Bonjour Jake. Peux-tu présenter Greta Van Fleet à nos lecteurs qui ne vous connaîtraient pas encore ?
Jake Kiszka : Greta Van Fleet est une formation composée de trois frères : Josh au chant, Sam à la basse et moi même à la guitare et notre pote d'enfance Danny Wagner à la batterie. Nous venons d'une toute petite ville de 4000 habitants dans le Michigan qui s'appelle Frankenmuth. Nous vivons à la campagne, un environnement où il n'y a pas grand chose d'autre à faire que de rester à la maison ou aller chez des potes et nous avons donc été influencés par la musique et les films que nous écoutions et regardions à la maison. J'ai commencé à jouer à la base avec un pote de lycée qui était batteur de jazz et qui est resté avec nous pendant un an et demi pendant que Josh se mettait au chant et Sam à la basse. Danny est ensuite devenu notre batteur et c'est à ce moment là que nous avons réalisé que nous tenions la version définitive de notre groupe.
Ton style à la guitare évoque la gloire du blues et du classic rock ce qui est toujours surprenant chez quelqu'un de ton âge, toi qui est né à la fin des années 90. Peux-tu me parler de ton apprentissage de la guitare ?
Il y avait beaucoup de disques vinyles à la maison. C'était comme des jouets pour moi quand j'étais petit. Je les sortais de leur pochette et je les mettais sur la platine sans même savoir de quoi il s'agissait. En grandissant j'ai commencé à jouer sur ces albums que je choisissais plus consciemment désormais et j'ai commencé la guitare très tôt. J'avais des petits instruments pour enfant. Mon père jouait de la guitare et il en jouait pour nous, même à l'heure du coucher. En cela je dois dire qu'il a été sans aucun doute ma toute première influence. Je voulais être comme lui et être capable de jouer de la guitare. Lorsque j'écoutais des albums et que je repérais des parties de guitare qui me plaisaient, j'avais envie d'être capable de les exécuter. J'écoutais des disques de Robert Johnson, Elmore James, Muddy Waters et Howlin' Wolf. J'ai donc commencé très tôt à jouer du blues sur une guitare acoustique.
Vos chansons "Highway Tune" et "Safari Song" sont de véritables hits qui vous ont permis rapidement d'attirer le public vers Greta Van Fleet et c'est finalement assez rare de nos jours. J'imagine que vous ne vous doutiez pas une seconde que ces deux chansons puissent vous permettre de rencontrer un tel succès n'est-ce-pas ?
Absolument pas effectivement. C'est un heureux accident. Je pense de toute manière que lorsque tu veux composer de la musique avec un but particulier, comme celui de passer à la radio par exemple, cela ne fonctionne pas. Il est impossible de déterminer à l'avance ce qui sera attirant pour le plus grand nombre. Notre seule intention était d'écrire de bons titres de rock n'roll avec l'espoir de toucher et affecter le plus de gens possible. C'est ce qui s'est visiblement passé avec ces deux chansons !
Greta Van Fleet est sans cesse comparé à Led Zeppelin. L'influence de ce groupe légendaire sur votre musique est évidente selon moi, même si elle l'est principalement sur ces deux chansons qui sont les plus connues et un peu moins sur le reste de votre répertoire. C'est peut être pour cela que la comparaison avec Led Zeppelin revient tout le temps. Qu'en penses-tu ?
Lorsque nous avons commencé à faire de la musique ensemble, nos influences respectives étaient proches mais n'étaient pas tout à fait les mêmes. Chacun apportait sa pierre à l'édifice et nous n'avons jamais essayé d'orienter nos compositions vers une influence en particulier. Tout se passait toujours de manière très naturelle. Evidemment, Josh a une voix dont la tessiture peut faire penser à Robert Plant, même s'il n'a pas le même timbre, mais son approche et les endroits où il place sa voix sont similaires. Si on prend la voix de Josh et le fait qu'elle soit accompagnée par une batterie lourde et des grosses basses et guitares, cela donne d'emblée une coloration à la Led Zeppelin ou ça peut rappeler aussi Cream ou The Who, quelque chose qui évoque les grands groupes anglais en tout cas. Etant donné que je considère Led Zeppelin comme un des meilleurs groupes de rock n'roll de tous les temps, cette comparaison persistante est un honneur pour moi. Beaucoup de gens me demandent si j'en ai marre d'être comparé à Led Zeppelin. La réponse est non car je ne pourrai jamais me lasser d'un tel compliment !
Le son de "From The Fires" est vraiment très organique, très "à l'ancienne". Comment avez-vous enregistré les huit titres du disque ?
Nous étions surtout un groupe live à la base. Nous jouions des shows d'une durée de cinq heures chaque week end. Qu'est-ce que tu peux bien faire pendant un concert de cinq heures si ce n'est expérimenter, jammer, balancer plein de reprises et prendre ton temps sur scène (rires)! En jouant tellement et si longtemps, nous avons vite compris beaucoup de choses et lorsqu'est venu le moment d'entrer en studio, il nous fallait trouver la bonne personne pour nous permettre de traduire notre son live sur album. Nous avons trouvé un producteur idéal en la personne d'Al Sutton au studio Rust Belt. Nous sommes devenus plus astucieux en studio car il faut comprendre qu'il s'agit d'un monde très différent, sans aucune limite par rapport à la scène. Tu peux expérimenter à l'envi, mettre autant de couches que tu veux sur telle ou telle partie. Mais vu que nous venions d'une approche assez dépouillée et que nos préférences musicales sont assez brutes et possèdent toujours un élément humain prépondérant, nous nous sommes tous installés dans la même pièce et nous avons fait la pré-production de l'album comme ça. Nous avons placé la batterie au centre de la pièce et avec Sam nous jouions autour d'elle, avec nos amplis situés dans des pièces isolées pour l'enregistrement et Josh se trouvait dans la cabine. Nous avons mis l'album en boite comme ça. Nous jouions tous en même temps en live, mais pour garder une ligne de basse fondamentale, nous nous y reprenions parfois jusqu'à 25 fois pour être sûrs d'avoir l'émotion que nous recherchions. Puis nous n'avions plus qu'à rajouter le reste ensuite.
Ta préférence au niveau des guitares semble se porter sur les Gibson SG. Peux-tu me parler de tes deux SG ?
Ma guitare principale est une véritable Gibson vintage, une Les Paul '61 (ndlr : 1961 est l'année de lancement de la SG qui s'appelait encore Les Paul à l'époque). Ma deuxième SG est une custom shop que Gibson m'a fabriquée récemment. Il s'agit d'une réédition d'une Les Paul '62. J'ai joué sur beaucoup de guitares différentes et beaucoup de vieilles guitares, mais ma SG de 1961 a tellement de caractère qu'elle est toujours celle que je préfère. L'électronique est d'origine et parfois c'est un peu comme si tu devais lutter contre car elle peut produire quelques bruits indésirables. C'est presque comme si tu étais engagé dans une discussion avec cette guitare. Mais je l'ai tellement usée et mise à l'épreuve que j'ai besoin de la soulager en concert en alternant avec la '62 reissue.
Je joue désormais sur des D'Addario en 10 mais j'ai grandi en jouant sur un jeu de 12 ! C'était trop épais en y repensant surtout que je joue en Mi (E) standard même si j'utilise également beaucoup d'open tuning pour jouer du slide. J'ai d'ailleurs créé mon propre open tuning sur l'album, à savoir un Drop G (Sol) sur les cordes aiguës avec ma corde de La (A) également accordée en Sol (G). C'est un accordage vraiment cool ! Sinon ma guitare Coodercaster, inspirée par Ry Cooder le guitariste slide, est en Open de Ré (D). J'ai pris le corps d'une guitare Fender auquel j'ai greffé des micros de guitare lap steel. Elle sonne bien ! J'utilise également parfois l'open de Do (C) mais je joue évidemment la plupart du temps en Mi (E) standard.
C'est tout à fait ça. Je ne me suis jamais posé la question du tirant lorsque je me suis mis à l'électrique, même lorsque j'ai commencé à m'intéresser de plus près aux solos et à me mettre aux plans plus techniques que l'on peut faire sur une guitare électrique. Puis il y a deux ans, j'ai fait l'acquisition d'une guitare montée en 10-46 que j'ai laissée telle quelle et lorsque j'ai joué dessus je me suis vite rendu compte que je pouvais faire des choses dont je n'avais même pas idée ! J'ai alors comparé et il fallait se rendre à l'évidence, je pouvais faire des choses sur cette guitare en 10-46 qu'il m'était impossible d'exécuter sur celles en 12-54. J'ai donc changé de tirant !
Tu joues sur des Marshall Astoria, une gamme assez récente et très haut de gamme que l'on voit rarement dans le paysage des tournées. Pourquoi ce choix ?
Il est vrai qu'ils ne sont pas très connus mais j'adore ces amplis! Marshall a commercialisé 3 modèles à la base : un vert (Astoria Classic), un bleu (Astoria Dual) et un rouge (Astoria Custom). Le magasin Chicago Music Exchange a ensuite demandé à Marshall de leur fabriquer un ampli qui contiendrait les sons des 3 différents Astoria. Marshall a donc produit l'Astoria Custom CME pour le Chicago Music Exchange à environ 50 exemplaires si je ne dis pas de bêtises et j'en possède 5 ! Ce sont des amplis fantastiques et pour pouvoir jouer dessus quel que soit l'endroit où nous nous trouvons, j'en stocke un en Europe, un à Londres, un à New York, un à Nashville et un à Los Angeles. C'est un ampli idéal pour jouer dans un club comme ce soir. Je l'installe sur un baffle 4*12 sur lequel je le raccorde pour avoir plus de basse car c'est un ampli très orienté sur les mediums. Il possède de bonnes basses néanmoins et même si je pousse le potard de basse à fond, je trouve que l'apport du 4*12 lui confère un surplus de grave et une rondeur qui lui vont à merveille.
Il s'agit d'un ampli 30W. Joueras-tu seulement sur celui-ci dans le contexte des très grandes scènes comme les festivals ?
Je lui ajouterai à ses côtés une tête classique de Marshall en festival. Je mélangerai les deux amplis et j'ajouterai peut-être un autre 4*12 à l'Astoria pour lui donner un coup de pouce sur les grandes scènes. Mais c'est véritablement le genre d'ampli qui me convient. J'aime le fait de pouvoir pousser les 30W et de devoir lutter un tout petit peu pour tirer le meilleur de l'ampli. C'est la situation qui me convient, je ne sais pas pourquoi, mais c'est ce qui fait ressortir le meilleur dans mon jeu. J'aime le défi et le fun que ce genre d'amplis procurent.
Niveau effet tu dois avoir un pedalboard assez dépouillé n'est-ce pas ?
Effectivement. J'utilise deux reverb Electro Harmonix Holy Grail. J'en règle une des deux de manière plus prononcée pour bénéficier d'un boost de reverb si besoin. Sinon il y a un boost footswitchable sur l'Astoria et je m'en sers pas mal et j'ai aussi un autre boost avec le Range Lord de Jext Telez, un constructeur boutique de Detroit.
Quelle est la suite pour Greta Van Fleet ? "From The Fires" n'étant pas à proprement parler votre premier album, mais plutôt deux EP mis bout à bout, planchez-vous déjà sur votre véritable premier album ?
Ce qu'il s'est passé pour "From The Fires" est qu'à la base nous avions sorti notre EP 4 titres "Black Smoke Rising" (2017) et que nous n'avions pas prévu cette réaction incroyable ! Nous étions sans arrêt en tournée l'an dernier et il y avait une forte demande du public pour entendre d'autres chansons. Comme nous avions déjà pas mal de stock de côté, nous nous sommes enfermés en studio pendant une petite semaine pour mettre en boîte 4 autres chansons afin de pouvoir publier "From The Fires" qui en comporte donc 8 et qui permet aux gens d'avoir plus de matière. Mais nous allons prendre plus de temps pour notre véritable premier album. Nous allons nous donner quelque chose comme trois semaines pour le faire et il comportera environ 10 chansons. Nous n'avons pas vraiment le temps de composer en tournée et je pense qu'il y aura bien 50% de l'écriture qui se passera en studio. Nous allons avoir plus de production, insister sur la dynamique, il y aura peut être plus d'acoustique pour contrebalancer avec l'électrique, nous allons probablement composer 12 ou 15 chansons et sélectionner les meilleures afin de nous assurer de publier un très bon premier album !