Geezer Butler : Nous faisons les choses une par une sans trop planifier, en fait. Lorsque notre maison de disques a voulu sortir la compilation sur les « Dio Years », elle nous a demandé des morceaux inédits ou alternatifs. Mais nous n’avions rien (rires). Néanmoins Tony et Ronnie s’étaient parlé au moment d’un concert de Dio – le groupe – à Birmingham. Tony a alors suggéré de faire quelques nouveaux morceaux. Ils ont écrit deux chansons ensemble et une troisième qui sont allées sur la compilation. Je les ai rejoints pour enregistrer et nous nous sommes si bien amusés que nous avons voulu partir en tournée. Nous avons reçus énormément de demandes de la part des tourneurs et ce qui ne devait durer qu’un mois au départ s’est étalé sur neuf mois et…
(L’interrompant) vous avez eu un bébé !
Geezer Butler : (rires) Exactement ! Et il s’appelle The Devil You Know (rires). A la fin de la tournée, nous nous sommes demandé si nous devions continuer à jouer ensemble ou non. Le feeling était bon donc nous sommes rentrés en phase d’écriture et l’album déboule maintenant… Tout cela s’est fait dans la tranquillité et la douceur.
Lorsque tu joues avec Tony dans cette version de Black Sabbath, j’ai l’impression que vous explorez les tonalités les plus extrêmes et épiques du groupe…
Geezer Butler : (il réfléchit) Nous ne nous penchons pas vraiment là-dessus. Nous jouons simplement ce que nous savons si bien faire. Nous n’essayons pas de faire des trucs totalement différents de ce que nous avons déjà pu proposer ou de jouer des chansons pour être à la mode. Nous savons de quoi nous sommes capables et nous restons dans notre terrain de jeu. La clé est que nous nous faisons tous mutuellement ressortir nos qualités. Tony est un guitariste de très haut niveau et je n’ai pas d’autres choix que d’essayer de m’approcher de ce qu’il sait faire.
Vous jouez ensemble depuis quarante ans. Y a-t-il eu une forme de compétition entre vous deux, parfois ?
Geezer Butler : Ce n’est pas vraiment une compétition car nous ne cherchons pas à « coincer » l’autre. Je dois simplement m’élever à son niveau. Il est merveilleux et trouve toujours des riffs surréalistes bien imprégnés de la « touche Iommi ». Personne d’autre n’arrive à jouer comme lui et de ce fait je suis toujours intéressé d’entendre ce qu’il va trouver.
Tu as également un son très reconnaissable…
Geezer Butler : Oui, je pense que nous avons tous notre patte dans le groupe. C’est une bonne chose.
Etant donnée l’importance de la section rythmique dans un groupe comme le vôtre, est-ce que tu trouves que ton style de jeu diffère selon que Bill Ward ou Vinnie Appice soient derrière les fûts ?
Geezer Butler : J’arrive à m’adapter à tout. Vinnie a un style bien à lui donc s’il trouve un rythme « à la Vinnie » je n’aurais aucun mal à le suivre. Bill joue avec plus de swing. Il y a quelque chose de jazz – de vieux jazz – dans sa manière de battre le rythme. Vinnie est bien plus direct et laisse plus de place pour que je m’exprime à la basse. En tout cas j’adore jouer avec chacun d’entre eux, je n’ai aucune préférence.
Est-ce qu’ils font chacun ressortir de la même manière le meilleur de ton style ?
Geezer Butler : Absolument. Crois-moi, j’ai joué avec un paquet d’autres batteurs mais jamais je ne retrouve ce feeling incomparable. Sans feeling, je me rends compte qu’il m’est extrêmement difficile de jouer convenablement.On te connaît évidemment comme bassiste mais il faut aussi se souvenir que tu es le parolier initial du groupe. Comment t’es-tu retrouvé avec ce job (rires) ?
Geezer Butler : J’étais tout simplement le seul mec du groupe qui écrivait des paroles ! Ozzy a écrit quelques textes, comme pour la chanson « Black Sabbath », mais rapidement il ne trouvait plus de nouvelles idées (rires). Sans compter que ses paroles étaient complètement pourries (rires) ! Elles n’allaient pas du tout avec la musique et ne reflétait pas son état d’esprit. Il chantait des trucs d’amour et toutes les conneries que les groupes de l’époque mettaient en avant. Ça n’allait pas avec notre musique ultra heavy ! Donc je m’y suis collé... Ozzy a aimé les textes que je proposais donc nous avons continué à fonctionner comme cela. C’est devenu naturel.
Dans beaucoup d’interviews tu parles encore de ton idole Jack Bruce. N’est-ce pas ironique d’avoir toi-même cette idole et d’inspirer à ton tour des milliers de groupes à travers le monde ?
Geezer Butler : C’est pour cela que je comprendrais toujours lorsque quelqu’un nous cite en influence. Je sais d’où ce sentiment vient. Quand les Beatles sont arrivés, mon monde a complètement basculé ! Jusque-là il n’y avait que des types comme Elvis que mes frangins appréciaient mais qui ne me plaisaient pas plus que cela. Les Beatles m’ont pris à la gorge car j’aimais tout chez eux. En plus, ils assumaient totalement leurs accents de Liverpool contrairement à tous les autres groupes à ce moment là qui tentaient de sonner comme des Américains ou des petits bourges anglais. Les Beatles, eux, ils chantaient comme moi (rires). Jack Bruce ensuite m’a effectivement beaucoup plu car son jeu dynamique de basse n’avait tout simplement pas d’équivalent. Avant de le voir jouer je n’avais jamais pensé me mettre à la basse…
Car à l’époque tu jouais de la guitare rythmique, c’est bien cela ?
Geezer Butler : Oui. Et je suis allé voir Cream et j’ai découvert des possibilités insoupçonnables à la basse. Dès lors j’ai changé d’instrument et le reste est connu (rires) !
As-tu pu rencontrer Jack Bruce après avoir été reconnu au travers de Black Sabbath ?
Geezer Butler : Non. J’ai rencontré beaucoup de mes « héros » – principalement dans le monde du foot anglais – et franchement ils ne sont jamais aussi bien que je les imaginais. Jack Bruce a joué sur l’album de Bill Ward et j’aurais pu le rencontrer à ce moment là mais je ne l’ai pas fait car je voulais préserver l’image que j’avais de lui…
Heaven & Hell – The Devil You Know
Roadrunner
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