Les nouveaux venus Betraying The Martyrs ont tout pour s’imposer sur la scène metal francophone : une technique intéressante, une grande ouverture d’esprit, un look original et des croyances religieuses clairement annoncées dans leurs textes. Valentin Hauser, le bassiste de la bande, a accepté de nous accorder un long entretien pour démystifier les secrets de ce futur grand.
Peux-tu présenter le groupe et la façon dont ses différents membres se sont rencontrés ?Valentin Hauser : Nous nous sommes rencontrés de manière assez simple et rapide. C’est avant tout Eddie qui a démarré le projet avec Victor. Via Darkness Dynamite et Beverly Secret, ils avaient pu se rencontrer sur des scènes et partager quelques moments. Ils ont décidé de monter un groupe ensemble rapidement dès qu’ils ont eu le champ libre. Le recrutement des musiciens s’est déroulé assez vite, ils cherchaient des zicos avec un peu d’expérience, issus de la scène metal avant tout. Personnellement j’ai été contacté par Fabien qui avait déjà vu Eddie et Victor, on avait joué ensemble dans un groupe de trash et quand la question du bassiste s’est posée, il a pensé à moi (« Un grand barbu avec des cheveux longs ? Parfait on prend »). On s’est tous rapidement bien entendu, on venait d’univers assez différents, mais on avait tous bourlingué avec nos groupes précédents (Dark Extent, Sentence, Black Curtains, Deathtruction…). Ça a permis de rapidement faire un ciment de base pour structurer la musique.
Vous vous affichez comme un groupe de metal chrétien. Pour beaucoup, cela est antinomique. Comment arrivez-vous à concilier ces deux courants ?
Valentin Hauser : On concilie d’une manière très originale : tout simplement pour nous ce n’est pas antinomique (rires). Le metal est une musique certes violente, brutale. C’est une des rares musiques actuelles à avoir encore conservé cette aura un peu sulfureuse et anti consensuelle. Mais justement, c’est amusant de tirer de ça quelque chose de positif. Au final, grâce à cela on peut réaliser un véritable transfert d’énergie, qu’aucune autre musique n’aurait pu permettre. On ne veut pas évangéliser, on veut juste que les gens repartent heureux, avec le sourire. A chaque concert que l’on a fait des gens sont venus nous voir pour discuter de ça, c’est vraiment intéressant. Ce que l’on veut transmettre avant tout c’est un simple « soit quelqu’un de bien ». La générosité, la tolérance, la solidarité voila ce qu’on veut faire passer.
En revanche, il est vrai qu’on s’en prend plein la gueule des deux côtés ; des metalleux, car on fait gay, emo, Jésus tout ça et qu’on vient souiller de bonté et de mercantilisme « leur » musique ; des chrétiens car on fait metalleux, tatouage, piercing, (rires)... On est au milieu de deux camps qui ne peuvent pas se piffer. Nous tout ce qu’on veut c’est faire un appel à la tolérance de chaque côté. Ce n’est pas en interdisant le Hellfest qu’on va faire changer d’opinion les metalleux sur la religion, castratrice et intolérante. De même, ce n’est pas reprochant à l’Eglise l’Inquisition, Jésus, les Croisades, le procès de Galilée en arborant fièrement une croix de Saint Pierre en disant que c’est la croix du diable qu’un Chrétien va se mettre à accepter le metal.
Les Etats-Unis ont pas mal de groupes de metal chrétien comme Underoath ou As I Lay Dying. Comment vous situez vous par rapport à eux ? Tu aimes ?
Valentin Hauser : Musicalement, tous les styles sont abordés par des groupes « chrétiens ». Un Impeding Doom, un Underoath, ou August Burns Red, tout ça ratisse large. Je ne saurais nous situer par rapport à eux. Pour moi ce n’est pas un critère, j’aime surtout ces groupes pour leur musique. Mais ils ont malgré tout un point commun, une sorte d’aura mystique qui se dégage, épique en quelque sorte. Va savoir si c’est parce que je sais qu’ils sont chrétiens ou pas, mais je ressens ça pour chacun de ces groupes.
Musicalement, Betraying The Martyrs ratisse assez large et c'est vraiment agréable. Pourtant j'ai l'impression que vous en gardez encore sous le pied et que vous pourriez encore plus vous diversifier avec des parties atmosphériques et des variations plus importantes dans le chant. Est-ce que tu partages cela ?
Valentin Hauser : Totalement (tu n’es d’ailleurs pas le premier à nous le dire). On s’est restreint sur l’EP car sinon cela aurait fait cinq chansons complètement hétérogènes et l’EP aurait paru étrange. Sur un album justement il est beaucoup aisé de se diversifier. On a commencé l’écriture de l’album et on a incorporé des éléments postcore, grind, des chants encore plus variés… On s’amuse vraiment. Dans la plupart des groupes que j’ai eus il y avait des limitations « nan c’pas assez technique », « nan c’pas assez brutal », « nan c’trop compliqué ». Là, on peut réellement faire ce qu’on veut. Ça va être encore mieux (ou pire, c’est selon le point de vue). On hésitait au début à rajouter des éléments un peu électro ou indus et, pareil, on s’est dit qu’on garderait ça pour l’album. On a un background musical tellement large que cela serait bête de se restreindre. Au final, on va au fond des choses. Pour le dernier morceau qu’on a composé, on s’est retrouvé avec un passage de deux minutes ambiant, atmosphérique limite trip hop/post rock avec les instruments qui s’accumulent au fur et à mesure. Caler ça juste après un gros passage death c’est l’éclate, ça nous permet à nous aussi de respirer. On aime jouer avec les contrastes et l’EP n’est qu’un début.
Quel matos as-tu utilisé sur cet EP ?
Valentin Hauser : J’ai utilisé une Schecter Hellraiser avec une tête Markbass, Little Mark II. J’ai un son massif mais j’ai baissé un peu les dynamique sur l’EP. Je joue principalement au doigt. J’amène la masse sonore, j’alourdis le son. J’ai fait beaucoup de death technique proche de Death et Cynic mais la je ne voulais pas amener ça dans Betraying The Martyrs pour l’EP. Cela aurait rajouté encore plus de complexité et surtout il y a déjà toutes les orchestrations. Il aurait été je pense très difficile de faire ressortir une basse qui joue tout autre chose que les guitares (et surtout de composer quelque chose qui puisse passer ainsi). Je me suis donc contenté de faire le son, « la masse », le boulot de 80% des bassistes dans le metal en fait. C’était tout nouveau pour moi (rires). Je n’avais jamais enregistré d’albums avec une Schecter et c’était vraiment agréable.
Quels sont tes bassistes de référence ?
Valentin Hauser : Jason Newsted. L’archétype du bassiste Metal, un son ultra-lourd sur scène et une énergie incroyable. Scéniquement c’était le meilleur. Il avait tant d’énergie, il vivait les morceaux comme personne, ça donnait une vraie gniaque. Ce qu’il jouait dans Metallica peut paraître bateau mais quand on voit certains morceaux tels « One » ou ses solos en live, il était très bon.
Stu Hamm. C’est un des rares bassistes qui ne met pas outrageusement la basse en avant dans ses albums solo. Autant une guitare peut se le permettre mais pas une basse. King of Sleep est un de mes albums préférés. Pas de branlette, juste un très beau groove et de splendides mélodies. Puis un mec qui réalise un album s’appelant Radio Free Albermuth, il fallait que je devienne fan.
Sean Malone. « Le plus rock des bassistes jazz et le plus jazz des bassistes rock ». Ce qu’il fait sur les albums de Cynic et Gordian Knot, c’est de la magie. Un groove fluide, harmonieux alors qu’il jouait entre des monstrueux guitaristes et des batteurs incroyables. Il arrivait à accompagner les cordes et la batterie en accentuant à la fois la rythmique et la mélodie.
Tes guitaristes ?
Valentin Hauser : Steve Howe, car j’adore Yes, un jeu atypique, saisissant. Paul Masvidal pour Cynic, Aghora, Aeon Spoke et surtout le merveilleux Human de Death. Et enfin Devin Townsend, parce que c’est le meilleur, tout simplement.
Vous avez récemment été invités chez Evelyne Thomas pour une émission sur le look des jeunes où tu n'as pas du tout parlé ! Etais-tu hypnotisé par son ravalement de façade (rires) ?
Valentin Hauser : Totalement, je sais pas pourquoi en la voyant j’ai pensé à Three Extreme, le segment où la femme mange des raviolis de fœtus pour rester jeune (rires) ! Je n’ai rien dit car au final ça parlait de choses que je ne connaissais pas très bien voire pas du tout, Victor y était plus à l’aise… On avait été invités en nous disant que ça parlerait de musique, des jeunes, des styles vestimentaires, comment tout cela influençait les jeunes… On a su au début de l’émission qu’on était là pour représenter la « tribu emo ». Je devais me retenir de rire pendant toute l’émission, Victor me tapait sur la jambe pour que j’arrête. « Ah ouais c’est violent quand même, mais c’est ça le rock », ça m’a plié en deux. Je voulais ouvrir ma gueule quand elle a commencé à raconter n’importe quoi, les crânes autour du cou et tout. Mais je n’ai pas trouvé ce que j’aurais pu dire en cinq minutes qui puissent changer l’opinion de qui que ce soit sur le metal. J’ai discuté un peu avec elle après et j’ai feuilleté son FHM. En fait c’est très bien expliqué dedans, c’est juste elle qui n’a rien compris à l’histoire.
Que penses-tu du portail guitariste.com ? L'utilises-tu ?
Valentin Hauser : Je l’utilise quand je veux m’acheter du matériel. J’ai généralement une idée sur ce que je cherche comme marque, matos, ça me permet de comparer et de me préparer pour quand je vais les essayer en boutique. Ça me permet surtout de restreindre mon choix à l’avance et de ne pas aller tester dix têtes d’ampli alors qu’au final je n’hésiterais qu’entre quelques-unes.
Quels sont tes cinq disques préférés de 2009 (tous styles) ?
Valentin Hauser : Tom Waits – Glitter and Doom. J’adore Tom Waits. Tom Waits a plusieurs périodes et ce live avec une formation somme toute réduite permet d’uniformiser un peu tout cela, de créer une réelle intimité, on a vraiment l’impression qu’il chante en face de nous. J’aime beaucoup la manière dont sa voix a évolué, devenant de plus en plus grave et rauque. Le bonhomme garde une pêche pas croyable, un talent de chanteur/compteur vraiment hallucinant. Live Circus est vraiment magique à ce niveau-là, entre le stand up, la chanson, le freakshow et le conte.
Devin Townsend – Addicted. J’attendais depuis longtemps que Devin revienne à une musique simple, rafraîchissante et pas prise de tête. Ki était trop sombre, trop étouffé. Là on retrouve toute la folie de Devin, avec ses morceaux à 40 000 pistes, sauf que cette fois il a réellement décidé de faire simple. Pas de structures alambiquées, de voix de cirques ou autre. Devin tournait en rond depuis Accelerated Evolution mais il la il revient vers Ocean Machine, mais avec tout le savoir et l’expérience acquise à travers sa carrière. Les duos avec Anneke sont superbes. Les deux voix se mélangent vraiment très bien. Des morceaux ultra catchy mais avec ce qu’il faut de détails et de maturité pour que cela soit autre chose que de la pop. Un chef d’œuvre à mettre à côté d’Ocean Machine, Infinity et Terria.
Kalisia – Cybion. Je ne saurais décrire cet album. Pour moi il est juste merveilleux, les thèmes musicaux, la structure qui arrive à alterner ombre et lumière et surtout à tenir en éveil tout du long. Il n’y a pas une seconde de remplissage, c’est hallucinant. Toutes les orchestrations, les chœurs, les voix éthérées, les riff death, heavy voire indus, arrivent à s’entremêler avec fluidité, on ne voit pas le disque passer.
Hypocrisy – A taste of Extreme Divinity L’album death de l’année avec Cybion et E-Xtinction. Peter Tägtgren qui se retrouve des couilles après son passage à vide avec Pain. Une pure leçon de death metal suédois. Je me le passe au moins une fois par semaine depuis sa sortie.
30 Seconds to Mars – This is War. Je ne suis pas un grand fan de 30 Seconds to Mars à la base. Cet album m’a bluffé, une prod’ énorme, les chœurs sont monstrueux, les refrains chantés par un stade entier, c’est vraiment pharaonique. En dehors du chant, il n’y a pas d’élément marquant mais c’est que tout est un énorme bloc impressionnant, mélange de rock, d’électro. Ça sent le Coldplay, le U2 mais en bien plus abouti.
Betraying The Martyrs – The Hurt, The Divine, The Light
La Baleine
www.myspace.com/betrayingthemartyrs
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