Shawn “Clown” Crahan : Ça me rappelle pas mal de souvenirs, notamment à travers les quelques interviews que je donne. Cette réédition me force à repenser à ces instants de ma vie. C’est une période que je voulais oublier car c’était très dur. Tout était placé sous le signe de la brutalité à l’époque, même nos nouvelles combinaisons dans lesquelles on crevait de chaud ! Faire la nouvelle pochette, le film et repenser à tout ça m’a vraiment fait replonger dans Iowa. C’était un super album et je crois que cette réédition prouve qu’il l’est toujours. C’est un des disques les plus brutaux jamais faits et clairement la période folle de notre carrière. Je suis ravi que nous ayons pu connaître cela et je ne changerais rien à ce disque. Toutefois, je ne voudrais absolument pas revenir en 2001 tellement c’était dur.
A l’époque de la sortie d’Iowa, les gens ne savaient pas trop à quoi s’attendre de votre part tellement le premier album avait été une surprise. Par la, suite, nous avons compris qu’il fallait justement s’attendre à être surpris avec tous les albums de Slipknot. Rétrospectivement, quelles étaient les options artistiques pour le groupe au moment de sortir Iowa ?
S. C. C. : Notre premier album était l’accomplissement d’un rêve. Nous avions toute une vie pour le faire. Pendant la tournée qui a suivi, nous avons été forcés de côtoyer des gens que nous n’aimions pas et nous avons dû faire des choses un peu contre notre gré. Mis en perspective de ses rêves, cela est plutôt décevant… Toute la frustration et la haine est donc ressortie sur Iowa, naturellement. Nous exprimions la désillusion vis-à-vis de pas mal d’aspects que nous n’avions pas imaginés lorsque nous rêvions de faire notre musique à grande échelle. Je me rappelle que plein de gens nous parlaient de la « malédiction du second album »… C’est quoi cette merde ?! Les gens pensaient vraiment que nous allions disparaître ou devenir des vendus ?! Ca nous a mis en colère. Qui pense à ce genre de conneries ?
Les gens des maisons de disques, peut-être… Certains journalistes… ?
S. C. C. : Ouais, sans doute. En tout cas, je ne voyais pas l’intérêt de nous en parler directement à nous ! Nous avons fait un paquet de conneries pendant notre première tournée, le genre de conneries qui ont encore des conséquences dans le présent pour certaines d’entre elles… Mais cela a aussi contribué au climat qui règne sur Iowa. Les désillusions, les conneries accumulés, la haine : voilà le moteur de ce disque. C’est un gros doigt à tout le monde pour dire que « nous sommes Slipknot et nous faisons ce que nous voulons ! »
Iowa semble donc très ancré dans une pensée datée, un état d’esprit que vous vouliez exprimer à un moment donné. L’album est-il encore pertinent en 2011 ?
S. C. C. : Je n’écoute plus nos albums. J’ai toujours eu du mal avec ça. La dernière fois que j’ai écouté attentivement nos disques est lors de la mort de Paul. J’avais mis la musique pour lui. Certaines chansons d’Iowa m’ont fait mal car ce disque était son bébé. Nous jouons tellement souvent sur scène que j’ai du mal à nous écouter ensuite… People = Shit, Disasterpiece, Left Behind sont vraiment incroyables. A chaque fois que nous jouons ça, je sens quelque chose de particulier. Surtout sur People = Shit car les gens n’ont rien compris à la sortie de ce morceau ! Les gens ne voulaient pas admettre que les hommes ne sont pas constitués que d’eau mais bien d’eau et de merde ! Toutes nos chansons sont encore valables aujourd’hui. Rien n’a vieilli. Quelqu’un qui n’a jamais entendu Iowa et qui le découvre ce soir il va se manger une grosse claque dans la gueule.
Depuis que le groupe a commencé à être actif en studio, les membres de Slipknot ont toujours exprimé des avis très différents sur leurs albums. Est-ce qu’Iowa est celui qui met tout le monde d’accord quant à sa qualité ?
S. C. C. : J’aurais du mal à parler pour les autres membres. 80% de nos fans pensent qu’il s’agit de notre meilleur disque. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être à cause de sa hargne et sa folie ? Même Ross Robinson s’est pété le dos pendant la production de cet album. Cela en dit long sur son contenu. Personnellement, je ne dirais pas que c’est notre meilleur album car je donne toujours tout ce que j’ai pour nos disques. J’apprécie peut être davantage tel ou tel album mais je les aime tous. Je n’ai jamais donné moins que 190% de mon énergie pour la conception d’un de nos disques. Nous avons quatre enfants, tous différents, dans leur sexe et leur âge, mais il est impossible d’en choisir un plutôt qu’un autre. Tout au plus pourrais-je concéder avoir des rapports différents avec chacun d’entre eux mais ils sont tous mes préférés.
Quel est ton rapport à Iowa, dans ce cas ?
S. C. C. : Je pourrais te parler d’un tas de trucs ! Mais je pourrais en dire autant sur le premier, le troisième et le quatrième album ! Tout ce que je peux dire c’est que l’époque était sombre. C’était même vicieux (rires) ! Tout ce que nous ne devrions pas faire, tout ce contre quoi nous mettons les gens en garde : nous avons fait tout cela en même temps. Le bon côté est que nous avons tout évacué d’un coup.
As-tu des attentes et des envies particulières pour l’avenir de Slipknot et notamment pour son cinquième album ?
S. C. C. : Ce que j’aime avec Slipknot est que nous ne chions pas des albums à tour de bras. Nous n’en avons fait que quatre en douze ans contrairement à des groupes qui en pondent en série dès qu’un label les signe. Nous donnons tout sur un album puis nous tournons jusqu’à ce que nous n’ayons plus d’énergie. Ensuite, nous devons faire un gros break chez nous où nous nous « réparons » pendant un an. Ensuite, nous passons par une phase introspective. Enfin, nous nous rappelons tout ce que nous avons accompli et nous avons envie de recommencer ! Je commence à vraiment accepter la mort de Paul. Ca a été dur pendant très longtemps mais là je suis bien. Du coup, je suis très nerveux à l’idée du prochain album. Je veux que ce soit un chef d’œuvre… un album très sérieux. Cet album prend du temps car il faut que tout le monde dans le groupe arrive au même niveau que les autres et cela peut prendre quelques mois. Une fois que ce sera le cas : nous allons pouvoir faire resurgir la souffrance et l’amour par un mélange adéquat de musique et de paroles. Et, crois-moi, ça va faire mal.
Slipknot – Iowa (réédition)
Roadrunner
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