Si Cynic est sorti de sa retraite anticipée, ce n’est pas pour jouer les seconds couteaux. Les Américains sont revenus avec un Traced In Air s’érigeant en parfait compagnon de l’intouchable Focus. Un an et demi plus tard, un EP voit le jour et les surprises naissent. Quatre titres « remixés » et un inédit : Cynic expérimente. Mais Cynic se défend toujours sur scène et ce soir un concert a lieu au Nouveau Casino de Paris. Paul Masvidal arrive en avance pour assurer notre interview où le technicien de la gratte revient pour nous sur toutes les questions que quinze ans d’absence ont pu engendrer.
Re-Traced est un EP assez inattendu pour les fans de Cynic. Est-il aussi inattendu de votre point de vue (rires) ?
Paul Masvidal : Moins, certainement, car nous avons un « passé » dans ce genre de musique. Nous avons aussi d'autres projets en dehors de Cynic qui peuvent parfois ressembler à Re-Traced. En revanche, nous ne savions pas vraiment où nous allions au moment de commencer. Nous avions un mois à tuer entre deux tournées et nous avons décider de le passer en réalisant cette expérimentation amusante. Nous ne pouvions pas faire un nouvel album en seulement un mois... Là nous avions déjà des chansons de prêtes et il suffisait de les réinterpréter avec des arrangements et une production différents.
Parfois, réarranger des titres existants de manière convaincante n'est-il pas plus difficile que d'en écrire de nouveaux ?
P. M. : Pas faux. Ici, les nouvelles versions sont nettement plus complexes et stratifiées que les originales. Les gens pensent à tord qu'elles sont simples et peu recherchées. Les chansons étaient bonnes à la base donc il nous aurait été difficile de nous planter complètement. Nous avions simplement défini de faire un disque sans blast et sans s'orienter dans un style death metal. Après, le résultat final nous a surpris aussi mais il s'est produit de façon très naturelle.
Est-ce que Re-Traced est fidèle à votre posture artistique actuelle ? Vous souhaitez laisser de côté le death pour le moment ? Ou au contraire, est-ce que cet EP est une façon d'évacuer vos influences les plus soft pour ensuite revenir avec un album ultra heavy ?
P. M. : Re-Traced est avant tout fidèle aux démos qui avaient été faites pour Traced In Air. J'avais fait des démos chant / guitare de tout l'album et elles ressemblaient énormément à la musique que vous pouvez entendre maintenant. La différence majeure : les guitares acoustiques, les synthé-orgues et les verres à vin !
Donc aucune indication sur ce qui va suivre avec le prochain disque ?
P. M. : Je ne sais pas trop. Nous avons réalisé Re-Traced tellement vite que je ne me rends pas compte. Nous n'avons pas joué ces versions sur scène même si j'espère que cela se fera un jour car cela pourrait être marrant. Notre prochain album pourrait partir dans n'importe quelle direction, je pense. Il aura certainement quelques similitudes avec Re-Traced car nous savons maintenant que nous sommes capables de jouer quelque chose dans ce style.
Re-Traced présente un inédit, également, qui s'appelle Wheels Within Wheels. Est-ce que ce morceau avait été écrit au même moment que ceux de Traced In Air et n'avait pas été retenu ?
P. M. : Ce titre avait même été écrit avant Traced In Air ! Mais, malgré le fait que nous avions enregistré les parties de batterie, nous trouvions qu'il ne s'intégrait pas bien avec le reste de l'album. Lorsque nous avons fait l'EP, nous voulions inclure un titre un peu plus heavy que nos ré-interprétations. Nous avons donc pensé à Wheels Within Wheels. Nous avons changé quelques détails et ça fonctionnait bien ! C'est un titre totalement différent mais d'une certaine façon il est possible de les associer.
Je suis surpris de t'entendre dire que le morceau n'avait pas sa place sur Traced In Air. Je trouve qu'il ne dénote pas spécialement...
P. M. : Je comprends. Moi-même je n'arrive plus à savoir ce qui n'allait pas, en fait ! Je savais que je voulais que l'album commence par Nunc Fluens et se termine par Nunc Stans et il n'y avait pas de place pour Wheels Within Wheels entre ces deux chansons. J'ai pas mal de chansons non exploitées qui attendent leur tour. Un jour elles sortiront comme c'est arrivé pour Wheels Within Wheels. C'est marrant comme les chansons ont leur propre vie comme ça... Finalement cette chanson est plus vieille que n'importe quoi figurant sur Traced In Air !
Tu utilises souvent des vieilles compositions pour commencer à écrire un nouvel album ?
P. M. : C'est un mélange. Vu que j'écris constamment, j'ai toujours un stock d'idées sur les trois à cinq dernières années. Je vérifie s'il y a des choses qui sont encore valables au regard de l'évolution musicale du groupe. Si tel est le cas, ça serait bête de s'en priver, non ? De toute manière, je n'utilise jamais rien tel quel. J'adapte la composition et j'écris des choses en plus pour l'enrichir. Ensuite, les autres mecs font pareil et c'est ainsi que nos morceaux se complexifient à vue d'œil ! Traced In Air avait tout de même été écrit en très grande majorité sur une période de huit ou neuf mois sans aucune compositions ou idée antérieures. C'était voulu de notre part pour arriver à quelque chose de spontané. Ce sera peut être également le cas sur le prochain disque.
Vous avez besoin de vous retrouver tous ensemble pour voir ce qui colle ?
P. M. : Exactement. Il faut que je m’assure que toutes ces idées aient du sens pour Cynic en tant que groupe et non pas uniquement pour moi.
Pendant longtemps, tu n’as plus joué en live avec Cynic. Aujourd’hui vous êtes très présents sur scène. Est-ce que cela influence ta manière de composer ou t’orientes vers des choix qui se transposeront mieux en live ?
P. M. : Non, nous pensons au live dans un second temps. Le studio est un autre environnement quoiqu’on fasse. Le truc de la scène est qu’il faut trouver un moyen d’adapter ce qui a été fait en studio. Ce n’est pas toujours évident.
Vos albums ont une production très clinique, loin d’un son live. Ca ne t’attirerait pas, même en « one off » ?
P. M. : En fait, contrairement aux apparences, notre musique ne fait pas très souvent appel à Pro Tools car nous sommes assez old school. Tout est joué et il y a même des erreurs techniques, même si, je te l’accorde, seuls les musiciens du groupe peuvent les entendre. De ce point de vue, je trouve que nos disques sont déjà très live et rugueux mais je pense que c’est difficile pour les personnes extérieures de s’en rendre car de notre côté nous voulons systématiquement un niveau minimum en termes de production et de son. Et ce niveau est très élevé. Tout est une question de perspective. A côté de certains groupes de black metal, nous sonnons comme un groupe de pop mainstream !
Cynic – Re-Traced
Season Of Mist
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