Dave Matthews réussit depuis de nombreuses années à rallier les amateurs de rock et de jazz au même concert. Quelques semaines après la sortie d’un très dense Big Whiskey And The GrooGrux King, l’Américain et ses sbires, tous des monstres de technique, prennent d’assaut la scène de l’Olympia, un club minuscule pour celui qui côtoie les plus grandes arènes dans son pays d’origine. En effet, alors que l’album sort en France dans la plus grande indifférence, il rentre directement à la première place du Billboard 200 et s’écoule à plus d’un million d’exemplaires en moins de deux mois… Un sujet naturellement abordé dans notre entretien exclusif avec Dave Matthews.
Pour Big Whiskey And The GrooGrux King vous avez bossé avec le renommé producteur Rob Cavallo. Renommé, certes, mais surtout dans la sphère punk rock/rock alternatif (Green Day, Goo Goo Dolls, My Chemical Romance, Avril Lavigne, Shinedown, Less Than Jake, etc.). Comment êtes-vous entrés en contact et qu’est-ce qui t’as décidé à bosser avec lui ?Dave Matthews : Je cherchais quelqu’un pour changer de perspective sur ma musique. Nous avons bossé avec des gens intéressants par le passé mais je voulais vraiment quelqu’un de nouveau ce coup-ci pour nous amener une énergie inédite. J’avais en tête une longue liste de producteurs qui auraient été parfaits pour le projet mais le fait est que lorsque j’ai rencontré Rob nous nous sommes plus. Rien de plus que ça !
Rien de plus ?!
Dave Matthews : Je savais qu’il avait fait des choses incroyables par le passé. S’il était au chômage je pense qu’il n’aurait aucun mal à trouver un emploi. Sa façon d’être et sa manière de parler de musique m’ont plu. On voyait qu’il était excité lorsqu’il parlait de Earth Wind And Fire, de Fleetwood Mac ou de notre groupe. Il a de plus une grande connaissance musicale. Théorique et technique. Il joue extrêmement bien du piano et de la guitare. Il a d’ailleurs joué un peu de claviers sur l’album comme à peu près tout le groupe (rires). Je peux dire sans me mouiller que Rob autant que moi et le reste du groupe avons passé le meilleur moment musical de notre vie en studio à faire Big Whiskey And The GrooGrux King. Nous avons tous été très inventifs dans une ambiance très positive et respectueuse. Il nous a inspiré afin que nous soyons suffisamment confiants pour faire ce que nous devions faire et aboutir à ce qui est sans doute notre meilleur disque à ce jour.
Est-ce que la recette concoctée cette fois-ci plaira aux fans français ? En effet, vous ne connaissez pas ici le succès qui vous permet de décrocher des albums de platine à répétition aux Etats-Unis…
Dave Matthews : Je ne sais pas. Mais finalement ça m’est relativement égal. Par le passé, je faisais un disque et je le rendais à la maison de disques comme un étudiant rend une copie d’examen à la fac. Une partie de moi voulait de la reconnaissance. Mais plus maintenant. Je trouve Big Whiskey And The GrooGrux King exceptionnel et j’espère que j’aurais l’occasion de réenregistrer un disque aussi bon que celui-ci. Si jamais les gens n’accrochent pas, tant pis. Car il représente ce que je fais sans artifice. J’aurais toujours ce disque sur moi pour dire aux gens qui me demandent ce que je fais dans la vie : « je suis dans un groupe américain et on fait de la bonne musique ! »
Vous jouez ce soir à l’Olympia. Au fil des années le groupe s’est taillé une solide réputation de groupe à l’improvisation facile. Comment préparez-vous cela en début de tournée car les formats varient grandement d’une année à l’autre ?
Dave Matthews : Nous ne nous préparons pas tant que ça car des automatismes se sont développés depuis que nous jouons tous ensemble. Ça commence à faire un bail maintenant ! Les gars viennent d’un background assez jazzy et donc l’improvisation fait complètement partie de leur culture. Nous avons quelques plans et structures prédéfinis mais seulement pour certains membres du groupe. Les autres peuvent réagir en jouant absolument ce qu’ils veulent. Les chansons changent au fil des soirs. Parfois elles commencent de manière très rigide et à la fin de la tournée il s’agit de celles qui comportent le plus de passages improvisés. A ce titre, chaque concert est complètement différent. Nous n’avons jamais de schémas préétablis qui nous disent qu’il faut un solo pile à cet endroit et que tel musicien a le droit de faire ceci ou cela pendant tant de temps. Généralement nous nous accordons par exemple sur le moment exact d’arrivée du saxophone mais l’usage qui en sera fait et la manière dont nous interagirons avec lui changera chaque soir. Forcément l’auditeur pourra entendre des similitudes mais rien de plus que des similitudes. Tout reste unique.
Néanmoins vous avez aussi bon nombre de titres qui sont joués tels quels et qui ne laissent aucune place à l’improvisation.
Dave Matthews : Oui. C’est un autre cas de figure. Néanmoins le groove, l’intensité du jeu, les mélodies et les soli peuvent toujours changer à tout moment. Je crois que je définirais le groupe comme un espace de liberté les uns envers les autres. Je ne sais pas encore ce que nous allons jouer ce soir mais je vais me décider avant de monter sur scène (rires). Ça fait longtemps que nous n’avons pas joué « Bar Tender » et je me disais que ce serait peut-être une bonne idée de commencer avec ce morceau… Toutefois, en voyant la salle, je change souvent d’avis. Apparemment l’Olympia est une salle très « ouverte » : ça me donne envie d’entamer le set avec quelque chose de très bruyant !
Les improvisations et la liberté de jeu sont-elles les choses les plus excitantes de ton point de vue pour un concert de Dave Matthews Band ?
Dave Matthews : J’adore également jouer de nouveaux morceaux, tout simplement. Ce que tu cites est effectivement excitant mais comme le groupe a toujours été ainsi, je ne le mettrais peut-être pas autant en avant. J’adore jouer avec ces mecs. Bizarrement notre musique reste très ouverte même si nous ne jouons pas beaucoup de soli. C’est certainement lié aux subtilités diverses de nos jeux. Quand je joue de la musique, je veux revenir à quelque chose de primitif : une expression de l’âme si tu veux. La musique précède le langage et à ce titre je ne me retrouve pas dans tout ce qui constitue la musique moderne, ordonnée et catégorisée. La musique, si elle est correctement exprimée, peut réellement constituer une force libératrice et je pense pouvoir dire que nous jouons dans ce créneau.
Dave Matthews Band – Big Whiskey And The GrooGrux King
RCA
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