Bonjour Gildas, peux-tu te présenter et nous expliquer comment est née Dolmen Effects ?
Bonjour Jude, et merci de m’avoir proposé cette interview ! Je m’appelle Gildas, j’ai 39 ans, et je vis en Bretagne dans la campagne Rennaise, pas très loin de la forêt de Brocéliande.
Je joue de la guitare mais j’aime également pratiquer d’autres instruments que j’ai à la maison (basse, piano et violon). Malheureusement, j’ai peu de temps pour travailler la pratique de mes instruments. J’ai donc un niveau plutôt modeste, mais cela me suffit pour pouvoir me faire plaisir dans le jeu et aussi bien sûr pour savoir précisément ce que je veux produire comme son avec mes effets.
C’est justement en cherchant une overdrive bien précise pour enrichir mon son à la guitare que j’ai écumé des forums et des vidéos de démos à la recherche de la perle. J’ai rapidement été attiré par le son d’une pédale boutique Japonaise mais elle était hors de prix. Mon parcours universitaire m’a appris à travailler l’électronique analogique, je me suis donc remonté les manches et j’ai voulu faire ma version de cette pédale mais en y ajoutant ce que je voulais y voir en plus dedans (en particulier : plusieurs modes de clipping et un mode high gain). Ma « Jeanne Reizh » était née, en même temps que ma passion pour la fabrication de pédales. Après différents essais très concluants auprès de mes amis guitaristes, et avec plein d’autres projets en tête, je décidais de me déclarer en octobre 2020 auprès de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat pour pouvoir proposer mes effets à tous.
Quel est ton parcours professionnel / technique et ce qui t’a amené à cette activité ?
Je suis venu tardivement dans cette activité mais assez naturellement en fait. Cela prend racine dans mon parcours universitaire. Je suis diplômé d’une école d’ingénieur en Electronique à Nantes où j’ai pu étudier en profondeur l’électronique analogique mais aussi le traitement du signal. J’y ai fait mes premières armes dans l’électronique audio via quelques projets d’étude. L’idée de créer des effets flottait déjà dans ma tête à l’époque, on en parlait avec un pote de promo, guitariste lui aussi, mais pris dans nos études nous n’avions pas concrétisé l’idée.
J’ai souhaité ensuite poursuivre professionnellement dans la recherche en physique appliquée. Comme beaucoup de « thésards », j’ai fait de l’enseignement, en intervenant notamment en mathématiques, en électronique et en traitement du signal dans différentes écoles d’ingénieur à Nantes. Je travaille toujours dans le même domaine scientifique et je continue d’enseigner en physique appliquée en école d’ingénieur.
Et donc, suite aux raisons évoquées plus haut, je suis depuis plus d’un an maintenant, artisan pour réaliser mes pédales Dolmen Effects de A à Z : depuis le proto, la conception de mes circuits, le choix rigoureux de mes composants, la soudure, le câblage/assemblage et aussi tout ce qui tourne autour : la compta, la com’, les relations avec les clients et partenariats… etc.
Quelle est la particularité, la valeur ajoutée de tes fabrications et leur positionnement sur le marché ?
En termes de positionnement sur le marché, je suis clairement un « petit » artisan. Je ne suis pas aussi exposé que les grandes marques connues mais j’apprécie d’avoir la possibilité de créer un échange privilégié avec mes clients et utilisateurs de mes effets. Beaucoup apprécient d’avoir ce contact direct avec l’artisan et cela me plait aussi.
Concernant mes produits, certains effets existants m’inspirent et je les revisite à ma manière, avec pour objectifs de proposer de la qualité, avec des composants dédiés à l’audio, pour un grain et un son optimal. Mais aussis d'apporter de la polyvalence pour que mes effets puissent s’intégrer facilement dans un pedalboard ; quel que soit le matériel utilisé. Et ajoutons à cela un caractère breton bien assumé dans le look, dans la robustesse et même dans le son que je cherche à produire.
Un dernier point qui me tient à cœur : tous mes effets sont « zéro carbone ». Soyons clair, l'électronique ça consomme des ressources et beaucoup de transports. Le seul moyen pour atteindre la neutralité carbone pour notre activité est de compenser les émissions de gaz à effet de serre induites, via le financement de projets à bilan carbone positif. J’évalue donc régulièrement mon empreinte carbone, que je compense ensuite par une participation financière aux projets de la fondation "GoodPlanet".
Il me semble que je suis le seul pour l’instant à suivre cette démarche mais j’ai eu l’occasion d’en discuter avec d’autres fabricants français qui semblaient aussi intéressés par cela.
Quelle a été la première pédale d'effet que tu as possédée ?
La première pédale que j’ai eue c’est une wah-wah, une vieille Cry Baby que j’avais achetée d’occasion dans un magasin de musique quand j’étais étudiant. Je l’ai toujours d’ailleurs, plutôt pour l’aspect sentimental car je joue très peu avec en fait.
Et celle que tu as fabriquée ?
La première que j’ai fabriquée (et après différents prototypes de test) c’était une « Jeanne Reizh », la numéro 1 donc, et que j’ai bien entendu gardée en collector !!
A qui s’adressent tes pédales, musiciens amateurs, confirmés ou pro ?
A tous j’ai envie de dire !
La polyvalence que je propose dans mes pédales, sans pour autant les rendre complexes à utiliser, fait qu’elles s’adressent à tout le monde. De plus, j’ai ajouté, pour certains modèles, des contrôles internes pour les plus « bidouilleurs » (comme les 10 modes de clipping différents sur ma Jeanne Reizh), mais aucune obligation d’ouvrir la pédale : les contrôles externes restent intuitifs et sont tout à fait suffisants pour sculpter le son.
Et puis comme je ne passe pas, pour l’instant, par des distributeurs ou revendeurs, qui ajouteraient nécessairement leur marge dans le prix, je peux me permettre de pratiquer des prix plutôt bas pour des pédales artisanales de qualité.
En cela, mes pédales sont accessibles à tous les musiciens qui ont envie de se faire plaisir avec une pédale française pour agrémenter leur son.
Enfin, plusieurs artistes professionnels m’ont déjà fait confiance.
Quelle est ton actu et/ou tes projets à court et moyen terme ?
Les idées et les projets ne manquent pas, c’est le temps qui me manque pour tout faire.
Actuellement, je suis en train de modifier mes modèles pour les proposer maintenant en version avec les prises jack sur le haut de la pédale (idéal pour ceux qui veulent optimiser la place sur leur pedalboard). Mais je vais continuer de proposer, sur demande spéciale, les modèles avec prises jack en latéral car je sais qu’il n’y a pas un consensus global sur cette question. C’est aussi l’intérêt de proposer des pédales artisanales : pouvoir faire de la personnalisation selon le besoin de chacun.
A moyen terme, j’ai trois effets en cours de conception : une distorsion, un treble booster, et une fuzz plutôt originale à mi-chemin entre une overdrive et une Big Muff. J’espère pouvoir en sortir une des trois pour le début d’année prochaine.
Quels sont les problèmes majeurs que tu as rencontrés ou que tu rencontres encore depuis le lancement de ton activité ?
Réaliser de la communication, comme des vidéos de démos, à un coût raisonnable pour moi n’est pas simple.
Heureusement, des gens m’ont fait confiance et m’ont permis d’avoir plus de visibilité. Je profite d’ailleurs de cette occasion pour remercier en premier lieu Gael et Romain du « Son c’est dans les doigts » qui ont été les premiers à me faire confiance. Merci également à Yannick Robert, à Steven et Quentin de KAPE Music à Quimper pour le partenariat qu’on a mis en place, et aussi à Tristan Klein, Swan Vaude, et Alexandre d’Anasounds/PALF qui ont aussi participé à m’apporter de la visibilité. Et enfin merci à vous pour cette interview qui me donne l’occasion de parler de mon travail.
Mais pour en revenir à la question, clairement, le problème majeur pour moi : c’est le manque de temps !!
Penses-tu que d’une manière générale la presse et les pouvoirs publics (au niveau local ou européen) s'intéressent suffisamment à l'artisanat ?
Oui, je pense que c’est de plus en plus le cas pour la presse. Cela suit la tendance générale aussi : il y a une vraie démarche des musiciens à rechercher des instruments, des effets, des amplis réalisés par des artisans français, et la presse s’y intéresse naturellement de plus en plus.
Côté pouvoirs publics, c’est déjà beaucoup moins le cas. Nous sommes sur un artisanat de niche, donc faiblement concernés par des mesures plus globales. Cela dit, je trouve que la Chambre des Métiers et de l’Artisanat de Bretagne est plutôt active avec des accompagnements et des formations plutôt intéressantes. Et puis le statut d’auto-entrepreneur est un super statut pour un petit artisan comme moi.
Le mot de la fin, ton message à la communauté de Gcom ?
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Je vous dis donc à très bientôt !