En 2011, nul doute qu'une rupture a eu lieu dans l'histoire de Mastodon. The Hunter ouvrait un nouveau chapitre où les éléments si brillamment développés sur les quatre premiers albums laissaient place à un style plus direct. Les fans auraient pu passer l'éponge si cela ne s'était pas accompagné d'une simplification excessive des idées musicales. Blood Mountain et Crack The Skye débordaient de ruptures, de plans complexes, de rythmiques incompréhensibles et de riffs alambiquées. Forcément, quand arrive Curl Of The Burl, ça fait un choc. Pourtant, Mastodon n'a pas refermé la parenthèse avec ce cinquième opus. Once More 'Round The Sun se positionnait en effet dans la droite lignée malgré des influences prog' plus évidentes.
Emperor Of Sand stoppe cette suite logique. Il aurait sans nul doute fait un bon album de transition après Crack The Skye. Ses titres ramassés et compacts contrebalancent la grandiloquence de la période '09 tandis que son fourmillement de notes et de breaks est en parfaite cohérence avec la patte Mastodon. Les guitares intenables et les fills permanents de Brann Dailor à la batterie constituent toujours l'ossature de la plupart des morceaux alors que la triple puissance vocale des chanteurs aide la musique à décoller.
Malgré onze pistes ambitieuses, Emperor Of Sand ne signe pas le grand retour du quartette mais il prépare magnifiquement le terrain pour la suite. Jaguar God nous rappelle que les riffs en zig-zag et le prog' bizarroïde a toujours sa place dans le catalogue Mastodon. Growls, guitare acoustique, rythmiques en plomb, claviers aériens joués par Mike Keneally, solo de gratte déchirant et plans à la Mahavishnu Orchestra, l'ensemble de ces éléments trouvent en Jaguar God un réceptacle détonnant. Si tout l'album était du même tonneau, Emperor Of Sand serait une des plus grosses réussites de la décennie. Malheureusement, trop de pistes parasites (Show Yourself à peine digne d'un groupe de stoner débutant, Roots Remain, Word To The Wise...) viennent gâcher nos retrouvailles avec Troy Sanders et sa bande. Elles sont loin d'être mauvaises mais pour un groupe comme Mastodon demeurent bien trop prévisibles. Sur scène, leur simplicité peut devenir un atout. Sur album, elles manquent d'intensité.
Le groupe s'appuie comme souvent sur un concept intelligent qui donne de l'ampleur aux pistes individuelles et plus encore dans le contexte difficile qu'a traversé le guitariste Bill Kelliher avec le décès de sa mère l'année dernière des suites d'un cancer au cerveau. Les nombreuses nuances, les détails de production, les sentiments ancrés dans les chants expressifs de la triplette Sanders / Dailor / Hinds donnent énormément à explorer à l'écoute de Emperor Of Sand et, même si le disque ne survit pas aux prochains chefs d'œuvre que Mastodon est capable de pondre, il servira de bon compagnon pour les prochains mois.
Discographie :
- Remission (2002)
- Leviathan (2004)
- Blood Mountain (2006)
- Crack the Skye (2009)
- The Hunter (2011)
- Once More 'Round the Sun (2014)
- Emperor of Sand (2017)
Tracklist de Emperor Of Sand :
1. Sultan's Curse 4:09
2. Show Yourself 3:03
3. Precious Stones 3:46
4. Steambreather 5:03
5. Roots Remain 6:28
6. Word to the Wise 4:00
7. Ancient Kingdom 4:54
8. Clandestiny 4:28
9. Andromeda (featuring Kevin Sharp) 4:05
10. Scorpion Breath (featuring Scott Kelly) 3:19
11. Jaguar God (featuring Mike Keneally) 7:56
(en gras les morceaux essentiels)
Mastodon – Emperor Of Sand
Reprise