Dark Adrenaline est un disque un peu plus sombre que Shallow Life. Y a-t-il une raison particulière ?
Cristina Scabbia : Merci de le remarquer. C’est parfois difficile d’expliquer la naissance d’un album où d’une chanson. Quand on écrit un livre, on sait où on va. Quand on fait un disque on ne découvre véritablement le résultat final que lorsque le disque est terminé ! La musique n’est qu’une retranscription en notes et en paroles de ses propres sentiments. C’est spontané et abstrait. Depuis Shallow Life, plusieurs membres du groupe ont vécu des moments délicats. Cela explique pourquoi l’album est plus sombre. Néanmoins, il est loin d’être négatif. C’était plutôt une sorte de thérapie pour nous.
Elle a marché ?!
C. S. : Oui, complètement.
Comment est-ce qu’une reprise de R.E.M. (Losing My Religion) se retrouve mêlée à tout cela ? La musique est super gaie même si les paroles ne sont pas des plus joyeuses…
C. S. : Je n’aime pas l’originale en fait. Je la trouve un peu niaise. L’atmosphère « happy » ne me plaît pas. Mais les paroles, en revanche, me parlent. Nous avions parlé de Losing My Religion à l’époque de la reprise de Enjoy The Silence. Pour Dark Adrenaline nous avons revu complètement l’arrangement de la chanson et cela fonctionne mieux ainsi. On dirait un titre de Lacuna Coil avec des paroles de Lacuna Coil (rires).
C’est vrai que la reprise de Enjoy The Silence était très proche de l’originale… Beaucoup se demandaient ce qu’elle faisait sur un de vos albums à ce compte-là…
C. S. : La structure avait été légèrement modifiée. Les paroles et l’atmosphère sont restées intactes. La reprise de R.E.M. était plus intéressante car le titre n’a rien à voir avec le genre de musique que nous jouons d’habitude. Depeche Mode fait partie de nos influences. R.E.M. non.
J’imagine que la chanson était déjà en boite au moment où vous avez appris que le groupe arrêtait ?
C. S. : Oui ! Ce fut une grosse surprise. Tout le monde va croire à un hommage de notre part mais rien n’était planifié. Nous avons enregistré le titre en février 2010 je crois… Leur split semble bizarre car ils ont déclaré être tristes de devoir le faire et qu’ils vont regretter de ne plus pouvoir jouer tous les trois (rires). A leur place, je ne pense pas que j’aurais splitté le groupe !
Est-ce que Dark Adrenaline est une bonne expression pour décrire le « son Lacuna Coil », pas uniquement sur cet album mais dans votre discographie en général ?
C. S. : Oui, en tout cas sur ce disque. Nous nommons toujours l’album à la fin de l’enregistrement. C’est très important pour nous d’avoir un titre qui fait du sens. Ce n’est pas un concept album mais pourtant il est clair que toutes les chansons sont à la fois énergiques et sombres, en tout cas plus que sur nos précédents albums. Même si c’est presque un cliché, le premier mot qui nous est venu est « dark ». « Adrenaline » représente la décharge de notre musique, son impact, son rush. Nous avons ensuite imaginé une sorte de liquide noir que nous pourrions nous injecter et qui serait vendu dans des petites bouteilles.
Vous n’avez pas voulu faire de concept album. Le processus était-il trop lourd ?
C. S. : Non. C’est juste que pour l’instant nous ne ressentons pas le besoin de parler d’autre chose que de nos propres expériences dans la vie. Nous faisons tellement de choses, nous vivons à cent à l’heure une vie décousue que nous n’avons pas besoin de parler d’un livre ou d’un artiste ou que sais-je. Nous sommes encore très créatifs car nous sommes à l’écoute de tout ce qui peut nous arriver.
Etes-vous un groupe « positif » ? A t’écouter et en voyant certaines chansons par le passé, on peut en douter (rires)…
C. S. : Fondamentalement, oui, nous le sommes. Dark Adrenaline est né de sentiments sombres, c’est clair, mais par ailleurs nous avons toujours été plein d’ironie. Nous essayé avec le précédent album de faire des clips marrants, des séances photos décalées et même une chanson haut perchée dans second degré avec I Like It mais la plupart des gens n’ont pas compris la démarche. Il faut toujours être extrêmement clair dans ses propos. Par ailleurs ce qui est sombre n’est pas forcément maléfique, satanique, etc. La nuit fait partie du jour ! La nature nous répète sans cesse que les ténèbres font partie de notre vie ; il faut écouter cela. Nous avons tous des hauts et des bas dans la vie. Nous en avons pris conscience et maintenant nous savons qu’il faut juste accepter ces bas et mieux repartir. Quand on ressort d’une mauvaise phase on se sent encore mieux car on sait ce qu’on a évité et d’où on revient.
Comment gères-tu ces moments où tu te sens moins bien ? Pour un artiste comme toi est-ce qu’ils coïncident avec des moments de créativité ou au contraire de disette ?
C. S. : J’attends qu’ils passent, généralement. Nous avons tous notre façon de faire, de gérer. Parfois, ce sont les choses en apparence les plus insignifiantes qui nous déstabilisent le plus. Il faut toujours se souvenir que même les choses les plus dures qui vous minent totalement ont une fin et qu’on finit par se relever. Avec une attitude positive, tout devient plus simple. Quand je ne me sens pas très bien dans ma tête, je parle beaucoup à mes amis. Je ne suis pas du genre à me renfermer chez moi et à broyer du noir. Je parle des heures et pourtant je ne suis pas une bavarde au téléphone en général. Plus je parle, mieux je me sens dans ces moments-là. Il m’arrive de composer de la musique aussi. Je trouve que la meilleure période pour les artistes arrive quand ils se trouvent non pas déprimés mais avec le vague à l’âme. Dans ces moments-là, l’introspection est possible et peut donner lieu à un vrai message authentique.
Lacuna Coil – Dark Adrenaline
Century Media
www.lacunacoil.it