From Blinding Light… to Bloody Heavy est un album concept sorti sous le nom de Loud Cloud. Doit-on le prendre comme un projet totalement à part de tes 3 albums précédents, sortis sous le nom de Lone Kent ?
Kent : Non, ce n’est pas à part, c’est la suite. C’était une volonté de sortir de la bulle Lone Kent. Une façon de varier les plaisirs et de se renouveler. Travailler avec Sébastien était une ouverture vers de nouvelles choses, notamment l’écriture car nous avons co-écrit tous les morceaux. J’ai amené les bases harmoniques et les mélodies et on les a travaillées ensemble. Quelques morceaux ont été fabriqués à partir de rien, d’une improvisation qui donnait une idée intéressante. Les impros naissent en répétitions ou pendant la balance avant un concert. Etant donné que nous ne sommes que deux, l’installation est assez rapide. Alors le premier qui est prêt commence à jouer pour voir comment ça sonne, pour se mettre dedans. Le second va le rejoindre, on part sur des choses… J’ai toujours de quoi enregistrer avec moi.
Aviez-vous commencé à jouer ensemble avant l’enregistrement de l’album ?
Kent : Oui. Contrairement à mes projets précédents où je préparais tout chez moi, et allais ensuite en studio pour travailler, pour Loud Cloud, j’ai décidé de jouer avant d’enregistrer. Nous avons donc cherché la mise en place, la couleur sonore, l’esthétique, l’intention que nous voulions donner au niveau de la sensation. On a peaufiné, concrétisé les morceaux et fait une série de cinq concerts avant d’enregistrer pour voir ce qui marchait ou pas, avoir un peu de recul. Evidemment, nous avons enregistré les concerts, on a fait des séances de commentaires. Quand on est arrivés en studio, on était prêts. Nous n’avions pas d’impératif de temps, ça nous a pris environ 6 mois pour avoir notre répertoire et avant notre premier concert. C’est agréable de prendre le temps. Certains morceaux sont nés avant qu’on les joue.
C’est joli ça ! C’est ce qu’on appelle l’inspiration ? C’est toujours mystérieux…
Kent : Peut-être ! Ça dépend de l’état d’esprit dans lequel on se trouve, du moment de la journée… C’est assez mystérieux effectivement.
Où et dans quelles conditions a été enregistré l’album ?
Kent : Il a été enregistré au studio Elisa qui appartient au label Noa Music, à Forges-les-Eaux. Etant en pleine campagne de Normandie, il n’y a pas grand chose d’autres à faire que de s’enfermer ! On est un peu en dehors du temps. L’ingénieur s’appelle Eric Barr. Nous avons travaillé ensemble sur différents projets, pour mon dernier album Oysters, pour Audrey Lavergne, Francis Lalanne. A son sujet, beaucoup de gens pensent qu’il ne faut pas que je dise que j’ai travaillé avec lui. Mais je revendique tout ce que j’ai fait. Les projets sont très variés, mais ce ne sont que des rencontres et de la musique après tout. Je n’ai pas d’a priori. L’important, c’est de ne pas s’ennuyer, de ne pas s’enliser dans un mode de fonctionnement, dans une esthétique et de toujours évoluer, quitte parfois à surprendre ou à perdre les gens qui ne suivent pas, qui ne comprennent pas. C’est comme les saisons, ça change tout le temps, chaque jour est différent, il faut que ce soit la même chose pour la vie et la musique.
Au son de ta musique, tu prends probablement un soin particulier dans le choix de ton matériel, notamment les guitares. Quelles sont-elles ?
Kent : J’ai un mur de guitares électriques et un mur de guitares acoustiques, j’en ai 10 au total, ce qui n’est pas énorme par rapport à d’autres personnes. J’ai des classiques comme une Strato, une Telecaster, une PRS Paul Reed Smith, dont on reconnaît le son tout de suite. Pour les moins classiques, j’ai une Duesenberg, le modèle Carl Carton, c’est une super guitare qui a une personnalité. Je cherchais quelque chose de différent, une guitare qui soit moderne, mais qui ait un côté vintage, une guitare new retro ! J’ai cherché longtemps une demi-caisse. Les guitares pleines comme les Strato par exemple, c’est bien, mais elles sont un peu plates, elles manquent de velouté. Alors je suis tombé sur Reverend, j’en ai deux. Elles ont un corps à moitié creux. L’une a un diapason Fender, c’est une sensation un peu plus dure au touché, mais très dynamique. L’autre a un diapason plus Gibson, donc plus moelleux, plus chaud, plus medium. Les finitions sont parfaites. Pour les micros, je ne voulais pas de double bobinages qui ont trop de velouté, mais les simples bobinages manquent un peu de rondeur ! Alors j’ai trouvé les P90, je suis fan de la marque Kinman, ils ne ronflent pas. Le mélange des guitares Reverend avec les P90 de chez Kinman, ça le fait grave ! A deux, il faut qu’on remplisse le spectre sonore autant que possible, ces guitares ont beaucoup de grave, les aigus sont présents sans être agressifs, ça ne claque pas.
Et parmi les effets ?
Kent : Je joue en stéréo sur deux amplis Tech 21 Trademark 60 qui sont des amplis à transistor. J’ai longtemps cherché là aussi, dans des vieux modèles des années 60 et des marques contemporaines, mais je suis revenu à mes Tech 21 qui marchent très bien. Ils sont réglés pour un son très clair, ils ne saturent pas du tout, le reste se fait avec les pédales. J’ai changé les haut-parleurs, j’ai installé des Celestion Classic Lead qui encaissent assez bien. Ce sont des haut-parleurs de 80 Watts, l’ampli envoie 60 Watts quand on le pousse, donc ils vont travailler un peu par rapport à un haut-parleur de 150 Watts. Je cherchais un son qui ne soit pas agressif, le son doit être rond, chaud tout en restant présent. Ce mélange de Reverend, P90 et Tech 21, ça marche plutôt bien !
Malgré cette formule duo qui, a priori, pourrait sembler « légère », en effet, l’espace sonore est totalement investi. Ça vient probablement aussi de tout ce que tu viens d’expliquer dans le choix des sons, mais pas seulement.
Kent : Je peux réagir là-dessus si tu veux. Un journaliste a trouvé cette étiquette que je me suis appropriée, il a appelé ça du trip-rock. Trip pour le voyage, prendre le temps, et rock parce qu’on n’a pas peur d’envoyer du gros son. Et le titre de l’album, From Blinding Light c’est la légèreté aveuglante, tandis que to Bloody Heavy serait, pardon pour le terme, « putain » de lourdeur. On jongle avec ces deux paramètres. Ce n’est pas du Ying Yang, mais on est dans cette famille de pensées, il y a toujours un côté noir et un côté blanc. Donc on s’est dit qu’il ne fallait pas avoir peur du silence, quand il y a un blanc, ça fait partie du son. Le son est intéressant quand il est présent, mais quand il n’est pas présent, il nous permet d’anticiper le prochain son. Et puis ça repose les oreilles aussi, ça laisse respirer. L’avantage de cette formule en duo, c’est qu’il peut y avoir des blancs, on les assume, on va même jouer avec ces moments de sérénité. Ça nous permet de rebondir sur les gros riffs et d’envoyer la purée !
Qu’est-ce qu’un duo a de particulier sur scène ?
Kent : Quand un des musiciens n’est pas en forme, c’est quand même la moitié du groupe qui n’est pas en forme ! Ça demande une concentration au-delà des normes, contrairement à un groupe où l’un des membres peut être moins présent, ça arrive. Quand on est en duo, on ne peut pas se le permettre. C’est Seb qui me l’a fait remarquer. A la sortie de nos premiers concerts, il m’a dit « c’est fatigant de jouer cette musique parce qu’il faut se concentrer tout le temps ! » Il avait raison. Il faut capter l’attention du public et être omniprésent. C’est aussi ce qui nous intéresse.
Là aussi, quelque chose d’intense. Qu’est-ce que la scène représente pour toi par rapport au studio ?
Kent : Ce sont deux choses assez différentes. Jusque-là, j’aurais même dit très différentes, mais avec Loud Cloud, étant donné qu’on a enregistré en live, on a réussi à faire le pont entre la scène et le studio. Mais dans mes projets personnels et quand je travaille avec d’autres personnes, quand je suis en mode studio, il y a d’autres choses qui se passent. Je ne pense par forcément à l’énergie, il n’y a pas ce contact direct avec le public. Quand on est en studio, on est dans la musique, la création, qu’est-ce qui pourrait être intéressant comme son, où vais-je placer ça, quelle note, quelle phrase, quel accord ? Mais quand on est sur scène, tous ces paramètres sont déjà acquis. Notre concentration n’est que pour le public, on envoie un message, une sensation. J’aime l’un comme l’autre, même si j’ai une petite préférence pour le studio, parce que je suis quelqu’un qui aime peaufiner, travailler dans les détails. La scène en revanche, nous apporte le retour du public, et l’avantage avec ce duo, c’est qu’on fait beaucoup moins de bruit qu’un groupe de rock habituel. On ressent beaucoup plus ce qui se passe dans le public, on capte mieux les réactions.
Veux-tu ajouter quelque chose, pour encourager la sortie de ton album par exemple ?
Kent : Facebook étant dans l’air du temps, j’encourage les fidèles lecteurs de Guitariste.com à venir sur notre page, à s’inscrire, à aimer, à devenir ami, à venir partager. Nous avons un côté un peu décalé et humoristique, on ne se prend pas au sérieux. Je les encourage à acheter l’album bien sûr ! Il est disponible sur toutes les plateformes numériques. Et lorsqu’ils viennent en concert, qu’ils n’hésitent pas à venir nous parler, à nous raconter des choses. Sébastien et moi aimons ce contact direct avec les gens qui nous permet d’échanger.
Nous ne pouvons que vous y encourager aussi. Le petit accent américain de Kent ne rend l’échange que plus sympathique encore… C’est dit !
Prochaines dates :
Mardi 19 juin 2012 à 20 h au Connexion Café à Toulouse (31),
Dimanche 24 juin 2012, Festival Solidays, Scène César Circus, Hippodrome de Longchamp (75),
Mercredi 18 juillet 2012 à 20 h en première partie de Sting, Festival Les Voix du Gaou sur l’Ile de Gaou, Six-Fours (83).
Venez, ça se passe par ici :
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http://www.myspace.com/loudcloudlk
http://www.noamusic.fr
Pas de vidéo cette fois, mais du son !