M. Shadows : C'est super excitant, oui. C'est un sentiment doux amer qui prédomine pour être honnête... Nous ne nous attendions pas à vivre cela un jour, même si ce groupe a toujours eu de rêves plus grands que nature. Je suis fier des gars qui ont su rebondir après le passage difficile que nous avons connu suite au décès de The Rev. Merci donc aux fans de s'être déplacés et de nous avoir soutenus.
Vos fans sont effectivement très fidèles ce qui est d'autant plus « surprenant » que votre musique n'a cessé d'évoluer et de changer album après album. Est-ce que ce soutien indéfectible est quelque chose dont vous êtes particulièrement fiers ?
M. S. : Absolument. Beaucoup de groupes punk que j’admirais quand j’étais plus jeune se contentaient de réécrire le même album à chaque fois. Ça me plaisait à l’époque car c’était ce que j’attendais d’eux mais au fond je voulais qu’ils m’amènent vers de nouvelles sonorités. Je crois que c’est ce qui plait aux fans d’Avenged Sevenfold : ils savent que le groupe peut les amener vers quelque chose qu’ils ne pensaient pas pouvoir aimer.
Justement, où les amenez-vous avec Nightmare ?
M. S. : Malheureusement pour cet album nous sommes passés par une phase très sombre. Nous n’aurions pas pu écrire ce disque sans le traumatisme que nous avons vécu en perdant notre meilleur ami. Nous avions besoin de coucher sur le papier pas mal de pensées et cela a été une forme de thérapie pour nous tous. J’espère que ce sera aussi une thérapie pour les fans car il ne faut pas oublier qu’eux aussi ont perdu quelqu’un qui leur était proche.
La plupart de la musique a été composée avant le décès de The Rev. La direction artistique était donc déjà sombre et heavy avant même qu’il ne nous quitte… Comment en étiez-vous arrivés là, avant même cette tragédie ?
M. S. : Je n’en sais rien (rires) ! Nous étions fidèles à nos sentiments du moment. Parfois les choses dans la vie fonctionnent bizarrement et se mettent en place d’elles-mêmes. Cela aurait été étrange de composer un album joyeux, de voir Jimmy mourir puis d’essayer d’écrire des paroles… Cela ne s’est pas passé comme ça. Je ne sais pas à quoi c’est dû mais nous avions écrit la bonne musique avant même que tout cela n’arrive…
A chaque album, en dépit des différences de style, Avenged Sevenfold semble devenir de plus en plus lyrique. Il me semble qu’avec Nightmare, le groupe arrive à un sommet et qu’il sera sans doute difficile de faire mieux dans ce domaine précis. Qu’en penses-tu ?
M. S. : A chaque album, je suis convaincu que nous ne serons pas capables de faire mieux. Cela a été le cas pour absolument chacun de nos disques. Je ressors de chaque session complètement vidé émotionnellement. Là, nous allons partir en tournée et pendant deux, trois ou quatre ans, nous n’allons plus rien écrire. A ce moment-là nous aurons un regard neuf et c’est alors que nous serons en mesure de nous dire que nous sommes capables de faire mieux que Nightmare. Je reste optimiste quant à notre faculté à y arriver. Mais je suis d’accord avec ta remarque : nous ferons sans doute mieux dans un style différent car Nightmare me semble inattaquable dans son propre domaine.
Une des belles surprises du disque est l’homme que l’on retrouve derrière la batterie : Mike Portnoy. Sachant que c’était le héros de The Rev, est-ce que vous pouviez imaginer faire ce disque sans lui ?
M. S. : Non. Les parties écrites par The Rev étaient extrêmement techniques et difficiles. Avoir un mec aussi humble et dynamique que Mike Portnoy a été le rêve. Je ne peux même pas envisager les choses différemment. C’est presque le destin car nous nous rapprochions de Mike avant même que tout cela n’arrive. Malgré la déception de ces derniers mois, quelque chose de positif a vu le jour et c’est vraiment agréable. Pour le moment nous ne cherchons pas d’autre batteur car Mike est présent sur la tournée à nos côtés. Il s’éclate. Et comme James LaBrie bosse sur son album solo, le timing est parfait. Je ne sais pas trop ce que font les autres membres de Dream Theater par contre. Je sais juste que Mike apprécie le fait de ne pas être le leader d’un groupe pour quelque temps. Ça lui enlève pas mal de stress. Il peut se concentrer à 100% sur la batterie.
Cela n’a pas été trop compliqué pour Mike d’apprendre les morceaux de vos anciens albums dans un temps de préparation que j’imagine très réduit ?
M. S. : Ça n’a pas été simple car Mike a son propre style et en même temps il souhaite respecter la patte de Jimmy. Ce dernier faisait vraiment partie du son du groupe et il réalisait constamment des « fills » intéressants. Mike passe de Dream Theater à Transatlantic en passant par tous les pays du monde donc ce n’était pas simple de prendre le temps pour préparer la tournée. Mais ce type arrive à faire un maximum de choses en un minimum de temps donc ça a pu fonctionner tout de même.
C’est clair que Mike Portnoy a un emploi du temps chargé… Tu ne le ressens jamais fatigué (rires) ?
M. S. : Non ! Ce type est fou ! Il n’est jamais fatigué et pourtant il ne dort jamais… il prend beaucoup de plaisir dans tout ce qu’il fait. Je pense que c’est la clé.
Revenons sur Nightmare, pour finir. Je trouve que les paroles sont plus importantes que d’habitude sur ce disque et cela est évidemment lié au décès de The Rev… Quelles sont les deux ou trois chansons les plus marquantes de ton point de vue en ce qui concerne les thématiques abordées dans les textes ?
M. S. : So Far Away est un titre composé par Synyster Gates. C’est la première fois de sa vie qu’il écrivait des paroles. Du coup, il a exprimé pas mal d’émotions brutes car ce n’est pas son domaine de prédilection. Son texte ressemble à une conversation entre deux amis. C’est un bel hommage à la vie de Jimmy et à la façon dont il prenait les choses, avec beaucoup d’optimisme. So Far Away est du coup très difficile à jouer en concert. Ensuite, je dirai Victim. J’ai pris Funeral For A Friend d’Elton John comme référence. Ce titre décrit les sentiments ressentis dans ma maison le jour où nous avons appris que Jimmy était mort. Nous devions être cinquante à pleurer et à rire en nous racontant des histoires sur sa vie. Enfin, Fiction. Je pense que c’est le titre qui risque d’avoir le plus d’impact car Jimmy a fini cette compo trois jours avant de mourir. Son titre était alors « Death »… Je n’invente rien. Dans les paroles il y avait la phrase « I hope you find your own way when I’m not with you tonight »… Je n’avais jamais entendu un truc pareil : un musicien écrit ce genre de paroles et meurt trois jours plus tard… Nous étions très proches : nous nous aidions souvent dans l’écriture de morceaux. J’ai écris des paroles sur sa chanson en essayant de respecter son point de vue et de nous dire adieu à tous. Nous avons pris des pistes de chant de sa démo pour la version de l’album.
Avenged Sevenfold - Nightmare
Roadrunner
www.avengedsevenfold.com