Juste avant le dernier concert de Chickenfoot à l’Olympia, nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec Sammy Hagar en toute décontraction. Même si les ravages de ses différents excès font qu’il a souvent du mal à suivre le fil d’une conversation, Hagar semble à 64 ans éternellement jeune tant par sa bonne humeur que par son énergie extraordinaire déployée sur scène. Et, à l’en croire, malgré d’inquiétants problèmes de planning inhérents aux membres du groupe, le phénomène Chickenfoot n’est pas prêt de s’arrêter en plein envol. Tant mieux !

 III a été enregistré très rapidement, tout comme votre premier album, d’ailleurs. J’ai entendu parler d’une dizaine de jours…
Sammy Hagar : Pour la musique, oui (rires). Rajoute quatre mois pour les paroles ! Le premier album a été fait totalement ensemble et ils ont pu terminer la musique quand j’ai terminé les paroles. Nous avons joué environ cinquante concerts pendant la première tournée et du coup lorsque nous nous sommes retrouvés pour composer tout est venu hyper vite car le groupe s’est vachement soudé pendant cette tournée. Du jour au lendemain je me suis donc retrouvé en retard pour le chant ! Il fallait en plus enregistrer la musique immédiatement car Chad allait partir pour jouer avec les Red Hot Chili Peppers. De mon côté, seul Lighten Up était prêt…

La musique en tout cas jaillit assez rapidement. C’est la marque de fabrique de Chickenfoot et la raison pour laquelle tout sonne si frais ?

S. H. : Absolument. Et ça va s’accélérer car plus nous jouons ensemble plus nous trouvons des idées à exprimer ! Nous avons déjà quatre idées de chansons actuellement pour Chickenfoot – IV ou Chickenfoot – VII, je ne sais pas comment il va s’appeler !

Chickenfoot – III contenait aussi des compositions issues d’idées nées en tournée ?

S. H. : Tout à fait ! Alright Alright est né quasi spontanément avant un concert. Nous sommes programmés pour écrire dès que nous nous retrouvons ensemble dans une pièce (rires).

Dans tes « vies » précédentes, tu écrivais aussi en tournée ?
S. H. : Oui, dans Montrose et en tant qu’artiste solo. Je me rappelle avoir écrit le titre Mas Tequila en tournée quand j’ai quitté Van Halen. Avec Chickenfoot, si nous avions l’occasion de donner plus de concerts, je suis convaincu qu’on composerait plus. Enfin, je ne me plains pas car au départ nous ne savions même pas si nous allions tourner ou pas ! Il fallait d’abord que les fans nous montrent qu’ils aiment Chickenfoot, autrement, nous n’aurions même pas tourné. Et les gens semblent aimer Chickenfoot – III encore plus. C’est dommage que nous jouions sans Chad mais Kenny Aronoff est excellent. Heureusement car je pense que Chad sera indisponible pendant un bon moment…

Comment as-tu rencontré Kenny au départ ?

S. H. : J’ai écrit un morceau pour Meat Loaf, Amnesty Is Granted (ndlr : sur l’album de 1996, Welcome To The Neighorhood) où Kenny jouait. J’ai pu le rencontrer car on m’a demandé de jouer un peu de guitare acoustique et de chanter quelques chœurs. Je l’ai recroisé plus tard à des concerts où il jouait. Je le connais depuis longtemps mais j’avais peu joué avec avant qu’il ne nous accompagne sur cette tournée.

Quelles sont différences entre Chad et Kenny ?
S. H. : Attention, il va falloir que je dise ceci comme il faut… Kenny joue les chansons mieux que Chad : elles sont plus proches de ce que nous avons fait sur album. Avec Chad en revanche il y a plus de feeling : tous les soirs c’était différent avec lui. C’est excitant mais parfois ça dérape. Chad est fou, donc c’est normal (rires). C’est ce qu’on adore chez lui. C’est le « batteur spontané » le plus doué que je connaisse ! Chad et Kenny c’est un peu John Bonham et Keith Moon. Michael et Kenny font une paire rythmique tellement solide que c’est un plaisir de les entendre. Joe et moi pouvons nous exprimer un peu plus facilement comme ça. Nous sommes plus en sûreté. Avant, avec Chad, Joe était celui qui tenait le groupe en place. Maintenant c’est davantage Kenny. En tout cas, j’ai hâte de retrouver Chad pour faire un album – ou des concerts – car ça changera à nouveau notre dynamique avec sa folie !

Lors de votre premier passage à Paris, vous n’avez joué qu’une seule reprise et l’album en entier. Beaucoup de gens s’attendait à quelques reprises de vos groupes respectifs et/ou à quelques jams endiablés. Comment se fait-il que n’ayons droit qu’à des aperçus de tout cela ?

S. H. : Nous avons tout de même pas mal jammé ! Et puis, je trouve que les sections instrumentales sont déjà assez longues sur les albums. Pour info, au début de notre tournée, nous jouions l’album en entier en une heure et quinze minutes. A la fin, les mêmes chansons duraient deux heures. Donc nous rallongeons les morceaux imperceptiblement. Sur cette deuxième tournée, nous n’avons pas encore assez joué pour que les choses bougent mais je suis sûr que nous allons suivre cette voie car c’est ce que nous faisons sans même y penser !

Three And A Half Letters est un titre vraiment à part sur l'album et je me demandais d'où venait l'inspiration d'un morceau comme celui-ci... La crise ça vous affecte ?

S. H. : De tout temps, j'ai reçu beaucoup de lettres de mes fans. Quand ils perdent leur job, ce n'est pas rare qu'ils m'écrivent... Ils m'expliquent que du coup, ils ne vont pas pouvoir se payer un billet pour un de mes concerts. Ma mère, avant de mourir, m'aidait à lire tout le courrier. Depuis la crise je reçois de plus en plus de lettres vraiment dures. Ma mère aurait vraiment pleuré sur ces lettres car son cœur était si bon... L'expression qui y revient le plus souvent est « I need a job... I need a job... » Son manager qui était en train de mourir d'un cancer nous disait qu'il faudrait écrire un morceau là-dessus. C'était une super idée et je me suis contenté de lire des vraies lettres que j'ai reçues. Joe était très impressionné. Je lui ai demander d'écrire une musique belligérante à la Hendrix (rires). Ca a bien marché !

Vocalement, c'est plutôt original pour toi. Tu as essayé plusieurs styles avant de t'arrêter sur la version utilisée ?

S. H. : Non. C'est une prise directe en live avec plusieurs lettres en main. J'en avais cinq mais je n'ai pas réussi à tout placer dans la chanson. C'est super émouvant en particulier le mec de cinquante ans qui est foutu... Nous avons fait sept prises et au bout de sept interprétations j'avais complètement perdu ma voix (rires) !


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Chickenfoot, après 1 c'est 3 ou 7 ?