On avait pu découvrir le morceau-titre il y a déjà plusieurs mois. Divinement riche, il sonde de multiples pistes tumultueuses durant dix minutes. Sa construction et sa liberté de ton rappellent les explorations sans limite des premiers King Crimson. Les claviers et les cuivres apportent des sonorités inédites, compléments fantomatiques au chant désincarné d'un Bowie spectral. A mi-chemin, une césure s'opère et on retrouve des vocalises plus habituelles. Les arrangements, eux, oscillent encore entre trip hop et bande originale de film de gangsters. Le résultat, bien moins décousu que sa description, est fascinant en dépit de sa longueur. Il parvient à unifier mélodies accessibles et recherche sonore comme peu d'artistes l'ont fait depuis l'âge d'or du rock progressif.
Il faut aller chercher du côté de Lazarus pour trouver une autre perle rare. Comme ce personnage biblique, on espère voir revenir Bowie à la vie pour nous proposer une suite à ces aventures musicales. Sur ce titre, il prend la posture d'un crooner maudit, rappelant quelque peu les dernières réalisations de Nick Cave. Mais il se réserve toujours des plages où sa voix unique, légèrement criée, encapsule toute l'émotion du monde. Tony Visconti fournit un terrain de jeu génial : même les moments où Bowie ne chante pas, l'auditeur est captivé par le travail des musiciens, tous occupés à tisser une toile de fond inquiétante.
Malgré tout,Blackstar est littéralement transporté par la qualité de ses deux fers de lance. Leurs effets bénéfiques débordent sur l'ensemble du disque et gomment les imperfections. I Can't Give Everything Away, en conclusion, retentit comme un fabuleux chant du cygne, plus par contexte que par valeur intrinsèque. Toutefois, cette lamentation à l'harmonica a de quoi émouvoir. Si The Next Day, le précédent LP de Bowie, était un excellent album de comeback, Blackstar avait toutes les qualités pour refaire de son créateur un artiste incontournable quarante-neuf ans après des débuts où il était bien difficile de déceler le potentiel du bonhomme. Blackstar, album malicieux jusque dans les clips qui l'accompagnent, restera l'ultime surprise d'un artiste complet, pertinent jusqu'à son dernier souffle.
Discographie :
David Bowie (1967)
Space Oddity (1969)
The Man Who Sold the World (1970)
Hunky Dory (1971)
The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars (1972)
Aladdin Sane (1973)
Pin Ups (1973)
Diamond Dogs (1974)
Young Americans (1975)
Station to Station (1976)
Low (1977)
Heroes (1977)
Lodger (1979)
Scary Monsters (And Super Creeps) (1980)
Let's Dance (1983)
Tonight (1984)
Never Let Me Down (1987)
Black Tie White Noise (1992)
The Buddha of Suburbia (1993)
Outside (1995)
Earthling (1997)
'Hours...' (1999)
Heathen (2002)
Reality (2003)
The Next Day (2013)
Blackstar (2016)
Tracklist de Blackstar (en gras les morceaux essentiels) :
1. Blackstar 9:57
2. 'Tis a Pity She Was a Whore 4:52
3. Lazarus 6:22
4. Sue (Or in a Season of Crime) 4:40
5. Girl Loves Me 4:51
6. Dollar Days 4:44
7. I Can't Give Everything Away 5:47
David Bowie - Blackstar
RCA
www.davidbowie.com
Rien que pour cette affirmation très personnelle, c'est surtout cette chronique, qui elle rate le coche !!!
D'après son guitariste, ils ont enregistré (format pro, définitif) 12 chansons. L'album comporte 7 titres. Tony Visconti semble tenter "d'étouffer" quelque chose d'assez gros en rapportant le fait que Bowie a enregistré 5 autres chansons, mais en démos, non terminées.
Conspiration ou folle théorisation, je reste persuadée que David Bowie, bien que plus présent, n'a pas terminé de nous surprendre ...