Comment s'est formé Symfonia avec tous ces noms qui seront très familiers aux fans de speed metal ?
Timo Tolkki : C'est la faute d'André Matos (rires). Il a déménagé en Suède il y a deux ans. Lorsque j'ai appris ça je n'en revenais pas car je connaissais André depuis 2000 et notre rencontre a eu lieu ici même à Paris. Nous avons commencé à écrire des trucs ensemble et j'ai ensuite appelé Jari Kainulainen que je connaissais de Stratovarius et Uli Kusch que je n'avais jamais rencontré et qui habitait en Norvège. Mikko Härkin fut le dernier à nous rejoindre. Il vit près de chez moi et je le connais bien. Tout s'est mis en place facilement. C'était le signe que Symfonia était né sous une bonne étoile. Il a ensuite fallu six mois de travail très dur pour faire l'album. Espérons que ce boulot « de préparation » portera ses fruits.
Cela faisait cinq ans que tu n'avais pas joué avec Jari. Tu l'as trouvé changé ?
T. T. : Non. C'est le même mec. C'est plutôt moi qui ai changé. Je suis davantage conscient de qui je suis. Je me suis délesté de nombreux poids qui m'encombraient. Je vois mon passé sous un angle nouveau.
Qu'est-ce qui a provoqué ce changement ?
T. T. : Une sorte d'illumination. J'ai fait une psychanalyse pendant huit ou neuf ans. Ce fut un vrai voyage intérieur où j'ai découvert tout ce qu'il y avait en moi. Cette thérapie m'a conduit à une dépression pour laquelle j'ai été hospitalisé en 2004. Depuis, je me remets. Il semblerait que le système nerveux ait besoin de s'effondrer avant de pouvoir se reconstruire. Sans la psychanalyse, tout ceci n'aurait pas été possible.
Tu n'es plus suivi actuellement ?
T. T. : Non. Ce n'est pas nécessaire car ce n'était pas une méthode de thérapie par la parole. Je devais aller libérer des sentiments enfouis en moi. Maintenant, je suis guéri. J'ai juste simplement encore du mal à être dans la foule, ce qui est ironique quand on connaît ce que je fais pour gagner ma vie...
Y a-t-il des éléments de ce que tu partages avec moi en ce moment qu'on retrouve dans In Paradisum, que ce soit dans la musique et/ou dans les paroles ?
T. T. : Tout à fait. Comme dans les albums antérieurs, d'ailleurs. La différence ici est que j'ai été capable d'utiliser mes compétences en tant que musicien et producteur à un autre niveau. J'ai pu créer des émotions soniques. La voix d'André me permet de trouver des émotions que je ne pouvais pas exprimer avant. Pour moi, cela représente une vraie bénédiction. Je n'arrive pas à l'expliquer mais le résultat est bien là.
Dans tes interviews tu parles souvent de technique et de rendu sonore à propos de tes disques mais rarement des compositions. Cela semble à nouveau être le cas ! Sur cet album, l'écriture est-elle un point fort selon toi ?
T. T. : J'ai écrit la moitié des chansons, l'autre moitié vient d'André. Toutes les paroles sont de lui. C'est marrant d'ailleurs car au départ nous n'avions que les titres de chansons et la musique. Les paroles ne sont venues lorsqu'André s'est isolé pendant quelques jours dans notre « studio-cabane » en Finlande. Il m'a touché avec ses textes et c'est toujours ce que je recherche à tous les stades de la fabrication d'un album. Même lorsque je mixe. Je n'écoute pas la musique lorsque je mixe un album ; je me nourris du contenu émotionnel. Ça ne marche pas toujours mais sur un titre comme Alayna c'est exactement ce que je recherche. Tout grandit à partir des claviers et de la guitare acoustique des premières notes du morceau. Je joue ma musique directement avec mes tripes. Les gens aiment ou n'aiment pas, et peu importe...
Il fut un temps où cela t'importait grandement, au contraire...
T. T. : Oui. Pour Elements Part One de Stratovarius, j'ai été très déçu de la réaction du public. Nous avions tellement travaillé sur cet album et les réactions ont parfois été très violentes. J'étais très déçu car j'étais nettement plus sensible à cette époque. Maintenant, je suis très binaire : « j'aime / j'aime bien » et j'accepte que les gens puissent avoir une approche de ce type envers moi. Mes goûts personnels vont de Black Sabbath à Britney Spears en passant par le classique. (André Matos nous rejoint)
Angra et Stratovarius, vos groupes qui vous ont fait connaître, ont sorti leur album le plus « important » en 1996, respectivement Holy Land et Visions. Que pensez-vous mutuellement de ces disques ?
T. T. : Je préfère Angels Cry à Holy Land. Ce dernier est plus ethnique d'une manière que je n'aime pas trop. C'est un disque très original que j'ai toutefois moins écouté qu'Angels Cry. Celui-ci est sans doute plus commercial dans un sens. Holy Land a marqué une évolution certaine dans leur son et avec le recul il semblerait que cette évolution ait été trop importante et le groupe a été en quelque sorte contraint de revenir à des titres plus symphoniques et metal.
André Matos : J'ai suivi les albums de Stratovarius jusque Destiny où nous avions tourné ensemble. Ensuite, j'ai décroché. Mais j'ai toujours plus ou moins entendu les albums de Timo, même ceux de Revolution Renaissance, notamment New Era. J'écoutais Stratovarius en live en tournée. A la fin je chantais toutes les chansons.
André, tu as déménagé en Suède. Difficile de faire un changement culturel plus grand par rapport au Brésil. Tu te plais là-bas ?
A. M. : C'est intéressant comme changement. Je viens de Sao Paulo qui est deux fois plus grand que Paris et où il y a de très nombreux problèmes sociaux. Or, là je me retrouve quelque part dans un village de deux mille personnes dans un pays où il n'y a quasiment aucun problème social. Mais il y a plus de dépression là bas. Cela a sans doute à voir avec le climat aussi... En tout cas, je m'y plais et j'espère y rester encore un moment.
Symfonia – In Paradisum
EDEL Music