Doug Aldrich, personnage discret et attachant, semble devenir au fil des années le compagnon idéal de l’extravagant et parfois dictatorial David Coverdale. Pour leur nouvelle collaboration, le duo signe un Forevermore certes extrêmement calibré mais également très soigné. De quoi repartir en tournée avec la confiance des jeunes années…

Faire partie d'un groupe légendaire comme Whitesnake peut jouer en sa défaveur. En effet, lorsque vous faites un nouvel album, les fans sont immédiatement prêts à se jeter dessus et à le comparer aux albums mythiques sortis dans les années 80. Tu es arrivé assez récemment dans le groupe : est-ce que c'est difficile de vivre avec la pression de ce passé glorieux et d'aller encore de l'avant ?
Doug Aldrich
: La clé est de garder une écriture « fraîche ». Beaucoup de groupes de classic rock font des albums en roue libre. En tout cas ce n'est pas facile car il faut suffisamment d'éléments anciens dans ce que nous proposons mais il faut aussi que des innovations y trouvent leur place.

Tu dis que cela n'est pas forcément facile : vous vous prenez vraiment la tête sur ce genre de considérations ?

D. A. : Non. Nous n'y pensons pas vraiment. Lorsque nous écrivons : si l'idée nous semble être une redite du passé, nous ne travaillons pas davantage dessus car cela ne nous motive pas. Lorsque David Coverdale et moi trouvons quelque chose de novateur ou quelque chose qui nous excite nous nous focalisons là-dessus car nous savons que nous tenons là potentiellement un nouveau titre pour Whitesnake... En fait, à bien y regarder, il y a plusieurs phases lorsque nous travaillons sur des compositions. Parfois nous pensons tenir quelque chose d'exceptionnel et finalement les choses ne s'arrangent pas bien et nous laissons tomber. A l'inverse, il y a des idées qui ne s'expriment pas immédiatement et qui petit à petit font leur chemin, notamment lorsqu'elles passent du stade de démo à un véritable arrangement en studio avec le line-up complet du groupe.

Y a-t-il des chansons sur Forevermore qui sont arrivées totalement par accident ?
D. A. : Oui, il y a vraiment de tout sur ce disque (rires) ! Il y en a même en lesquelles nous croyions, qui n'ont pas réussi à marcher et que nous avons finalement retravaillées. Love Will Set You Free est sans doute l'exemple le plus flagrant d'un titre arrivé complètement par hasard. Ce titre a été écrit, grosso modo, en un jour. J'aime vraiment ce groove qui me rappelle du vieux Whitesnake ou du Thin Lizzy mais avec des accords et une ambiance modernes. Tout s'est imbriqué à la perfection sur ce titre. Le morceau Forevermore est également venu très limpidement. Nous avions presque fini d’écrire et j’ai demandé à David s’il ne voulait pas bosser encore sur une dernière idée que j’avais et sur laquelle j’avais fait un bon travail préparatoire. C’était Forevermore, notre dernier morceau qui est donc devenu très spécial à nos yeux.

Avant d’écrire et d’inclure sur le disque ce morceau, comment est-ce que l’album s’appelait ?
D. A. : Il n’avait pas de titre. C’est toujours très délicat de nommer un disque. Un titre doit englober tellement de choses… Je crois que le principal est de trouver un nom qui résumé l’idée de base de chacune des chansons. Pas facile, n’est-ce pas (rires) ? Et plus on passe de temps à chercher un titre, plus ça devient difficile. Du coup, quand David a trouvé le titre Forevermore pour la chanson dont je parlais, il a pensé immédiatement à l’utiliser également pour l’album. Ca marche bien, je trouve. J’étais content lorsque nous avions résolu ce problème (rires). J’ai hâte de voir si les fans accrochent.



Comme nous le disions, Whitesnake fait partie de ces groupes avec un « son déposé ». Mais on peut en dire presque autant des paroles : n’est-ce pas difficile de toujours écrire des paroles sur des thématiques (amour, relations amoureuses, rock ‘n’ roll…) qui ne changent quasiment jamais ? Où se situe le renouvellement dans tout cela ?

D. A. : C’est ce qui m’émerveille chez David. Il parvient à toujours voir les choses, même éculées, avec un angle nouveau. C’est vrai, nous avons tous entendus ses paroles un million de fois mais il arrive à préserver une certaine fraîcheur dans la façon dont il les écrits et les chante. Prenons par exemple Easier Said Than Done. C’est une ballade à la Whitesnake tout ce qu’il y a de plus typique mais la mélodie et les tonalités sont fraîches. Quant aux paroles, elles expliquent ce que veut dire l’expression « easier said than done » (plus facile à dire qu’à faire) : que je vais te protéger, prendre soin de toi, que je vais t’aimer pleinement, etc. C’est assez génial, je trouve. Pareil pour Love Will Set You Free : c’est une constatation assez simple mais tellement vraie. Je trouve que Forevermore possède plusieurs thématiques dans les paroles. All Out Of Luck est une chanson d’amour mais nettement plus sombre et presque malsaine. Le narrateur a changé mais il a perdu et il n’a plus d’amour à donner !



Musicalement, l’attrait des chansons repose en grande partie sur la qualité des riffs. Il y en a sur Forevermore dont tu es particulièrement content ?

D. A. : Encore une fois, je vais citer Love Will Set You Free ! J’aime les accords, assez basiques, que le titre comporte. Je pense que je pourrai écrire une nouvelle chanson de ce type chaque année. Ce n’est pas arrogant de ma part, c’est simplement un plaisir simple que j’apprécie énormément. C’est ma marque de fabrique. Toutefois ma plus grande fierté sur ce disque est l’intro de Forevermore. C’est joué à la guitare acoustique et c’est quelque chose que j’apprécie grandement. J’ai un background classique et j’aime des trucs comme James Taylor ou Crosby Stills & Nash. Cela m’a facilité le travail pour trouver ma grille d’accords. J’ai gardé une version un peu sale, avec des erreurs, car je trouvais que c’était la version la plus authentique et qui mettait le mieux en valeur la mélodie. En riffs, il y a également Tell Me How qui se démarque par sa simplicité rock et directe.

Ton jeu évolue au fil des albums de façon assez visible. Si tu étais dix ans plus jeune, qu’est-ce qui t’étonnerait le plus dans ta manière de pratiquer la guitare de Forevermore ?

D. A. : Les plans acoustiques. Je n’aurais pas encore réalisé à quel point cela me plaisait. J’ai beaucoup joué pour mon plaisir et ma famille et je me suis rendu compte que beaucoup d’idées que je trouvais dans ces conditions ont été incluses sur l’album. J’en suis le premier étonné. C’est peut-être un nouveau chapitre qui s’ouvre…

Il y a d’ailleurs une version acoustique du titre Forevermore qui sera disponible avec l’album sur iTunes…
D. A. : Tu me l’apprends ! Je ne savais pas qu’elle sortait mais cela me fait très plaisir. Nous avons fait des versions unplugged d’autres titres aussi et à chaque fois le résultat est bien sympa. Nous ferons aussi peut-être quelques nouvelles versions d’anciens titres… A voir bientôt !


Whitesnake - Forevermore
Frontiers Records
www.whitesnake.com 
Doug Aldrich et le légendaire Whitesnake