Ce n'est pas souvent que les Amériques se déplacent sur le vieux continent, alors quand on nous annonce que Peter Janis, un des fondateurs de Radial Engenering (les pédales Tonebone), est en France, nous sautons sur l'occasion. C'est ainsi qu'à Domont, chez Guitare Village, nous rencontrons le très sympathique Canadien. Il revient pour nous sur le passé et le probable futur de Radial Engeneering. Rencontre avec un homme passionné, avant tout, de guitare !
Par Kevin Cintas.
Commençons par le début : pourrais-tu me raconter la manière dont Radial Engeneering est né ?
Peter Janis : Au départ je travaillais dans un magasin de musique et, par connaissances interposées, j'ai rencontré Denis (ndlr : Denis Rozon co-fondateur de Radial Engineering). À l'époque, j'étais un passionné de musique et d'électronique. Mais je n'avais pas les outils en main pour développer mon propre matériel. Denis, lui, avait toutes les connaissances. C'est donc en additionnant ces énergies qu'on a commencé à travailler sur le matériel guitare.
La première pédale que nous avons conçue était une A/B box permettant de jouer avec trois amplis sur scène en même temps. On a eu quelques problèmes et mésaventures, car on ne savait pas trop ce qu'on faisait. Après ça, on a crée notre première pédale de distortion à lampe. Elle contenait trois ou quatre lampes et devait bien mesurer cinquante centimètres. Mais surtout, elle sonnait très mal ! C'était le début, le concept était là et ne demandait qu'à évoluer.
À l'époque, je jouais avec beaucoup de matériel sur scène, beaucoup de guitares, beaucoup d'amplis, tantôt pour avoir un son clean, tantôt pour des grosses distortions métal. De là, on a pensé un ampli à lampes trois canaux. À l'époque, nous étions les premiers à faire ça, avant même Mesa Boogie (ça devait être en 1978).
On connait relativement bien les Tonebone de Radial Engineering, mais finalement une grande majorité de votre production est axée sur la "logistique" du musicien.
P.J. : On a commencé, au début de notre collaboration avec Denis, à faire des pédales de distortion. C'est un peu notre passion qui nous a fait développer ce genre de pédale. Mais la réalité du marché est tout autre : il y a énormement de pédales de ce type, alors on s'est dit qu'il fallait développer d'autres choses. Pas mal de compagnies ont soit les guitares, soit le système d'amplification. Mais peu travaillent entre les deux maillons de la chaîne.Voilà notre secret c'est ça : gérer le son de la guitare. Nous ne sommes pas Fender, qui fait des guitares, nous ne sommes pas Marshall, qui construit des amplis, nous ne sommes pas Yamaha, qui développe des systèmes de son... Nous, on connecte tout ça !
Lorsque vous créez du nouveau matériel, pensez-vous plus au professionnel ou à l'amateur ?
P.J. : Toujours au professionnel. Cela me fait penser tout de suite au Switchbone (qui permet de gérer deux amplis de guitare en même temps) dont une personne m'a dit l'avoir vu sur le pedal board d' Eric Clapton. Mais nous oublions pas les autres. Si, au départ, nous avons fait des pédales de distortion comme la Plexitube ou la Trimod, on a aussi essayé d'adapter ce matériel, dans la mesure du possible, aux moyens et attentes des musiciens amateurs. Ainsi, aujourd'hui, après deux années de préparation, nous allons sortir deux pédales de distortion à transistor calquées sur la Trimod et la Plexitube. Elles n'ont pas encore de nom, mais la sortie est prévue pour avril.
Peux-tu me parler un peu de la nouvelle PZ Pre ? Ce n'est ni une distortion, ni une A/B box. Un ovni dans la production de Radial Engineering ?
P.J. : Pas exactement. Si tu prend le Bassbone, sorti il y a environ trois ans (utilisé entre autres par Tony Levin ou Nathan East, rien que ça), il fonctionne sur le même principe que le PZ Pre. C'est une sorte de direct box survitaminée. Les gros avantages de cette pédale, c'est qu'elle permet de rentrer deux instruments, et surtout, grâce à deux sorties séparées, de sortir le son en post-équalisation (pour les retours de scène par exemple) et en pré-équalisation (pour la façade notamment). C'est vraiment un produit fait pour la scène et les professionnels.
J'en suis assez fier car c'est James Taylor (www.jamestaylor.net), peut-être un des guitaristes les plus connus au monde qui a fait les premiers essais de la PZ Pre. Maintenant cette pédale fait partie de son set.
C'est une chance pour vous de collaborer avec des musiciens reconnus.
P.J. : Bien sûr ! Entre nous, on est en train de tester le JX44, qui est un système permettant de gérer quatre entrées pour quatre guitares sans fil, quatre sorties pour quatre amplificateurs. Il y a aussi une boucle d'effet intégrée etc. Hé bien le gars qui fait les tests, c'est un certain Carlos Santana [rires].
...Carlos qui ? Les artistes viennent-ils vous voir directement ou c'est vous qui les démarchez pour proposer vos "solutions"?
P.J. : C'est un mix des deux. Le monde de la guitare est assez petit. Les professionnels se connaissent entre eux et parlent beaucoup. Par exemple, Marshall a dit à Motorhead de voir avec nous pour régler les problèmes de gestion de leurs nombreux amplis sur scène. Pour Carlos Santana c'est pendant une tournée avec Aerosmith... Joe Perry utilisait du Radial Engineering un peu partout dans son set... et les musiciens parlent entre eux...
Vu le succès de vos produits auprès des professionnels, est-ce que Radial Engineering, à plus ou moins long terme, se mettrait à concevoir des amplis ?
P.J. : On a fait des amplis, il y a longtemps, mais finalement, des gens comme Marshall, Mesa Boogie ou Randall font de très bons produits. Je ne pense pas que ça soit intéressant. Et puis ce n'est pas vraiment la direction que nous avons prise. J'ai plus envie de faire quelque chose de nouveau, quelque chose qui pourrait exciter vraiment le musicien.
En prenant une guitare standard à six cordes, on la joue d'une certaine façon. Maintenant avec une guitare douze cordes, on ne va pas faire les mêmes choses. C'est l'outil qui te fait travailler différemment.
Une petite démonstration des problématiques auxquelles on est confrontés, pour montrer notre manière de travailler : prenons par exemple le JDX, un boitier de DI qui se place entre la tête d'ampli et la baffle. Son gros avantage par rapport à ses concurrents, c'est qu'en plus de prendre le son directement de la tête d'ampli, il prend la réaction du haut-parleur. De cette manière, le son est bien plus "musical" car il prend en compte le mouvement de la membrane du haut-parleur.
Maintenant envisageons la situation suivante :
D'un côté le JDX envoie directement son signal à la console de façade. De l'autre le micro placé devant l'ampli repique le son de la baffle (qui peut être une baffle différente de celle reprise par le JDX). Quand les deux vont arriver en façade, il va y avoir un décalage de son dû au fait qu'il y a un déplacement d'air entre la baffle et le micro, alors que de son côté, la JDX n'aura aucun retard.
Avant de rentrer dans la console, je place mon Phazer, et là je peux aligner ou alors "déphaser" mon son. On s'amusait au dernier Namm (ndlr : salon internationale de la musique ayant lieu tous les ans aux Etats-Unis) avec ça. On sortait des sons vraiment incroyables ! On créait un environnement musical différent, alors on créait d'une manière différente. Étant donné que je suis musicien, quand on pense à un produit, on ne pense pas uniquement à l'avancée technologique, mais à ce que les musiciens vont pouvoir faire de cette technologie !
En parlant de technologie, que penses-tu des systèmes numériques, type Line6, qui sont désormais une grosse part du marché et sont entrés dans les habitudes des utilisateurs ?
P.J. : J'ai commencé à travailler sur des sytèmes numériques en 1985 : je connais plutôt bien le matériel et les problématiques. C'est vraiment un univers intéressant. Mais il y a un gros problème dans les systèmes numériques et digitaux : il n'y a pas de standard. À cause de ça, on est obligé de revenir tout le temps à l'analogique. Jusqu'à ce que les grands groupes se mettent d'accord sur un standard, on aura toujours ce genre de problème .
D'un point de vue guitare, avec le numérique, je perds une sorte de connexion physique avec le matériel. Je ne dis pas que les systèmes digitaux sont mauvais, mais je pense que ce n'est pas la même chose, ce n'est pas le même feeling. Comme ma sensibilité va plus vers l'analogique, il est normal que nos produits traduisent cette volonté de direction.
Pour terminer, vous avez au catalogue un bon panel de pédales de distortion disponible : la Trimod, la Hot british, la Plexitube et la Classic. Vous avez ainsi couvert pas mal de ce qui avait déjà été fait en terme de distortion. Penses-tu qu'il existe encore quelque chose à créer dans ce domaine ?
P.J. : Oui, sans hésiter. D'ailleurs, si tout se passe bien, d'ici un an, on devrait sortir deux produits assez intéressants.
Ce seront des pédales à lampe ?
P.J. : Ce sera...de la magie !
Démonstration de la pédale de distortion typée Rock
Un grand merci à Guitare Village à Domont pour leur accueil, ainsi qu'à l'équipe d'Arbiter France grâce à laquelle nous avons pu réaliser cette interview.
Site de Radial Engineering :
http://www.radialeng.com/
Site du distributeur Français :
http://www.guitarenet.com/
Site de Guitare Village :
http://www.guitare-village.com