Alina Dunaevskaya : Le groupe est né en 2003, fondé par David Verbecq à la batterie et moi-même, d’une envie commune de faire un rock aux influences pop, des chansons pêchues, mais surtout mélodiques. Nous avons sorti une démo, "Poussières de vie", en 2004, puis notre premier album, "Transparence", en 2007. Il a été réédité en 2009 pour cause de rupture de stock, dans une version digipack avec des bonus audio et vidéo (des live acoustiques TV), et est sorti officiellement en Russie la même année. Ont suivi un single, "The Angel's Tale" en 2010, première compo de Markize, jamais éditée auparavant, puis "Mechanical Hearts", en octobre 2012, single qui a lancé le nouvel album, "A Perfect Lie", aujourd'hui enfin disponible.
Musicalement, le disque semble s'appuyer sur les forces entrevues sur l'album précédent, mais tout est plus contrôlé et subtil. Vous avez une meilleure alchimie aujourd'hui ?
A. D. : "A Perfect Lie" est le successeur de "Transparence" mais il est néanmoins très différent de notre premier album. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il n'a rien à voir, mais l'évolution est assez flagrante. Il est fondamentalement rock, toujours avec des passages de piano et violons classiques, mais les influences electro et pop sont davantage mises en avant, et avec une basse plus présente qui flirte même avec la disco par moment. Une meilleure alchimie entre nous tous, c'est certain, et la tournée européenne y a contribué, mais également une évolution personnelle de chacun de nous suite à notre vécu depuis le premier album, de nouvelles envies, et une meilleure maitrise de celles-ci. Tout cela nous a permis de faire un album qui nous ressemble davantage.
Les influences électro sont davantage mises en avant. Est-ce un moyen de se différencier des nombreux groupes de rock/metal gothiques qui ont eu leur heure de gloire ces dernières années ?
A. D. : Ce n'est pas un moyen calculé de se "différencier" des autres groupes, mais une influence artistique réelle, la mienne en l'occurrence. Je voulais que "A Perfect Lie" soit encore plus à l'image de ce que Markize est, un groupe moderne, qui cherche à se dépasser et à s'ouvrir à d'autres courants artistiques. Il est vrai que dès la démo "Poussières de vie" le groupe a été instantanément soutenu par les amateurs de rock/metal gothique voire symphonique, et nous avons été invités à jouer avec des artistes, français et internationaux, de ce genre. Nous remercions d'ailleurs les fans du style pour leur soutien. Néanmoins, nous ne nous sommes jamais vraiment sentis de cette "branche", peut être de part nos influences personnelles très différentes, et un mélange musical plus pop que metal comparé à la plupart des groupes de ce style. Avec le nouvel album, et au regard de notre nouveau clip "Mechanical Hearts", je pense que cette différence est d'autant plus prononcée et évidente.
Est-ce que les nombreux concerts donnés avant l'enregistrement de A Perfect Lie ont joué sur son orientation et son rendu final ?
A. D. : Ils ont indéniablement orienté quelques changements, même si la base était déjà là. Le très bon accueil des nouveaux titres par le public nous a conforté dans nos compositions, et les arrangements que l'on a pu faire ont été assez minimes. Au delà de ce qu'il y a sur l'album, nous cherchons toujours à faire vivre nos chansons en live. De ce fait, il y a de nouvelles intros par exemple, et des petits arrangements de certaines chansons en concert par rapport à ce que le public écoutera sur l'album. On aime faire constamment évoluer notre musique, donc venez nous voir en concert pour découvrir de nouveaux éléments musicaux inédits (rires).
As-tu des souvenirs particuliers de tournée que tu aimerais partager avec nous ? Certaines photos que vous postez sur votre site ou les réseaux sociaux donnent envie !
A. D. : Merci (rires) ! On a essayé de faire un maximum de photos de ce grand voyage à travers l'Europe pour partager avec nos fans, et garder précieusement tous ces souvenirs. Des anecdotes il y en a tellement... Le plus beau souvenir étant le concert de Moscou, notre fan club aux premiers rangs, brandissant un drapeau russe où il était écrit "Markize on t'aime", et des papillons en papier que nos fans russes secouaient face à nous... Un grand moment d'émotion pour le premier concert dans ma patrie. J'ai souvenir aussi d'un fan ukrainien qui m'a récité un poème en ukrainien alors qu'on rentrait dans notre tourbus après le concert de Kiev... Des souvenirs merveilleux nous en avons de toutes les villes ou nous avons joué, le public a été fabuleux avec nous et si accueillant.
Quant à nos souvenirs "backstage", une petite anecdote amusante me revient... Nous arrivions justement en Ukraine, et sur la route avions regardé "Hostel", film d'horreur très réaliste qui se passe dans les pays de l'Est... J'étais la plus effrayée à l'idée de le voir, mais finalement les garçons arrivent à me convaincre de le visionner... Nous arrivons à Gitomir, pour dormir la veille de notre concert à Kiev, la ville est déserte et sombre. Notre hôtel est un édifice très austère d'apparence, architecture stalinienne. Nous entrons, à l'accueil une seule personne, peu de lumière. Je suis la seule à parler russe. Tout le monde est à l'affut derrière moi, ne comprenant rien de ce qui se dit. On nous donne les clés des chambres, nous montons par l'escalier tout aussi inquiétant. L'hôtel est immense, sombre et avec des couloirs sans fin... On se croyait dans le film justement et la tension était palpable... enfin, celle de certains garçons de l'équipe ! Finalement, on s'est réparti dans nos chambres, et je crois que certains ont eu du mal à dormir cette nuit là, ceux-là même qui faisaient les fiers devant le film l'étaient moins dans cet hôtel ! Le lendemain, tout le monde était content de repartir, mais moi j'avoue que ça m'a bien amusé !
Plusieurs langues cohabitent dans votre album. Est-ce que cela ne nuit pas à la cohérence globale de l'œuvre ? Il est par exemple difficile de faire un album conceptuel comme cela... Ou alors il faut accepter qu'il ne soit pas compris par tous...
A. D. : A mon sens, cela ne nuit en rien à la cohérence de l'album, au contraire, les échos à ce sujet ont toujours été très positifs. Il se trouve que chaque chanson comporte un univers qui sied à une langue en particulier, et je choisis celle- ci très naturellement à chaque fois. Et puis on ne cherche pas à faire un "concept album" mais un album de chansons qui racontent une histoire, un vécu, un sentiment, un rêve, et qui font voyager. A travers notre musique nous essayons de transmettre une émotion, permettre un exutoire pour échapper à une réalité parfois très brutale, et d'offrir une forme d'espoir. Les chansons de "A Perfect Lie", comme elles l'étaient déjà sur "Transparence", sont variées, allant du rock à l'electro, en passant par la pop ballade, car nous voulions qu'il soit à l'image d'une certaine richesse culturelle et d'une ouverture d'esprit, que l'on prône, en s'adressant à tous nos fans sans barrière linguistique ni stylistique.
Le russe est une langue qui sied particulièrement bien à ce style de musique, à mon sens. Comment expliques-tu qu'on n'entende pas davantage de groupes dans cette veine par chez nous ?
A. D. : Il est vrai que les frontières françaises n'ont pas forcément permis aux groupes russes de s'exporter chez nous. La raison, j'avoue que je ne la connais pas... Trop éloigné de notre culture peut être ? Ma particularité est d'être arrivée en France alors que j'étais enfant, et d'avoir grandi en France, dans la culture française donc, mais tout en sauvegardant ma langue et ma culture russe, ce dont je remercie ma maman. Et c'est tout naturellement bien sûr que j'ai incorporé ma langue natale à Markize. Pour la plupart nous sommes un groupe français, puisque la majorité des membres du groupe sont français et le foyer de naissance de Markize est la France, mais j'aime à considérer que de part mes origines très prononcées, dans ma vie et notre art, nous sommes plutôt un groupe franco-russe.
Pour le prochain album, on s'attend à ce que Markize franchisse encore un cap. Que vous manque-t-il ? Une grosse prod' US, un single majeur, une première partie d'un groupe énorme, etc. ?
A. D. : Je crois que tout le monde sait qu'aujourd'hui il ne suffit plus de faire un bon album, de bons singles, avoir une bonne prod'... L'industrie musicale aujourd'hui est telle que la qualité en soi n'a plus aucun sens à voir ce qui vend aujourd'hui. Pour être exposé au grand public, avoir accès à une com' digne de ce nom, aux grosses radios, etc, il faut être "bankable" donc déjà inclus dans le circuit très fermé de cette industrie... ou rentrer dans les rangs d'un style qui marche déjà et en calquer les gimmicks... Markize a choisi de se construire un chemin plus indépendant, hors des étiquettes qu'on nous a collées jusqu'à maintenant. Un "single majeur" c'est, il me semble, tout simplement une chanson soutenue par les médias, car payée par les grosses prod, qui va assaillir nos esprits sur toutes les ondes pendant des semaines pour engendrer un buzz et donc pousser les consommateurs à acheter... Quelque chose d'assez artificiel en somme et pas nécessairement pourvu de qualités artistiques. Un tube n'a donc plus aujourd'hui le même sens qu'il y a vingt ans il me semble.
Apparemment c'est un peu une mode maintenant de s'exporter, de se faire enregistrer ou masteriser à l'étranger, d'en mettre plein la vue avec une prod' US. Cela semble apporter une certaine "plus value", une image de groupe qui cartonne, mais je ne suis pas sure que ce soit réellement dans le but d'une recherche de qualité artistique, et surtout un gage de qualité artistique... Les gens sont souvent aveuglés par de beaux et grands noms sur un album, mais font-il par la suite preuve de lucidité et d'objectivité quant à son contenu ? Pour avoir été en studio là bas, à Los Angeles précisément, je peux dire que la France n'a pas a rougir de ses prod. Bien sur il y a là bas une culture d'un son de grande qualité, et le voyage en lui même est excitant, mais ce n'est pas un manque pour nous de n'avoir pas enregistré "A Perfect Lie" aux USA, le faire chez nous a été un choix. Nous nous sommes entouré de gens compétents et talentueux, notamment Guillaume Mauduit du Studio Sainte-Marthe et Laurent d'Alessio, ingénieur du son et artiste indépendant, qui nous ont aiguillés dans nos choix, et nous sommes vraiment satisfaits du résultat pour cet album.
Peux-tu nous présenter tes albums préférés de l'année 2012 ?
A. D. : The Second Law de Muse. Un album varié comme je les aime, un groupe qui a toujours su évoluer et diversifier ses influences, un bel exemple d'ouverture d'esprit et de richesse artistique. J'adhère totalement. Et Overexposed de Maroon 5. Une pop rafraichissante et très efficace, parfois un poil rock, un chant supra maitrisé, et des mélodies catchy et dansantes qui mettent de bonne humeur... Un super groupe live en plus !
Markize - A Perfect Lie
Edenrecord
www.markize.com