"Rise & Shine" (2017) est bien différent de son prédécesseur "Let Love Show The Way" (2016) qui était dans une veine blues-rock là où ce nouvel album part dans beaucoup plus de directions différentes avec des influences funk, soul et R'n'B omniprésentes ainsi que pas mal de jams psychédéliques. On sentait déjà sur la tournée de "Let Love Show The Way" que votre trio prenait une tout autre dimension sur scène en magnifiant les compos et cela s'en ressent sur ce nouvel effort beaucoup plus vivant. Est-ce que vos prestations scéniques ont influencé tout particulièrement cet album ?
JD Simo : Merci beaucoup ! Je suis complètement d'accord avec toi. Nous avons terminé notre tournée en janvier 2017 et nous étions partis sur les routes pendant 300 jours en 2016. C'était un rythme dingue et effréné et je dirais qu'à un moment donné en 2016 nous étions totalement cramés car nous n'avions pas l'habitude de cette cadence. Très peu tiennent le genre de planning qui a été le nôtre en 2016 et nous ne le referons sans doute plus jamais. Assez vite nous avons commencé à être frustrés par certaines choses et nous avons ressenti certains besoins artistiques à accomplir. Nous sommes juste des mecs du midwest et du sud des Etats-Unis et tous ces différents voyages nous ont fait goûter tout un tas de nourritures nouvelles. Nous avons fait de belles rencontres, nous avons découvert beaucoup de nouvelles cultures et arts. Nous avons lu des nouveaux livres et vu des nouveaux films. Lorsque tu pars si longtemps en tournée, tu as tellement de temps pour écouter de la musique au point de te lasser de certaines choses et d'avoir envie de nouveauté. C'est ce qu'il nous est arrivé. Il y a soudainement tout plein d'influences différentes que nous n'avions pas encore abordées qui se sont fondues dans notre son. Il faut ajouter à cela le fait que nous avons tous les trois rencontré des problèmes personnels assez sérieux. J'avais personnellement beaucoup de choses à régler dans ma vie et cela a rendu l'écriture de "Rise & Shine" assez facile car j'avais besoin d'un moyen d'expression pour m'aider à régler mes problèmes en parlant de choses personnelles. Cela me permettait de rester positif. Musicalement, nous avions également besoin de nous pousser les uns les autres et voir de quoi nous étions vraiment capables. L'album est né de tout cela et je suis content que cela se voie et que tu le remarques car nous avons clairement l'impression d'être une formation très différente par rapport à avant et nous nous sentons beaucoup mieux aujourd'hui quant à notre manière de sonner.
Ma ES-335 est la guitare sur laquelle je me sens le mieux, celle sur laquelle je suis le plus à l'aise. C'est toujours ma guitare principale et j'ai mon modèle signature qui en est une réplique réalisée par le Custom Shop de Gibson, en guise de backup. Mais j'ai effectivement joué sur d'autres choses comme pour "I Want Love" sur lequel j'ai utilisé une vieille Stratocaster des années 50 qui était plus appropriée pour me donner le joli son clair que je voulais obtenir. Dans ce contexte, une vieille strat sonne tout simplement mieux pour moi. J'ai également joué sur une vieille Telecaster pour une autre chanson, mais globalement c'est tout de même ma bonne vieille ES-335 qui s'est taillé la part du lion! C'est la guitare la plus confortable à jouer pour moi.
Nous avons passé un temps fou à définir le son que nous voulions pour chaque chanson. Une fois que nous avions trouvé la configuration qui nous plaisait, cela prenait plus ou moins de temps pour obtenir des prises satisfaisantes. Parfois il nous fallait plus d'une journée pour être satisfaits par notre performance sur telle ou telle chanson. Une fois que l'on était contents du résultat, après avoir fini par mon chant et les overdubs, nous démontions tout le studio et nous recommencions à zéro pour la chanson suivante.
Vas-tu amener les Fender en tournée ?
Oui je prends désormais la Stratocaster et la Telecaster en tournée ainsi qu'une guitare acoustique de Waterloo By Collins que j'utilise pour jouer "The Light". J'ai donc plus de guitares qu'avant en tournée et je me sers des nouvelles sur des chansons bien précises.
As-tu utilisé des guitares légendaires comme sur le premier album où tu avais notamment joué sur la Les Paul Gold Top 1957 de Duane Allman par exemple ?
Non pas vraiment ce coup ci. J'ai surtout expérimenté avec les effets sur "Rise & Shine". Nous avons passé deux mois sur le mixage mais il faut dire que chaque chanson a tellement de détails ! Il y a tant de changements dans la voix, la guitare, la basse, la batterie. Nous avons passé beaucoup de temps à travailler sur tous ces détails et à éditer certaines choses pour que sur le mix final nous ayons le sentiment que les chansons sont débarrassées de moments dispensables. Je n'ai pas utilisé beaucoup d'amplis, il y avait mon Epiphone Futura et mon Fender Super Reverb ainsi qu'un vieux Supro et un Fender Tweed Harvard des années 50 que j'ai beaucoup utilisé pour les sons clairs. Je me suis vraiment creusé la tête pour obtenir de très beaux sons clairs et je n'avais pas conscience avant à quel point c'était difficile. Lorsque tu écoutes un disque comme "Voodoo" (2000) de D'Angelo, des vieux albums de Curtis Mayfield ou bien encore "Chicken Skin Music" (1976) de Ry Cooder, les sons clairs sont juste fabuleux ! J'ai commencé à être fasciné et obsédé par le fait d'essayer d'enregistrer d'aussi beaux sons clairs, c'était vraiment plus compliqué que ce que je pensais mais ce petit Fender Harvard m'a considérablement aidé dans la tâche. C'est juste un petit combo de 10W avec un seul haut-parleur et lorsque tu lui colles un bon gros micro à ruban à l'ancienne tu obtiens un son vraiment magnifique que j'ai utilisé à pas mal d'endroits dans des variantes différentes tout au long de l'album. J'ai également joué pas mal de clavier cette fois.
Il y a effectivement pas mal d'effets dans cet album. Tu vas devoir emmener plus de choses de ce côté-là aussi en tournée désormais n'est-ce pas ?
Effectivement ! Auparavant avec mon Super Reverb et une pédale wah-wah, j'avais déjà tout ce dont j'avais vraiment besoin. C'était ma colonne vertébrale. Niveau wah, j'utilise en ce moment une veille fuzz-wah japonaise dont je ne connais même pas le nom, mais j'adore le son qu'elle produit, elle ne sonne comme rien d'autre, elle a un son vraiment sale ! J'utilise également une pédale de basse synthé que mon bassiste avait. Un jour je l'ai essayée à la guitare pour la chanson "Return" qui ouvre "Rise & Shine" et j'ai adoré ! Le rendu semble un peu bizarre et pour cause, il s'agit d'un effet conçu pour la basse et non la guitare ! J'imagine qu'il y a certaines fréquences de la guitare qui passent au travers, mais j'aime bien ce côté un peu aléatoire qui donne l'impression que parfois l'effet fonctionne bien et parfois non. J'ai utilisé également plus de delay. J'ai un vieux DD-2 de Boss datant des années 80. Je trouve que cette pédale sonne vraiment bien. J'ai utilisé tout un tas de delay différents à l'époque où j'étais musicien de session, mais j'ai toujours trouvé que le DD-2 tirait son épingle du jeu car ses répétitions sont très bonnes, comme sur les delay analogiques. Cette pédale coûte dans les 100 dollars en occasion et franchement elle fait super bien le boulot. Plein de guitaristes dépensent des fortunes dans des delay remplis de fonctions différentes, pour ma part je préfère utiliser une pédale qui sache faire un seul son qui soit vraiment musical avec un feeling analogique. Cette pédale est géniale pour ça !
Avant tout nous avons déjà utilisé beaucoup de micros différents. Nous avions une multitude de micros avec des modèles que personne ne souhaiterait utiliser. J'ai par exemple eu recours à des micros analogiques censés ne pas être adaptés pour la voix. Lorsque tu entends un overdrive sur le chant, cet effet a été obtenu car nous avons surchargé le signal du micro en entrée et il ne s'agit pas d'un effet ajouté à la fin en post-prod de manière numérique. Nous avons fait pas mal de choses non conventionnelles sur cet album. Sur le titre "Return" par exemple, je savais précisément le rendu que je voulais obtenir dans ma tête et nous n'y parvenions pas malgré beaucoup de configurations différentes essayées. A un moment donné, j'ai tenté de chanter dans le micro talkback de la console et j'ai adoré le son. J'ai dit à l'ingé son de faire en sorte que je puisse utiliser le micro talkback sur mon chant pour "Return" car c'était exactement le son que je souhaitais ! J'ai donc enregistré la voix de "Return" en chantant de manière douce dans le micro talkback de la console.
Tu portes vraiment beaucoup d'attention aux micros et aux différentes méthodes de captation et tu obtiens des choses déjà très différentes grâce à cela. Je sais qu'en live tu aimes placer le micro qui repique ton ampli en plein milieu des quatre haut-parleurs sans pointer sur l'un d'entre eux et il faut bien avouer qu'aujourd'hui la plupart des musiciens essaient assez peu de méthodes de captation différentes.
Oui j'y suis très attaché et je ne veux absolument pas diminuer l'importance du travail que nous avons accompli lors de la phase de mixage, qui a été une phase longue où nous sommes vraiment rentrés dans les moindres détails. Mais si tu passes du temps et que tu tiens à essayer toutes ces différentes choses pendant la phase d'enregistrement, cela donne à l'ensemble des fondations beaucoup plus solides. Tu peux très bien ensuite avoir recours à des technologies numériques pour améliorer certains points, mais il est primordial pour moi que l'enregistrement de base soit déjà très qualitatif. Bien que je sois archi fan de l'analogique, j'utilise également quelques plugins numériques ceci dit. Nous avons utilisé sur tous les instruments les plugins de Soundtoys que sont le Decapitator et le Tremolator. Ils sont vraiment musicaux et nous nous en sommes servis parfois sur le chant, la batterie ou la guitare. Je les considère comme une partie intégrante de mon équipement sur cet album.
Tout simplement car le fait de développer cette technique de Chicken Picking m'a permis de trouver un boulot, pile au moment où je n'avais plus aucune ressource et qu'il allait être temps pour moi de quitter Nashville. Le fait d'avoir pu jouer de la Country avec Don Kelley a payé mes factures pendant pas mal d'années et pour jouer avec lui, il fallait que je maitrise le Chicken Picking mais je n'avais pas le temps d'apprendre la méthode conventionnelle en utilisant le majeur. J'ai donc dû m'adapter en utilisant mon bagage existant. Il y a d'ailleurs une corrélation amusante pour moi entre Country et R'n'B. Dans le sud des Etats-Unis, tout le monde a été exposé d'une manière ou d'une autre à la musique Country. Lorsque tu entends un guitariste de Funk ou de R'n'B, tu ne penses pas au fait qu'il puisse avoir ce genre de background et pourtant lorsque tu prends le Chicken Picking, que tu le sors de son contexte et que tu le compares avec une partie de guitare funk, c'est en réalité très similaire car les deux techniques reposent sur leur côté percussif. Je fais du Chicken Picking sur le solo de "Meditation" sur "Rise & Shine" par exemple. Je fais des allers et retours au mediator entre les cordes que j'étouffe avec ma paume. Le Chicken Picking est quelque chose de funky pour moi. Il en existe simplement une version blanche et une version noire !