les prises de parole politiques, aucune trace de xénophobie ou de glorification américaine.
D'autres morceaux s'inscrivent dans une mouvance assez heavy comme Post American World. Kiko Loureiro s'en sort tout aussi bien, fort loin de ses bases power metal. Son travail hors norme lors du solo lui aura sûrement valu les compliments de son leader. Le long et lugubre Poisonous Shadows, soutenu par un ensemble de cordes, met en lumière d'autres talents : celui de Chris Adler à la batterie mais aussi celui de Mustaine derrière le micro, qui rappelle à cette occasion qu'il peut se frotter à un registre plus émotionnel sans sombrer dans le ridicule.
Dystopia est un disque extrêmement complet qui a vraiment bénéficié de l'inclusion de sang neuf. La musique y est globalement très bonne, excellente par moments, mais, en dépit des nombreux efforts effectués, elle n'égale aucune des productions de la quadrilogie sacrée. Megadeth devra s'en contenter. Au bout de quinze albums studio et des déconvenues depuis Endgame, on peut s'estimer heureux de retrouver le groupe à un tel niveau. Espérons que cela se traduise aussi sur scène où l'on attend énormément de ce nouveau line-up.
Discographie :
Killing Is My Business... and Business Is Good! (1985)
Peace Sells... but Who's Buying? (1986)
So Far, So Good... So What! (1988)
Rust in Peace (1990)
Countdown to Extinction (1992)
Youthanasia (1994)
Cryptic Writings (1997)
Risk (1999)
The World Needs a Hero (2001)
The System Has Failed (2004)
United Abominations (2007)
Endgame (2009)
Thirteen (2011)
Super Collider (2013)
Dystopia (2016)
Tracklist de Dystopia (en gras les morceaux essentiels) :
1. The Threat Is Real 4:22
2. Dystopia 5:00
3. Fatal Illusion 4:16
4. Death from Within 4:48
5. Bullet to the Brain 4:29
6. Post American World 4:25
7. Poisonous Shadows 6:02
8. Conquer or Die! (Instrumental) 3:33
9. Lying in State 3:34
10. The Emperor 3:54
11. Foreign Policy (Fear cover) 2:28
Megadeth - Dystopia
Tradecraft
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