Iron Maiden n'aurait pas pu s'y prendre mieux pour nous livrer un album aux proportions épiques. La santé de Bruce Dickinson, l'attente de cinq ans, les deux disques formant une heure trente de délices… les ingrédients ne manquent pas pour se lancer dans la course aux superlatifs. Mais tout ça n'est bon que dans la phase d'attente de la musique : une fois celle-ci dans les platines, plus ne compte en dehors de sa qualité. Depuis son redéploiement au tournant du siècle en version sextette, Iron Maiden a livré des LP soignés et homogènes mais aucun authentique chef d’œuvre. Et si, pour célébrer les 40 ans de sa formation, il remettait tout le monde d'accord comme dans les eighties où il alignait les succès ?

The Book Of Souls veut marquer une certaine différence avec ses prédécesseurs. Cela se relève dans l’esthétique, tout d’abord. Retour du logo d’origine qu’on n’avait plus vu depuis The X Factor. Réussite de la pochette, la seule non-(co)signée par Derek Riggs qui fera date. Packaging de l’édition limitée, en format digibook, de toute beauté. Cela met forcément dans de bonnes dispositions au moment de juger le contenu de la double galette.

Et le spectacle commence fort avec If Eternity Should Fail, certainement LE morceau de The Book Of Souls. Ecrit par Bruce Dickinson, il se place comme un des essentiels composés par le tourbillonnant frontman. C’est d’ailleurs lui qui donne le la de l’album en ouvrant et refermant ce seizième opus par une de ses chansons, sauvées in extremis par Steve Harris d’une utilisation dans sa carrière solo. Sur le premier, le pilote d’Ed Force One signe un refrain qui rendrait jaloux bien des groupes de power metal tandis que sur le second il surfe sur une vague de tsunami. Empire Of The Clouds, avec ses dix-huit minutes, est la plus longue piste jamais incluse sur un disque représenté par Eddie. En dépit de ses nombreux atouts et de son atmosphère extrêmement bien rendue, quelques coupes n’auraient pas fait de mal. Le piano rajoute une touche d’originalité. Néanmoins, à trop s’en servir, et avec des arrangements parfois proches de la comédie musicale, on s’approche à tâtons d’un sous-Savatage.

The Book Of Souls foisonne du « son Maiden », ces chevauchées guitaristes dont il est impossible de se lasser depuis 1980. The Red And The Black en lâche une quantité assourdissante durant plus de treize minutes. On repense à celles de Virtual XI où les Anglais étaient assez inspirés. Toute la période Blaze Bayley semble d’ailleurs revivre dans les instants progressifs (The Red And The Black, The Book Of Souls, Empire Of The Clouds, The Man Of Sorrows). Mais un ton sinon moins sombre, tout du moins plus nuancé, empêchera l’album d’être relégué aux oubliettes par les fans comme le fut injustement la paire The X Factor / Virtual XI.


Parfois, on sent les musiciens forcer la performance. On a déjà mentionné Empire Of The Clouds mais cela est vrai pour tous les morceaux qui dépassent six minutes. Bien que Speed Of Light et Death Or Glory soient les deux moments les plus anecdotiques du lot, on leur envie leur simplicité et leur côté rock ‘n’ roll sans complications. Tears Of A Clown, avec un texte pour Robin Williams, parvient à allier mélodies et souffle épique dans un remarquable emballage concis. Par ailleurs, avec autant de chansons dans le back catalogue et son son de niche, Iron Maiden n’évite pas de retomber très proche de certains riffs passées. Shadows Of The Valley commence dans les eaux territoriales de Wasted Years… The Red And The Black pourra évoquer The Rime Of The Ancient Mariner… Ces quelques bémols ne changeront pas la donne : The Book Of Souls est le disque le plus excitant depuis Brave New World. Connaissant le contexte actuel, c’est un exploit qu’on ne pensait plus réalisable.

Line-up :
Bruce Dickinson (chant+piano)
Dave Murray (guitare)
Adrian Smith (guitare)
Janick Gers (guitare)
Steve Harris (basse+claviers)
Nicko McBrain (batterie)

Discographie :
Iron Maiden (1980)
Killers (1981)
The Number of the Beast (1982)
Piece of Mind (1983)
Powerslave (1984)
Somewhere in Time (1986)
Seventh Son of a Seventh Son (1988)
No Prayer for the Dying (1990)
Fear of the Dark (1992)
The X Factor (1995)
Virtual XI (1998)
Brave New World (2000)
Dance of Death (2003)
A Matter of Life and Death (2006)
The Final Frontier (2010)
The Book of Souls (2015)

Tracklist (en gras les morceaux essentiels) :
Disc one   
1.    If Eternity Should Fail          8:28
2.    Speed of Light          5:01
3.    The Great Unknown          6:37
4.    The Red and the Black          13:33
5.    When the River Runs Deep          5:52
6.    The Book of Souls          10:27
Disc two   
1.    Death or Glory          5:13
2.    Shadows of the Valley          7:32
3.    Tears of a Clown          4:59
4.    The Man of Sorrows          6:28
5.    Empire of the Clouds          18:01

Iron Maiden – The Book Of Souls
Parlophone
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Iron Maiden – The Book Of Souls