Jeff Waters : Je vais déjà faire une analogie. Metallica, Slayer, AC/DC et Judas Priest figurent parmi mes groupes préférés. Pourtant, je ne possède pas chacun de leurs albums car je ne les aime pas tous. Cela n'empêche que certains de leurs disques font partie des meilleurs de l'histoire de la musique ! Je suis donc déjà content quand les gens aiment certains de mes disques. Metal était un disque avec plein d'invités super sympa. J'aime bien mettre une note sur 10 à chaque disque d'Annihilator après les avoir faits. Sur le moment un artiste croit toujours avoir fait le meilleur truc du monde mais, six mois ou un an après, souvent, on change légèrement d'avis... ou pas, d'ailleurs. Je mettrai 6 à Metal si on juge seulement les compositions. C'était sûrement un des trois moins bons albums de notre carrière. Je lui donne 7,5 si on considère tous les invités qui sont fans d'Annihilator et dont je suis fan aussi. Mon but n'était pas de mettre des « têtes d'affiche » pour vendre le disque. En tout cas il m'a permis de faire découvrir le groupe à des fans de Trivium, In Flames ou Lamb Of God ce qui était plutôt bon. En tout cas, tous les kids qui ont aimé Metal vont sûrement adorer l'éponyme car tout le monde semble dire que c'est notre meilleur disque depuis quinze ans. La maison de disques était déjà confiante mais les avis des journalistes n'ont fait que confirmer cela. J'attends la réaction des fans maintenant mais je suis confiant. Tout semble en place. Dave Padden est le chanteur qui est resté le plus longtemps à mes côtés et je me sens comme si j'avais vingt-cinq ans à nouveau.
Et tu as enfin semble-t-il retrouvé un label qui puisse vraiment te soutenir contrairement aux deux précédents...
J. W. : Tout à fait ! C'est assez « marrant » ce qu'il s'est passé avec les deux autres labels. Schizo Deluxe en 2005 était un de nos meilleurs albums mais il est sorti chez AFM au moment où le patron du label est mort dans un accident... C'était très triste. Nous sommes partis du label sans avoir pu promouvoir correctement le disque. Ensuite nous sommes arrivés chez SPV en Allemagne où nous étions très contents jusqu'à ce qu'il fasse faillite ! Ça montre bien qu'Annihilator est dur à cuire (rires) ! Nous ne partirons pas ! Nous sommes maintenant chez Earache plus connu pour ses petits groupes de death ou de hardcore qu'autre chose. Nous avions une offre alléchante de chez Nuclear Blast mais Earache a su nous convaincre en mettant beaucoup de moyens à notre disposition. C'est important de donner la chance aux gens. Je l'ai fait par le passé pour des membres du groupe, en tournée, alors qu'ils n'avaient jamais joué de concerts auparavant. De toute façon même avec un million de dollars il faut toujours que l'album qu'on promeut soit bon. En revanche avec zéro dollar et une connexion Internet, on peut faire des miracles.
J. W. : Sujet délicat ! Généralement un groupe cède à son label les droits numériques et contrairement aux CDs « physiques », il est très difficile de savoir combien d'exemplaires il vend. Les maisons de disques peuvent dire ce qu'elles veulent aux groupes car ils n'ont aucun moyen de vérifier combien de téléchargements légaux sont effectués. C'est un gros point noir pour les groupes car les labels peuvent faire un million de dollars de vente et dire qu'ils ne vendent rien... Je crois que les industries du disque et du film ont eu peur du piratage au départ mais ils ont rapidement compris comment ils pouvaient également se faire pas mal de fric. Les maisons de disques ont utilisé le piratage comme une excuse pour dire que tout peut aller mal et obliger les groupes à céder leurs masters, une partie de leur merchandising et un peu de leurs bénéfices de concerts. Les jeunes groupes croient tout ceci et ils se mettent dans la merde avant même d'avoir commencé leur carrière ! C'est triste car tout ceci n'est qu'un mensonge et les labels se gavent sur les ventes numériques. Nous pourrions demander des audits mais cela coûterait plus cher que cela ne rapporterait. Parfois je reçois des chèques d'anciennes maisons de disques : « 86$ pour les téléchargements des six derniers mois » (rires). Dingue, non ? Ca devrait plutôt être 86 000$ ! Du coup, j'encourage les gens à acheter les CDs en magasins, à venir nous voir en concert et à acheter nos T shirts. Il n'y a que comme ça que les groupes survivent.
Revenons au nouvel album. N'est-il pas ironique en un sens que le nom de l'album précédent soit Metal et que celui-ci soit en fin de compte nettement plus heavy (rires) ?
J. W. : Nous n'avions appelé le précédent Metal uniquement car nous avions tous ces invités de l'univers du heavy metal. Je crois tout simplement que le nouvel album est meilleur. Point barre. Plus metal et plus mieux (rires). J'imagine que certaines personnes diront qu'il est nul mais ce n'est pas grave car vu la réaction de la presse, je suis confiant... et content !
Le dernier morceau de l'album, Romeo Delight, est une reprise de Van Halen. Comment et pourquoi t'es-tu frotté à cette chanson ? La reprise n'est pas un de tes exercices de prédilection...
J. W. : En effet, je n'avais jamais fait de reprise sur un de nos albums officiels. Il y avait Hell Bent For Leather sur une face B de single en 1993 et Live Wire d'AC/DC sur un live. J'avais décidé de faire une reprise sans avoir vraiment réfléchi au titre. C'est là que ça a commencé à être dur car j'avais à peu près mille chansons potentielles (rires). Mon manager m'a conseillé de choisir le morceau le plus important à mes yeux: celui qui a changé ma carrière ou mon jeu de guitare pour que les gens comprennent ce que j'ai ressenti. Avec ses instructions, j'ai tout de suite pensé à Romeo Delight. En 1980, lorsque Back In Black est sorti, Van Halen venait de faire Woman And Children First et c'était des sorties majeures pour le metal ! A l'époque, ces groupes, au même titre que Kiss, étaient notre metal ! Van Halen passait à Ottawa mais j'avais quatorze ans et j'étais trop jeune pour aller au concert. Je suis tout de même sorti en cachette de ma chambre pour m'installer juste devant la salle pour écouter le concert de l'extérieur... Toujours est-il que ce disque contenait la chanson Romeo Delight et que j'en étais dingue ! Je voulais boire de la bière et frapper du poing un mur en écoutant ce morceau qui était si énergique ! De la même manière que plus tard je voulais headbanguer en écoutant Angel Of Death de Slayer, Romeo Delight me permettait de me décharger de toute mon adrénaline d'adolescent. C'était hyper heavy pour l'époque même si aujourd'hui ça fait plutôt morceau de fête à la David Lee Roth... C'était bon de me replonger dans ce titre car à partir de là tout a changé pour moi.
Je suppose qu'à peu près tous les guitaristes de hard rock de ta génération ont été très influencés par le jeu et le style d'Eddie Van Halen...
J. W. : C'est clair. Je pense que son génie n'était pas seulement palpable dans les soli mais aussi dans ses rythmiques phénoménales. Et n'oublions pas non plus que c'était un compositeur de premier plan. La plupart des ados de mon âge essaient de copier ses soli mais j'étais davantage intéressé par ses rythmiques. Ca me donnait un côté original (rires). Angus Young et Gene Simmons étaient également d'excellents musiciens mais qui n'ont pas toujours été pris au sérieux à cause de leurs shows et leurs artifices. Pourtant, n'importe quel ingénieur du son, producteur de disques ou musicien sérieux vous vantera les qualités intrinsèques de ces mecs. Et que dire de la rythmique de Malcolm Young ? Ce type est intouchable dans son domaine et les soli d'Angus tout comme ceux d'Eddie sont impossibles à copier.
Earache
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