Renaud est un artiste-artisan il se partage entre ses activités pédagogiques et ses différentes formations aux styles tout aussi divers. A l’occasion de la sortie de son Album « Iluna » il nous explique un peu son parcours.

Salut Renaud, on ne te connaît pas beaucoup. Parle-nous un peu de toi, es-tu autodidacte ou bien le produit d'une école pro ?
Renaud Louis-Servais : Je suis principalement un autodidacte, puisqu’ à mes débuts je n'ai pris qu'un an de cours, avec un professeur arménien assez âgé que je ne remercierais jamais assez... Il m'a tout simplement transmis le plaisir de jouer, appris les accords de base, quelques chansons françaises, Brassens, etc…

Mais mon but, tout jeune, était de jouer du rock ! Sur ma pauvre guitare classique format "1/2", qui n'avait pourtant rien fait pour mériter un tel traitement... Au bout d'un an, j'ai cessé les cours et j'ai commencé à passer le plus clair de mon temps à essayer de reproduire par tous les moyens possibles ce que j'entendais sur les albums que j'écoutais... Et je suis très heureux d'avoir choisi cette voie qui m’a permis de développer mon oreille, ce qui est sans doute le plus important lorsque l'on veut devenir musicien. Ce n'est que plus tard dans mon développement personnel que je me suis intéressé à la lecture, à la théorie, à l'harmonie, en achetant et étudiant de nombreux ouvrages... Ca a été une révélation : ces bouquins m’ont donné une explication rationnelle à propos de choses que j'avais effleurées du doigt en relevant des centaines de solos, mais dont je n’avais pas l’explication... Rétrospectivement, étant donné ma personnalité, c'est bien que j'ai fait les choses dans cet ordre. Si, tout jeune, je m'étais confronté immédiatement au solfège sans cet attrait de « l'instrument joué » et du relevé, je ne crois pas que j’aurais accroché.

Quelles ont été au début tes influences principales ? Ont-elles changées depuis ?
RLS : Je suis basiquement un enfant du hard-rock des années 80! J’ai aussi énormément écouté de rock progressif, Yes, Génésis, tous ces groupes merveilleux… Vers 16 ans, en découvrant Frank Gambale, fabuleux technicien et novateur, mais également musicien capable d'un choix de notes incroyable, je suis vraiment tombé amoureux de l'harmonie, j'ai commencé à remonter le temps et à écouter toute cette fusion des années 70, Chic Corea, Weather Report, John Mac Laughlin... quelle claque musicale, technique, harmonique! Et c'est par ce biais que je me suis tout naturellement intéressé au jazz au sens large.
Mes influences se sont élargies, comme tout le monde, mais je ne renie aucunement mes premières amours... Un excellent riff de rock, simple et puissant, me procure toujours autant de plaisir à jouer, tout comme improviser sur « Giant Step » est jouissif... ce ne sont tout simplement pas les mêmes plaisirs!

Tu es à l’origine d’une méthode d’apprentissage, sans tout nous dévoiler, tu peux nous en parler un peu ?
RLS : C’est une méthode que j’applique lors des cours particuliers, et lors de mes master-class sur l’improvisation. Je mets beaucoup l’accent sur le travail des accords, de l’harmonisation, sur le fait d’ « entendre » la musique avant de la jouer, et sur le fait, en improvisation par exemple, de travailler en amont de manière à avoir toujours, au moment d’improviser, plusieurs possibilités harmoniques et rythmiques en tête… Rien n’est plus insupportable et frustrant lorsque l’on improvise que de n’avoir « à portée de doigts » qu’une seule gamme possible, une seule couleur possible, un seul schéma rythmique…

La guitare est, à n’en pas douter, ta passion, à tel point que tu navigues dans beaucoup de styles. Si tu me le permets je vais te citer quelques styles, à toi de nous préciser ce qu’ils évoquent pour toi et surtout de quelle manière tu les abordes (techniquement et émotionnellement).
- Le Blues-Rock ?
RLS : Le premier album « blues » qui m’ait vraiment plu est « See The Light » de Jeff Healey ; celui-là, je dois avouer qu’il m’a retourné la tête. Avec un vocabulaire très simple, un son et une voix incroyables, ce guitariste aveugle faisait passer des émotions absolument terribles. J’encourage ceux qui ne l’ont pas connu à se jeter sur YouTube pour visionner des extraits live de ses performances. The Jeff Healey Band, c’était le power-trio par excellence. Stevie Ray Vaughan m’a également toujours beaucoup impressionné : puissance, feeling, classe naturelle… Robben Ford également, tellement doué… C’est le blues-rock comme je l’aime. Je suis moins sensible au blues « traditionnel »…

- La musique latine
RLS : C’est un domaine que j’ai touché du doigt d’abord par le biais de la bossa-nova, qui est un style que j’adore particulièrement pour la qualité des accords et des mélodies, puis par le flamenco lorsque j’ai accompagné une compagnie de danse au début des années 2000, et enfin depuis peu dans un groupe de reprises latines dans lequel je joue, Mundo Bravo, qui aborde aussi bien de la musique brésilienne, cubaine, qu’espagnole. C’est excellent à jouer, festif, chaleureux… J’utilise dans ce groupe une guitare classique traditionnelle, sur laquelle je branche parfois une pédale overdrive Tube Screamer pour jouer les riffs de cuivres et certains solos à la Santana… les gens me regardent avec des yeux ronds, ça m’amuse beaucoup ! Ha ha ha !

- Le Jazz-manouche ?
RLS : Il faut savoir que dans les années 30, Django Reihnardt était juste l’un des plus incroyables guitaristes de la planète. Beaucoup de gens l’ont oublié et le considèrent juste comme un bon guitariste parmi d’autres, mais il était au-dessus de ça, tout en ne possédant absolument aucune connaissance théorique… mais une oreille et un don redoutables. En réunissant la musique tzigane et le swing américain, lui et Stéphane Grappelli ont réussi un pari improbable, et réellement donné ses lettres de noblesses au jazz français d’avant-guerre au sein du Quintet du Hot Club de France. Je ne me prétends absolument pas un spécialiste du style, très loin de là, mais par contre c’est une musique qui me passionne et que j’adore écouter, et également jouer au sein de l’un des groupes que j’ai monté, Djangologic. Je pense qu’à ce titre, Biréli Lagrène, avec Sylvain Luc, est l’un des guitaristes français les plus marquants des 20 dernières années, aussi par son parcours atypique, parce qu’il peut absolument tout jouer mieux que personne, de la fusion au jazz manouche…

- La fusion ?
RLS : Là forcément, on touche au cœur de ce qui m’anime… !
Basiquement, ce qui se cache derrière le terme de « fusion », qui ne veut pas dire grand-chose, c’est la volonté de ne pas établir de frontières « a priori » entre des styles comme le métal, le jazz, la funk, le rock-progressif…. C’est en tout cas cette alchimie que j’ai cherché à réaliser dans mon album « Iluna », et je dois dire que grâce à la qualité des musiciens qui m’ont entouré, le résultat dépasse mes espérances.

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Puisque l’on aborde cet album sorti en 2011, peux-tu nous en parler un peu plus, ainsi que du Renaud Louis-Servais Group ?

RLS : Oui, bien sûr. C’est un album instrumental que j’ai voulu comme un « mix » de beaucoup de choses que j’aime jouer… C’est toujours difficile de classer sa propre musique, mais pour donner un peu aux lecteurs une idée des influences que l’on peut y trouver, les gens qui l’ont appréciée évoquent pêle-mêle Dream Theather, Yes, Pat Metheny, Joe Satriani, Jeff Beck, Scott henderson, Frank Gambale… Je pense que ce sont effectivment des influences que l’on entend, et sans me comparer à de tels artistes, je suis très heureux qu’on entende ces couleurs-là, car c’est à la base de mon éducation musicale. Les musiciens qui m’accompagnent dans le RLSG sont fantastiques : Henri Dorina à la basse (Rido Bayonne, Bill Deraime, Manu Dibango, Mokhtar Samba, les Natives…), Franck Guicherd aux claviers et trompettes (Eddy Louiss, Mory Kanté, Fred Manoukian, Laurent Mignard), et Alain Bidot-Naude à la batterie (Big Mama, Macqueen, After Beat…). Sur scène, le quartet est enrichi d’Alain Debiossat (Sixun) au saxophone et Pierre Acourt aux claviers. J’ai également porté une grande attention aux compositions car je ne voulais pas faire un album de « démonstration guitaristique », et je suis très heureux du résultat : c’est un album que je trouve « musical », très agréable à jouer du point de vue de la construction des morceaux. D’ailleurs, trois titres sont arrivés en « semi-finale » du concours de composition américain ISC (N.d.l.r. : International Songwriting Competition) ce qui constitue une belle reconnaissance pour moi. Il a été mixé par l’ingénieur anglais Steve Prestage (Gino Vannelli, Gary Moore, Peter Gabriel…), qui a fait un travail fantastique. L’album est distribué en Europe chez GuitarEuroShop, et également aux USA et au Japon.

Ton activité débordante t’amène à travailler dans divers domaines liés à la musique, BO de film, écoles de musique, groupes aux styles variés…Il y a des domaines que tu préfères ?
RLS : Pour ce qui est des styles musicaux, j’adore jouer dans des univers très différents, apprendre de nouvelles choses, me mettre en danger… J’ai besoin de ça, jouer dans un style musical unique m’ennuierait profondément. J’adore également enseigner, essayer de transmettre le plus intelligemment possible les choses réellement utiles pour qui veut progresser, en évitant les approximations que les élèves trouvent tellement souvent dans les cours de guitare… Mais bien évidemment, créer et jouer mes compositions avec le RLSG est un plaisir qui surpasse tout.

Quel est ton rayonnement en dehors du territoire ? Tu as déjà joué à l’étranger ou pour des artistes étrangers ?
RLS : J’ai déjà accompagné des artistes au Canada, en Tunisie… Mon rêve actuel est d’aller jouer mon album « Iluna » avec tout le RLSG aux USA et au Japon, car ce sont les pays qui lui ont réservé le meilleur accueil. Je vais jouer en septembre à New-York avec le Quintet de la pianiste Françoise Pujol, j’en profiterai pour nouer le maximum de contacts là-bas.

Tu es démonstrateur des guitares Tom Anderson. En dehors de cela tu joues sur quoi ?
RLS : L’histoire avec Tom Anderson est particulière, je suis allé le rencontrer en Californie en 2009 pour qu’il me construise le modèle de mes rêves et nous avons vraiment sympathisé. C’est un artisan, un amoureux des guitares. Depuis que j’ai cette Drop Top, je ne m’en sépare pas beaucoup ! Néanmoins, lorsque j’ai envie de changer un peu, je joue deux guitares Brian Moore que j’affectionne beaucoup : une i1 acajou avec floyd et manche conducteur, possédant un sustain démoniaque, et une i2 type « Les Paul » avec Piezzo et capteur midi. En Jazz, je joue une Gibson ES175 terrible. Pour les acoustiques, je possède en « folk » une magnifique Taylor 614CE couleur « prune », et en « nylon » une Takamine Hirade TH90, celle avec le préampli à lampe. Enfin, en jazz manouche, j’utilise pour le moment une Antonio Carvalho.



Quels sont tes amplis ? Et plus généralement ton matériel sur scène ?
RLS : Avec le RLSG, j’utilise un gros rack, incluant un Looper/Switcher Skrydstrup qui me permet de piloter tout un tas de pédales Overdrive/Saturations en midi avec un pédalier Rocktron All Access. Chaque preset du pédalier appelle une configuration de pédales, parmi lesquelles figure en ce moment une Blackstar HT-Dual, une Xotic BB Preamp, une Fulltone OCD, une Marshall Jack Hammer, et une Nady TD-1… Le son une fois saturé (ou pas) attaque le canal clair d’un préampli Mesa-boogie Formula, puis un G-Force TC-Electronic, puis un ampli de puissance Mesa-Boogie Two Ninety. Je sors ensuite dans 2 baffles Marshall 4x12 1960 Vintage, équipés en V30. Je suis très satisfait de cette configuration, qui me permet de faire à peu près tout ce que je veux en termes de pédales, y compris mettre deux pédales en série, etc…
Dans des contextes plus « lights » de clubs, un marshall 30th anniversary couplé avec un G-Major suffisent à mon bonheur…

Un truc qui m’intrigue également c’est la qualité du son que tu as sur tes vidéos, quel type de matériel utilises-tu ?

RLS : Rien de bien sorcier, je capte le son des baffles avec 4 micros : 2 Shure SM57 à 10 cm environ de chaque baffle et un couple de Neumann KM-184 à 2 m environ, pour obtenir un son de pièce, comme me l’a enseigné Steve Prestage. Voilà tout !

Je t’ai découvert à travers le French Guitar Contest, comment se fait-il que tu ne sois pas plus visible que ça sur le net ?
RLS : Et bien j’ai commencé à sortir de l’ombre l’année dernière à la sortie de mon album, et à la même période j’ai décidé de m’équiper en matériel vidéo afin de réaliser quelques démos sur YouTube « à la manière de », qui montrent les caractéristiques des grands guitaristes qui m’ont influencé : Jeff Beck, Frank Gambale, Steve Lukather, Robben Ford… Donc ma « mise en lumière » est très récente !

Sachant que tu ne restes jamais longtemps sans rien faire, tu as bien un petit projet en vue après la promo de l’album « Iluna » ?
RLS : Je suis dans le processus de composition du prochain album du RLSG, j’ai déjà quelques idées très abouties… et je joue également dans une dizaine de formations, donc effectivement je suis plutôt occupé ! Tant mieux, d’ailleurs.

Merci pour ta disponibilité, tu fais partie des rares guitaristes qui savent utiliser la technique au service de la musique. C’est ce qu’on appelle le talent. Je te souhaite une bonne continuation dans le domaine. Continue de nous régaler.
RLS : Merci à toi pour ton accueil, salut à tous les lecteurs, continuez à faire vivre les sites de guitare et longue vie à Guitare Live !

Renaud sera en concert avec le Renaud Louis-Servais Group le 6 juillet prochain à Digne-Les-bains à l'occasion du festival Ej@ms Live.

Site de Renaud Louis-Servais :
http://www.rlsg.fr
http://renaud.ls.free.fr

Renaud Louis-Servais, un guitariste touche à tout