La nouvelle est tombée fin novembre 2023 pour le plus grand plaisir des guitaristes français (avec un peu de fierté) : le musicien / producteur Waxx est le premier français, et même le premier européen hors-UK à recevoir son modèle signature chez Epiphone. Sa magnifique Epiphone Nighthawk sort sous peu (le 16 janvier 2024), et c'est un très bel outil, à la fois esthétiquement superbe et fonctionnellement conçue pour s'attaquer au plus de contextes musicaux possibles. Nous avons donc rencontré l'homme derrière la Nighthawk pour qu'il nous raconte son univers guitaristique.
Quel est pour toi le symbole de cette guitare signature ?
C'est une question plus complexe qu'elle n'y paraît... Je n'ai jamais pensé que ça serait possible un jour. On parle parfois de "rêve de gosse", mais dans ce cas précis je n'en rêvais même pas ! Je pensais être plus proche de marcher sur la lune que d'avoir une guitare signature (NDLR : Epiphone Waxx Nighthawk Studio), pour moi ça n'était pas pour ma classe de musicien. C'était réservé aux Slash et autres, surtout avec cette marque que je connais depuis l'enfance. Avec une autre marque, l'impact aurait été différent. On a développé une belle relation avec les gens de Gibson France, mais même nous on n'osait pas y croire. Ça n'a pas du tout été un calcul. Un jour ça nous est tombé dessus sans qu'on s'y attende. Je dis "nous" parce qu'on forme vraiment une équipe. On a fait plein de choses ensemble, plein de contenu, plein d'opérations, plein de voyages au nom de Gibson et d'Epiphone.
Le jour où c'est arrivé, le symbole qui m'est venu en tête était celle d'un "achievement unlocked". Dans l'une des versions du jeu vidéo Guitar Hero, tu es d'abord endorsé par une marque de cordes, puis par des marques de pédales et d'ampli, et à la fin du jeu quand tu bats Tom Morello sur le solo de "Killing In The Name Of", tu as ta guitare signature ! J'ai fini ce jeu là donc, mais il y a plein d'autres jeux...
Je ne communique pas du tout là-dessus, mais comme tu l'as rappelé je suis le premier français à avoir une guitare signature chez Epiphone ! Je suis évidemment très fier mais aussi heureux, puisque la guitare est quelque chose de très important dans ma famille. Même si personne n'est professionnel, tout le monde adore la guitare, donc symboliquement c'est très puissant.
C'est un choix intéressant de la part d'Epiphone parce que tu n'es pas un virtuose.
Je veux que la musique soit pour tout le monde. J'aimerais que les gens qui ne sont pas nécessairement attirés par la guitare puissent y aller quand même. On est de la même génération toi et moi, et quand on était jeunes la guitare était le truc le plus cool, qui nous permettait d'avoir la tête ailleurs. C'est cette "happy place" que j'aimerais recréer avec cette guitare. Les guitares sont très chères aujourd'hui, et on a travaillé au maximum sur le prix avec les équipes d'Epiphone et de Gibson France pour qu'elle soit la plus abordable possible. Je veux que ça puisse attirer des gens qui ne jouent pas encore et qui ont envie de s'y mettre, ça pourra être un bon premier instrument tout en étant une guitare que tu peux utiliser toute ta vie. Même si à la maison j'ai plein de belles guitares comme des SG des années 70 ou des 335 que j'adore, ma Nighthawk de 2011 qui est vraiment cheap à la base reste mon outil préféré.
Qu'est-ce que tu lui trouves justement ?
Elle a une expression que je trouve inégalable. Par exemple, quand je prends une Les Paul, j'entends que c'est moi en train de jouer une Les Paul. La Nighthawk est d'une neutralité et d'une polyvalence qui fait que j'ai l'impression que ce que l'on entend, c'est moi. Ça fait quinze ans que j'enregistre des albums, et au son je sais immédiatement sur quelle guitare j'ai joué. Je le sais sans même me souvenir de la session. Depuis que j'ai cette guitare, les choses se sont alignées entre mon jeu et le son exact que je veux ressortir, elle n'est pas assez racée pour me faire pencher d'un côté ou de l'autre. D'ailleurs, quand je suis peu inspiré et pas très bon, ça s'entend aussi, elle ne m'épargne rien. Elle exprime exactement ce que je veux exprimer. Quand je l'ai eue, j'ai joué les petits riffs à la Hendrix et Frusciante que j'adore, mais aussi des choses plus heavy, et je me suis rendu compte qu'elle pouvait vraiment tout faire !
Quelles étaient tes demandes sur l'Epiphone par rapport à ta Gibson d'origine ?
Le prix était un point très important. Techniquement, il y a un détail que je voulais changer : le manche de ma Gibson Nighthawk est vraiment extrêmement fin. Je voulais que le manche de l'Epiphone reste accessible pour ceux quelque chose de moins fin, et il y a donc quelques millimètres de différence.
Tu avais déjà le split des micros sur ta Gibson ?
Oui, tout à fait.
Et tu t'en sers ?
Énormément, surtout en concert. Ça m'est vraiment très utile en concert. En studio, c'est moins le cas puisque j'ai la possibilité de modifier les réglages des amplis et des plugins. En concert, je n'aime pas changer de guitare tout le temps, et c'est donc une arme absolue.
Est-ce que tu as toi-même beaucoup joué sur les guitares signature d'autres artistes ?
J'avais un ami qui avait un Gibson SG Angus Young des années 90. Il l'avait laissée chez moi pendant quelques mois et je l'ai pas mal utilisée à cette époque. J'ai développé une vraie obsession pour cette guitare, elle complétait parfaitement mes autres guitares et je me suis donc dit qu'il fallait que je lui rachète, surtout que je suis obsédé par AC/DC. Mais il m'a dit que c'était une guitare qui avait une histoire particulière pour lui et qu'il ne pouvait pas revendre, et l'idée-même d'avoir ce modèle signature m'est passée tout de suite.
Tu travailles beaucoup avec d'autres artistes. Quelle est ton approche de la collaboration ?
C'est mon côté fan de basket : j'ai toujours été un joueur d'équipe. Je ne cherche pas spécialement à gagner, ce qui m'intéresse c'est de jouer avec les autres, de comprendre leurs mécanismes. J'ai commencé à jouer en groupe à douze ans, et j'étais avec des gens qui en avaient dix-sept, et à cet âge-là la différence est énorme. Ils m'ont tout appris, ils m'ont tout donné, et ils étaient assez généreux pour me donner du temps et de l'attention, pour me permettre de venir copier des cassettes de Sepultura chez eux... J'ai vraiment été éduqué à la musique par ces gens-là. Du coup je ne suis pas solitaire, j'adore rencontrer des gens via la musique. Par exemple dernièrement chez RTL 2, j'ai fait une émission avec Gregory Porter qui est un chanteur extraordinaire. On ne se connaissait pas avant l'émission, on se serre la main, on commence à jouer, et comme par magie on a l'impression de se connaître depuis vingt ans. On a posé les instruments et on s'est pris dans les bras, c'est fou ce que la musique peut apporter. C'est un îlot loin de la négativité qui nous entoure.
Quelle est ton approche de l'amplification ?
Mon mode de fonctionnement est très anarchique. J'ai tourné avec beaucoup d'artistes et je me suis habitué à jouer les amplis que je trouvais sur place. Du coup, lorsque j'ai eu un ampli, je ne l'ai pas du tout sacralisé. Mon premier ampli était un Mesa Boogie 50+ vraiment mortel, avec des scotches partout pour retrouver mon réglage. Je l'ai toujours, j'ai eu la chance de gagner assez d'argent pour ne pas avoir à revendre mon matériel. Je me suis ensuite acheté une tête Marshall JCM800 deux canaux, et là j'ai vraiment trouvé un son que j'adorais aussi, un Orange et un Vox AC30 pour avoir toutes les couleurs. Mais finalement, je me suis retrouvé à adorer jouer sur les vieux Fender de l'époque silverface avec leur reverb intégrée, mais je ne suis pas fétichiste des amplis. Je passe deux heures par jour à jouer de la guitare électrique pas branchée sur mon canapé. Gibson m'a offert un petit ampli Epiphone 5 watts que j'adore, j'ai fait le festival Lollapalooza avec cet ampli, avec deux lampes et un bouton ! J'ai toujours une wah wah Vox, j'utilise aussi pas mal la Whammy.
En studio, l'ampli dont je me sers le plus est le Mesa, mais je me retrouve aussi souvent dans des studios de rappeurs qui n'ont pas d'amplis et dans ce cas-là j'utilise des plugins. J'enregistre le son traité avec le plug et le son direct en parallèle pour pouvoir modifier le traitement, voire réamper sur les gros projets.
Tu collabores beaucoup avec des artistes féminines, ce qui n'est pas encore si commun en rock. Est-ce que le féminisme d'un Kurt Cobain t'a marqué ?
Ça a déteint d'une manière ou d'une autre. Flea aussi avait eu des propos anti-homophobes que je ne comprenais pas forcément à l'époque. C'était une génération qui voulait marquer la différence avec les gros durs de la génération précédente. Pour être tout à fait honnête, je pense que j'étais très candide sur ces questions : j'agissais sans y penser. J'écoute plus de chanson féminine que de chanson masculine, je suis un grand fan de Fiona Apple, de Feist, des artistes avec lesquelles je joue. Je trouve que Pomme est extraordinaire.
C'est ma femme qui m'a fait prendre conscience de ça : elle m'a dit que c'était une bonne chose, mais qu'il fallait faire attention à ne jamais dire que je suis féministe. Ce n'est pas mes combats, j'espère être un allié comme il faut, je suis là pour aider.
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