Variax, Pod, ça vous parle ? Michel Doidic co-fondateur de Line 6, fait le point en douze questions/réponses sur le parcours de son « bébé » devenu grand…
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre carrière, et ce qui vous a amené chez Line 6 ?
Après avoir travaillé en France pendant près de cinq ans, j’ai rencontré Tom Oberheim qui m’a invité à venir en Californie pour rejoindre sa compagnie en 1981. J’y ai fait la connaissance de Marcus Ryle et nous avons alors quitté Oberheim Electronics en 1986 pour créer une entreprise de consultation nommée Fast Forward Designs.
Pendant près de dix ans, cela nous a donné l’opportunité de travailler sur un grand nombre de projets de pointe (Quadraverb, MMT8, HR16, ADAT, Samplecell, exc..) pour quelques-unes des compagnies les plus innovatrices dans l’industrie de la musique (Alesis, Digidesign, Tascam, etc..). A ce moment nous avons décidé qu’il était temps de fonder notre propre marque : c’est en 1995 que nous avons créé Line 6.
La technologie de la modélisation numérique est arrivée plus rapidement dans le monde des synthés. Quels étaient les développements clefs qui ont permis de faire la modélisation d’amplis de guitare ?
Les deux principaux problèmes que nous avons dû résoudre sont de natures très différentes.
Le premier est purement technique et vient de la difficulté de recréer sur une base numérique l’aspect non linéaire (ou distorsion), des amplificateurs à tubes. Nous avons dû développer des algorithmes mathématiques originaux autour de fonctions non linéaires pour parvenir à des simulations satisfaisantes. Le fait que la puissance de calcul des circuits numériques continue d’augmenter chaque année fut aussi un élément crucial pour atteindre un nouveau niveau de réalisme. Autour de 1990, le rapport performance/prix de ces circuits devint finalement assez élevé pour permettre la réalisation d’un ampli numérique.
La deuxième difficulté est plus un problème artistique. Quel amplificateur à tubes est la bonne référence de son ? Quel modèle de quelle année représente le bon spécimen et quel aspect de ce son est important pour le résultat ? Dès le début de Line 6, nous avons fait appel à des guitaristes de haut niveau pour nous guider dans le choix des sonorités désirables. Aujourd’hui encore, Line 6 emploie un groupe d’experts dont la fonction principale est de rechercher ces sonorités et d’ajuster nos paramètres de simulation.
La plupart des nouvelles technologies sont reçues avec un scepticisme variable. Après 10 ans dans la création de sons primés, sentez-vous que Line 6 a franchi tous les obstacles ?
Il semble bien que oui. Line 6 est désormais l’un des principaux fournisseurs d’amplificateurs de guitare au monde. Le POD est devenu le standard d’enregistrement pour guitare dans les studios professionnels aussi bien qu’amateurs. Nos applications d’enregistrement pour PC et Mac ainsi que nos guitares continuent de créer de nouvelles possibilités pour les guitaristes. Clairement, notre technologie est non seulement acceptée mais semble bien être devenue un outil essentiel pour les guitaristes.
Pensez-vous que la compétition croissante dans la modélisation numérique favorise l'adoption de cette technologie par le public ?
Non, je ne crois pas que ce soit un facteur nécessaire. Après tout, la synthèse FM pour les claviers fut très vite acceptée malgré le fait que Yamaha était la seule compagnie à l’offrir. Pour moi, la seule raison qui détermine si une technologie est acceptée ou non est sa capacité à satisfaire les désirs de ses utilisateurs. Chez Line 6, nous essayons toujours de comprendre l’avantage qu’une innovation peut apporter à nos clients avant de décider si elle vaut la peine d’être introduite. Je crois que cette approche est une des raisons de notre succès plutôt que la technologie elle-même. La technologie est un moyen d’arriver à nos fins et non une finalité en elle-même.
Comment avez-vous trouvé le nom “Line 6” ? D’où vous est venue l’idée du nom Line 6 ?
« Line 6 » est un clin d’œil à la situation dans laquelle nous étions lorsque nous avons commencé notre propre marque. A cette époque nous étions une entreprise de consultation (Fast Forward Designs) et nous travaillions pour un nombre de clients. Il était essentiel que nous préservions la confidentialité entre les projets sur lesquels nous travaillions, y compris notre premier amplificateur de guitare (L’Axys 212). Un ampli de guitare est bruyant et nous avons dû développer un système pour ne pas attirer l’attention de nos autres clients lorsqu’ils venaient nous rendre visite. Puisque nous n’avions que cinq lignes de téléphone, nous décidâmes que lorsqu’un visiteur arrivait dans le bâtiment, le réceptionniste annoncerait sur l’intercom un appel sur ligne 6 (« Line 6 » en Anglais). C’était le signe qu’il fallait arrêter de faire du bruit pour un moment !
Le nom d’une compagnie n’a pas grande importance. Après tout si un nom comme Schlumberger ou AT&T peut avoir du succès, n’importe quel nom peut faire l’affaire. Dans ces conditions autant en choisir un qui vous amuse.
Avant Line 6, parlait-on déjà de modélisation d'ampli de guitare ? Pourquoi le simulateur d'ampli Pod, lancé en 1998, a-t-il été une petite révolution ?
Avant 1998 la modélisation des amplis de guitare était présente dans quelques effets en rack, mais pas dans les amplis eux mêmes. En général, la qualité des simulations était sévèrement limitée. POD fut, je pense, le premier système ayant assez de puissance de calcul pour améliorer sensiblement les performances. Nous y avons également incorporé des systèmes d’émulation de hauts parleurs qui ont apporté un nouveau niveau de réalisme aux simulations. Après l’introduction du POD, il était finalement possible d’obtenir un son très proche de l’original sans les complications associées avec l’ajustement d’un ampli et des micros nécessaires à son enregistrement. Le POD est également infiniment plus flexible puisqu’il permet d’auditionner un grand nombre d’amplis et d’effets juste en tournant un sélecteur au lieu d’essayer différentes combinaisons d’amplificateurs et de micros (encore faudrait-il que vous ayez accès à ce matériel pour commencer).
Comment est née la "technologie" Pod ? A qui s'adresse-t-elle ?
La raison pour laquelle Line 6 s’est originalement intéressée au traitement de sons pour guitares est en partie un choix et en partie une nécessité. Le choix vient du fait que Marcus et moi-même aimons la guitare (c’est le seul instrument que je joue. Marcus, lui, peut jouer pratiquement n’importe quoi). et de plus en 1995 l’amplification de guitare était un terrain propice pour les techniques numériques. La nécessité, elle, vient du fait qu’à cette époque nous étions encore dans l’obligation de ne pas développer des produits en concurrence avec les projets de notre clientèle de consultation. Ayant travaillé sur presque tous les types de systèmes en vogue à cette époque, il ne nous restait pas beaucoup de choix. Cependant, puisque nous n’avions jamais travaillé sur un ampli de guitare, cette direction était libre.
Pod est un descendant direct de notre premier ampli numérique : l’Axys 212. A part l’addition de simulations des hauts parleurs, les algorithmes du POD sont très similaires. Pod est pour tous les musiciens qui désirent un excellent son de guitare avec le minimum de complications. Le fait que POD soit basé sur les techniques numériques est sans importance. La seule chose qui compte est la qualité du résultat.
Après le Pod, le lancement de la guitare à modélisation Variax a été une étape majeure pour Line 6. Comment cette invention évolue-t-elle aujourd'hui ?
Variax est maintenant intégré avec certains de nos autres produits. Il est par exemple possible de connecter nos guitares digitalement avec un ampli Vetta ou le POD-XT-Live. Cela permet non seulement de préserver une pureté de son parfaite entre la guitare et l’ampli mais également de contrôler les réglages de la guitare depuis l’ampli. Vous pouvez, par exemple, rappeler non seulement une simulation d’ampli avec tous les effets désirés, mais également le type de guitare, la sélection du pick-up et ses réglages de tonalité juste en poussant une pédale de télécommande.
Nous avons également introduit Workbench, une application pour PC qui permet de personnaliser une guitare Variax aux goûts du musicien. Avec Workbench vous pouvez par exemple choisir quels genres de pickups sont simulés ainsi que leurs positions exactes sur la guitare.
En tant que pionnier de la modélisation numérique, Line 6 inspire ses concurrents : le V-Amp de Behringer, le VOX Valvetronix et plus récemment la Fender VG strat. Qu’est-ce qui donne l'avantage à Line 6 ?
Probablement le fait que les méthodes numériques pour le traitement du son soient notre élément naturel. Nous sommes aussi obsédés par l’authenticité et la qualité sonore. Une large partie de notre travail va vers l’ajustement précis des caractéristiques de nos sons. Finalement, l’innovation est notre raison d’être.
Ceci étant dit, nous apprécions énormément le fait que d’autres fabricants soient inspirés par nos produits. Après tout, l'imitation est la forme de flatterie la plus sincère.
Line 6 a lancé une guitare électrique puis acoustique, une basse et des pédales à modélisation. Quelle est la prochaine étape ? Est-il possible d'améliorer ces produits ?
Il est toujours possible d’améliorer un produit. C’est en fait l’une des raisons pour laquelle nous avons crée cette compagnie. En ce qui concerne les prochaines étapes : Sorry, no comments !
Quel est le meilleur compliment que vous ayiez reçu sur un produit Line 6 ?
Voir des musiciens utiliser notre équipement sur scène ou le créditer dans leurs productions. Plus que des articles favorables ou même un chiffre d’affaire qui augmente, gagner la confiance des musiciens est le compliment le plus flatteur que nous puissions recevoir. Le reste suit.
S'il fallait trouver une unique raison pour choisir Line6, quelle serait-elle ?
Innovations utiles.
Le site du fabricant Line6 : http://www.line6.com
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