On t'avait laissé sur le projet Maladaptive. Il semblerait que ce groupe portait bien son nom puisque après un concert où les retours ont été assez moyens, il aurait été dissous. Peux-tu revenir sur l'expérience et les raisons du pourquoi du comment ?
Arno Strobl : Non, ce n’est pas du tout cela. Le groupe n’a jamais été dissous. Nous avons effectivement fait un concert ensemble qui s’est mal passé pour moi. Cela faisait très longtemps que je n’avais pas fait de scène. J’étais très nerveux car c’était ma première apparition avec eux. Je n’ai pas su gérer ma voix, je suis parti sur les chapeaux de roues et au bout de quelques titres j’étais quasiment aphone. Avec du recul, je dois bien avouer également que le type de chant que requiert Maladaptive n’est pas vraiment mon style de prédilection. À la suite de ce concert nous avons pas mal discuté et cela s’est soldé par mon départ du groupe. Je précise tout de même que cela n’a rien changé à nos rapports et que nous sommes toujours très amis. Maladaptive existe toujours, même si le groupe n’est pas très actif du fait des emplois du temps de chacun, particulièrement celui de Fred (Leclercq) qui est très souvent « quelque part à la surface du globe » avec Dragonforce. J’espère réellement qu’ils vont un jour finir par sortir un album. Là, c’est le fan du groupe qui parle.
Peux-tu revenir sur ta rencontre avec 6:33 ?
A. S. : J’ai été en contact par mail avec Krys, l’ancien chanteur du groupe, et Nico (guitare) à l’époque de leur premier album sur lequel ils m’avaient invité en tant que guest. Quelques mois plus tard, Emmanuel (claviers) m’a recontacté en m’apprenant qu’ils n’avaient plus de chanteur et qu’ils étaient en train de composer un EP. Il m’a proposé de me charger du chant sur celui-ci.
Avant de jouer avec eux, quelle image avais-tu en tête ?
A. S. : Je les voyais un peu comme des branleurs, et je dois dire qu’à ce niveau je n’ai pas été déçu du tout (rires). En revanche, j’avais beaucoup sous-estimé leur potentiel musical et j'avoue que les démos du EP m’ont vraiment bluffé lorsqu’ils me les ont envoyées.
A. S. : Je ne suis pas à l’aise avec le « tout gratuit ». Je pense qu’il faut bien à un moment que les gens qui aiment un groupe puissent le soutenir financièrement d’une façon ou d’une autre. C’est le cas avec l’EP, qui est repris en intégralité sur l’album, mais qui cette fois est payant. Nous avons la chance de naviguer dans un style où un pourcentage non négligeable de personnes sont encore intéressées par l’objet physique que constitue le CD, contrairement à ce que j’appellerais la « musique jetable » (variété, dance, r'n’b…) qui ne s’écoute plus que sur YouTube. Un jour viendra où les jeunes générations nous regarderont avec des yeux ébahis lorsque nous leurs raconteront qu’à une époque existaient des « disquaires » chez qui nous passions des heures à choisir amoureusement un « 33 tours » lorsque nous étions ados. En résumé, je crois qu’il faut savoir vivre avec son temps et ne pas rejeter tout en bloc des nouveaux modes de « consommation » de musique. Il reste à trouver un juste milieu, mais ça ne semble pas encore être pour demain…
Logiquement, vous avez enquillé sur un album qui se révèle une belle confirmation de l'EP. Il y a une vraie présence de second degré dans la combinaison musique / paroles. Est-ce toi qui apporte ça ou plutôt 6:33 ?
A. S. : Nous y sommes tous pour quelque chose je pense… La musique que Nico compose est très riche et pour le parolier que je suis, évoque beaucoup d’ambiances et d’images. Cela m’a permis de m’en donner à cœur joie au niveau des textes.
6:33 a à présent un chanteur. Est-il possible que tu continues à collaborer avec le groupe où est-ce que vos chemins se séparent à présent ?
A. S. : Pour le moment, nos chemins vont se séparer. Je ne me sens plus à ma place au sein de 6:33 dans sa configuration actuelle. Comme beaucoup de chanteurs, j’ai un très gros… ego (avoue que tu as eu peur) et Flow, qui vient d’intégrer le groupe, a lui aussi le sien. Rester dans ces conditions tournerait un jour ou l’autre au combat de coqs, et ce serait dommage que cela se termine dans ces conditions. J’aime avoir le contrôle sur pas mal de choses, mais 6:33 n’est pas mon groupe. Je considère donc ma mission comme terminée, ce qui ne veut pas dire que je ne retravaillerai plus jamais avec l’un ou l’autre des membres du groupe avec qui j’ai développé certains liens d’amitié qui vont au-delà de la « bonne entente musicale ».
Tu revendiques à présent une totale liberté artistique. Où celle-ci va-t-elle t'amener dans les mois à venir ?
A. S. : J’ai enregistré un album avec Déhà (Merda Mundi, Imber Luminis, Maladie, Deviant Messiah) qui devrai sortir à l’automne chez Kaotoxin. Notre projet se nomme We All Die (Laughing) et sonne très différemment de tout ce que j’ai pu faire à ce jour. On y trouve du suicidal black, du prog, des choses à la limite du shoegaze… L’album est résolument introspectif et très sombre. Là encore la collaboration s’est avérée humainement et artistiquement bien plus riche que tout ce que j’aurais pu imaginer, et comme nous sommes un simple duo, les décisions sont beaucoup plus faciles et rapides à prendre. J’ajouterais que je suis très fier d’intégrer à cette occasion la « famille Kaotoxin », car Nicolas, le label-manager, est un mec d’une gentillesse et d’une intégrité qui forcent le respect. Plus je le vois bosser, et plus je me rends compte que Kaotoxin (et donc Nicolas puisqu’il est seul à bord) représente le label que j’avais toujours attendu.
Outre WAD(L), je prévois un disque de reprises et de duos qui devrait voir le jour courant 2014. Il se pourrait qu’il s’agisse d’un double EP. Un orienté acoustique et pop, et un second orienté metal, en particulier metal extrême. C’est un plaisir très personnel que je me fais. C’est un peu comme organiser un goûter d’anniversaire : j’envoie des cartons d’invitation à droite à gauche, genre : « Est-ce que tu veux bien venir jouer et/ou chanter avec moi ? ». Jusqu’à maintenant, je n’ai eu que des réponses positives. Il y aura du beau monde issu de la scène française, quelques étrangers également, ainsi que d’excellents musiciens qui font partie de mon entourage mais ne sont pas « connus » de la scène metal.
Tu es omniprésent dans tout ce qui touche au metal (réalisation de compilation, participation à la presse spécialisée, groupes de metal, etc.). Qu'écoutes-tu lorsque tu n'en peux plus du metal ?
A. S. : Principalement du jazz : Coltrane, Miles Davis, Chet Baker, Dave Brubeck… Et puis aussi pas mal de jazz/funk particulièrement kitsch. Ce genre de musique qui te donne l’impression d’être téléporté dans un épisode de
Drôles de Dames ou de
Starsky & Hutch. Niveau références, je citerai Dexter Wansel, les bandes originales d’Armando Trovaioli (principalement celle de
Una Magnum Special Per Tony Saitta), Idris Muhammad, et évidemment Lalo Schfrin. J’écoute aussi beaucoup les vieux albums de Stevie Wonder, et puis de la funk, comme Earth, Wind & Fire.
Quels sont tes guitaristes préférés ?
A. S. : Hors metal je dirais Django Reinhardt, car j’adore le jazz manouche. Hervé Legeay et Hervé Pouliquen, qui tournaient à une époque avec Sanseverino, m’avaient collé une énorme gifle. Ensuite, dans le metal, j’aime bien Mattias IA Eklundh pour son inventivité et son grand sens de la mélodie, Christophe Godin que je classe un peu dans la même catégorie, Scott Ian niveau rythmique me semble être un must absolu, ainsi que Gary Holt et plus généralement tous les guitaristes qui sont passés dans Exodus. J’ai eu ma période « Shrapnel » étant ado, j’adorais Tony MacAlpine (surtout son premier album Edge Of Insanity), j’aimais bien Satriani, Steve Vaï… Je n’ai jamais été très fan de Malmsteen. Mais pour moi aujourd’hui, la musique est tellement liée aux émotions que la technique est clairement reléguée au second plan. J’aime les choses qui m’évoquent des images, comme le titre « Deep Peace » de Devin Townsend.
Parmi ceux avec qui tu as collaboré, ne serait-ce que le temps d'une chanson, quels sont les plus marquants ?
A. S. : Axel Wursthorn (avec qui je jouais dans Carnival in Coal) est un excellent guitariste rythmique. Sinon, les quitaristes avec qui j’ai eu la chance de jouer et qui m’ont le plus impressionné sont Christophe Ambry (qui joue aujourd’hui dans Lili K, un duo chant/guitare acoustique originaire de la région d’Amiens), Romain Caron (du duo de mathrock John Makay), Fréderic Leclercq (qui est bassiste chez Dragonforce mais qui est à mon avis bien meilleur guitariste qu’Herman Li et Sam Totman réunis), et bien sûr Christophe Godin.
6:33 & Arno Strobl – The Stench From The Swelling (A True Story)
Wafflegate Prod
www.633theband.com