Avec Demians, la France s’est enfin trouvé un représentant digne d’intérêt pour la scène progressive. Nicolas Chapel, homme à tout faire, vient d’accoucher d’un premier album déjà culte et indispensable. Ses armes ? Une science innée des compositions tortueuses, une ouverture d’esprit sur laquelle tout le monde peut prendre exemple et une parfaite maîtrise instrumentale qui ne pénalise absolument pas les ambitions solitaires du jeune musicien. Cela justifiait donc un entretien en profondeur, et en deux parties, de ce musicien dont on n’a pas fini de parler en bien comme en… très bien.
Avec Demians, la France s’est enfin trouvé un représentant
digne d’intérêt pour la scène progressive. Nicolas
Chapel, homme à tout faire, vient d’accoucher d’un
premier album déjà culte et indispensable. Ses armes ?
Une science innée des compositions tortueuses, une ouverture d’esprit
sur laquelle tout le monde peut prendre exemple et une parfaite maîtrise
instrumentale qui ne pénalise absolument pas les ambitions solitaires
du jeune musicien. Cela justifiait donc un entretien en profondeur, et
en deux parties, de ce musicien dont on n’a pas fini de parler en
bien comme en… très bien.
Par Nicolas Didier Barriac
Peux-tu te présenter ainsi que ton parcours
musical ?
Nicolas Chapel : J'ai toujours vécu avec la musique, j'ai commencé
à écouter de manière active de la musique quand j'avais
cinq ans, ai débuté la guitare quand j'avais sept ou huit
ans, et n'ai aucun souvenir qui ne soit pas associé à une
chanson ou à de la musique. Je suis autodidacte, j'ai essayé
à une période de prendre des cours mais dès le début
ça n'a pas fonctionné. Je ne saurais même pas dire pourquoi
j'ai essayé. Pour moi, apprendre avec un walkman à cassette
m'a apporté bien plus de discipline qu'aucun cours ne m'en donnera
jamais. J'ai joué dans un groupe en tant que guitariste quand j'étais
ado, un truc très sérieux qui m'a appris beaucoup, autant
en bien qu'en mal.
Les premières compositions de ce qui allait devenir Demians sont
nées fin 2001, mais la musique venait naturellement, rien n'était
planifié, et j'ai préféré continuer de cette
manière plutôt que de partir tout de suite sur l'enregistrement
d'un album. Je ne pensais pas devenir musicien professionnel, je ne jouais
que de la guitare à l'époque et n'avais ni la confiance ni
la détermination nécessaires pour démarrer un tel projet.
Je me suis mis progressivement aux autres instruments, basse, puis batterie,
piano, violoncelle... Le chant est venu lui aussi très naturellement,
et j'essaie de le travailler maintenant à ma manière pour
pouvoir partir en tournée.
Je n'ai de leçons à donner à personne, j'aime juste
retranscrire à ma manière la musique que j'entends dans ma
tête, et je vais continuer dans cette voie et explorer tous les instruments,
sons et textures que je pourrais trouver !
Ta musique est magnifique et personnelle. C'est assez
surprenant pour un premier album. Puisqu'il faut bien rattacher ton disque
à un style, je dirai rock progressif mais en insistant sur le fait
que Building An Empire redonne son sens au terme progressif.
Ça te va ?
N. C. : Je trouve que c'est un très beau compliment en tout
cas. J'ai commencé à écouter de la musique quand j'étais
tout petit, vers cinq ans je piquais les vinyles de mon grand frère,
Peter Gabriel, Rush, Yes... Depuis que je suis gosse, la notion de "progressif"
représente un état d'esprit plus qu'un style musical ou une
scène. Je pense que ma musique possède des ingrédients
progressifs parce que les chansons font ce qu'elles veulent, quel que soit
le temps que ça peut prendre. Pour moi on peut raconter autant de
choses dans une chanson comme « Temple » qui fait
trois minutes, que dans un titre comme « Sand » qui
en fait seize, tout dépend du thème et de ce que demande la
chanson. Je trouve que beaucoup de groupes dits "progressifs"
actuels se sentent obligés de respecter des critères comment
mettre des solos de gratte dans tous les titres, il leur faut forcément
un morceau long pour leur donner un certain cachet, etc... Personnellement
je trouve que cela met des barrières et que cela va à l'encontre
de la définition du mot progressif. Des gens comme Peter Gabriel
inventaient des sons, partaient dans les directions qu'ils voulaient découvrir,
et ne se posaient pas ce genre de barrières. C'est exactement ce
que j'essaie de faire, sans trop intellectualiser.
Je résumerais en disant que c'est un très beau compliment,
et je suis heureux que tu aies pris le temps de bien t'imprégner
de ma musique et d'en retirer l'essentiel, qui va bien au-delà de
la technique, de la production.
Que penses-tu de la scène dite progressive actuelle
?
N. C. : Je n'en ai aucune idée. Pour moi les genres musicaux
n'existent pas, je n'ai jamais réussi à les comprendre. Quand
je parlais de "progressif" précédement, c'était
uniquement en référence à ce que ce mot désigne.
C'est un élément de réponse pour moi, pas un style
musical. Les groupes que je trouve intéressants le sont uniquement
parce qu'ils s'éclatent à faire ce qu'ils veulent. Ceux qui
font vraiment avancer leur carrière et leur musique sont des groupes
qui ne se soucient pas de l'étiquette qu'on pourra leur coller. Je
pense à des groupes aussi variés que Tool, Radiohead ou Silverchair.
Silverchair est un groupe passionnant je trouve, ils ont commencé
leur carrière en étant faciles à catégoriser,
et dès leur troisième album ils ont commencé à
vraiment se lâcher. Si vous écoutez Diorama ou même leur
dernier album, on sent que le groupe se fait plaisir et ne se soucie pas
de ce que les gens pourront penser. Je trouve cette démarche bien
plus progressive que celle de groupes qui se présentent comme tels,
et s'acharnent à recréer 1972 à coups de morceaux d'une
demie heure avec un titre à rallonge.
Steven Wilson de Porcupine Tree (entre autres) s'est
montré un soutien actif de l'album. Le connais-tu ou ses encouragements
sont-ils venus après que l'album ait été complètement
bouclé ?
N. C. : L'album était déjà totalement terminé
quand mon manager l'a rencontré totalement par hasard alors qu'il
tournait en Angleterre. Son bus était garé à côté
du sien, il est allé discuter et lui a donné un CD. Il a été
étonné et ça a attisé sa curiosité, il
a réécouté l'album, est resté en contact, et
a voulu partager son enthousiasme pour cette musique. Je ne l'ai rencontré
qu'après, lors de son passage à Paris en décembre 2007
avec Porcupine Tree. Son soutien représente beaucoup pour moi, car
même si je pense que nos deux carrières et surtout nos musiques
sont bien différentes, j'ai beaucoup de respect pour lui et son travail,
et j'ai découvert sa musique il y a plus de dix ans. Il a toujours
fait plus ou moins ce qu'il voulait musicalement tout au long de sa carrière
et c'est exactement ce que je veux faire de mon côté et à
ma manière.
Le fait que Demians soit un « one man band »,
du moins en studio, signifie-t-il que tu travailles mal avec d'autres
musiciens ?
N. C. : Non, cela n'a absolument aucun rapport. Je réalise intégralement
la musique de Demians comme un peintre réaliserait intégralement
ses peintures. Ma musique me vient naturellement, généralement
tout en même temps, et je réalise tout moi-même pour
qu'aucun élément extérieur ne vienne parasiter cette
vision d'origine. J'aime écouter d'autres musiciens jouer, et je
pense qu'une collaboration n'est intéressante que lorsque les autres
musiciens apportent leur caractère, leur groove, leur feeling personnel.
Or dans Demians ça ne m'intéresse pas et je préfère
être honnête et direct sur ce point. Tout est dans ma tête,
et je veux laisser tout le reste de côté. Par respect pour
tout autre musicien, je préfère le faire moi-même, j'ai
horreur de dire à quelqu'un ce qu'il doit faire.
De plus, je pense que ça me permet d'avoir des relations beaucoup
plus intéressantes, fraîches et entières lorsque je
travaille avec les musiciens après coup pour le live. Les chansons
sont terminées, fonctionnent parfaitement, et je n'ai à lutter
avec personne pour les faire tourner. J'ai déjà collaboré
en groupe et tout ce que ça m'a apporté est énormément
de frustration. On a un batteur dans le groupe ? Il va se sentir obligé
de jouer, ou de jouer telle ou telle chose. On a un gratteux dans le groupe
? Il va bien falloir l'occuper et le laisser mettre de la guitare... Cette
démarche ne m'intéresse pas pour Demians. Je suis guitariste
à la base, mais beaucoup de mes morceaux ne comportent pas une note
de guitare. Je me refuse aussi dans mes chansons d'incorporer des choses
qui ne seront pas forcément réalisables sur scène.
Si certains titres demandent une chorale d'enfants ou un orchestre à
cordes, alors feu à volonté !
On peut dire, d'une certaine manière, que je travaillerais certainement
très mal avec d'autres musiciens dans le cadre de Demians. Il nous
arrive souvent d'improviser des choses en répétition avec
les musiciens du groupe, qui sont très talentueux et ont eux aussi
des idées, alors peut-être que ça portera ses fruits
un jour. Mais ça restera vraiment en dehors du cadre de Demians,
le début d'autre chose, et je ressens de leur part un profond respect
pour ces chansons.
As-tu d'autres projets musicaux où tu collabores
avec d'autres personnes ?
N. C. : Je n'ai aucun autre projet où je collabore avec d'autres
personnes. J'ai envie de faire d'autres choses à l'avenir aussi,
dans d'autres registres, mais pour l'instant je m'épanouis pleinement
dans Demians, qui est un projet où aucune limite n'est posée,
donc je vais continuer à m'éclater !
Demians – Building An Empire
InsideOut – Wagram
www.demiansmusic.com
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