Coucou les gratouilleux ! Aujourd'hui je vais prendre ma voix la plus caverneuse pour vous parler d'un "effet" qui n'en fut pas un à la base : la Reverb. Alors j'en vois déjà, au fond de la classe, faire les faux stupides et demander ce que c'est. Après leur avoir fait entendre la résonance d'une bonne claque dans la face se propager dans toute la pièce, je leur pardonne, parce que ça va me permettre d'introduire la notion physique de l'effet. Ils n'iront au coin que plus tard. Privés de bière, même bio.
Le million d'échos
Alors là, je te propose d'aller directement au premier chapitre de mon guide sur les delays, celui où je t'explique que le son part en direction du mur et revient vers toi. Eh bien là, c'est exactement la même chose, sauf que la notion de révérbération prend en compte le fait que le son soit omnidirectionnel, et soit donc, particulièrement en lieu clos, envoyé dans toutes les directions puis revenu en un ensemble de sons retardés, de couleur et de temps de délai subtilement différent. En effet, chaque point de la pièce n'est pas à la même distance de l'auditeur, et de par sa nature (pierre, métal, vitre, rideau , etc...) n'absorbe pas les mêmes fréquences à la même puissance.
C'est ensuite notre cerveau qui décortique ces informations pour pouvoir dire, les yeux fermés, que nous sommes dans la cathédrale de Chartres ou les toilettes du fast food. Magie de la nature !
Bien évidemment, avant l'avènement des musiques amplifiées, la question du processing de reverb ne se posait pas, on se contentait de jouer dans ladite cathédrale, l'amphithéâtre ou l'auditorium, et le domaine de la qualité du son appartenait plus à un architecte qu'à un ingénieur du son...
Sport de chambre
Quand est venu le temps des premiers enregistrements de studio, il est rapidement apparu qu'il n'était ni confortable de transporter les matériels dans les lieux à belle reverb, ni évident de fabriquer des pièces pour chaque acoustique que l'on aurait désirée. Il est alors apparu l'idée d'enregistrer la prise de son dans un lieu acoustiquement le plus neutre possible, puis de lui appliquer la révérbération à postériori.
Dans un premier temps, comme pour les délais, cet effet fut appliqué de la manière la plus physique possible, simplement en diffusant le son brut dans une pièce, et en récupérant le son révérbéré dans l'autre coin de la pièce avec un micro. Le premier exemple connu de cette expérience audio est le travail de Bill Putnam Senior sur le titre Peg O'My Hart des Harmonicats, où certaines pistes ont été passées au travers d'une... salle de bain. Le son était liquide et propre. Hum.
Il est assez difficile de savoir quelle fut la toute première chambre d'écho construite en studio, on peut toutefois citer le mythique Abbey Road Studios de Londres (arrête de faire le cancre, TOUT LE MONDE connaît) dont les fondations comprennent trois chambres d'écho, des pièces conçues spécifiquement pour être réflectives et recevoir plusieurs micros afin de construire de toutes pièces (ah, ah, ah) une jolie reverb.
Alors oui pour stocker le pinard et le pâté à la cave, c'est mort, hein.
Manque de ressort
Alors bien évidemment c'est mignon tout ça, mais si cela permet certes à l'auditeur de découvrir de nouvelles ambiances sur son tourne-disque, pour le musicien, tout cela n'est pas très nomade, vu que l'on a pas encore trouvé le moyen de plier 100m2 de murs et de les mettre dans un tour-bus. A la fin des années 30, Lauren Hammond, constructeur de l'orgue du même nom, comprend que son instrument sonne de folie dans les chapelles mais déçoit forcément ceux qui l'installent dans un salon capitonné. Il met donc au point et brevète un système de transducteur/capteur : le signal audio fait vibrer une tige métallique (enroulée en ressort pour des raisons pratiques), et cette vibration est récupérée par un capteur pour être insérée à nouveau dans le signal.
La reverb à ressort, ou "spring reverb" était née ! Bien évidemment ce mécanisme ne brille pas par son réalisme, mais il fut vite adopté de par sa légèreté, son coût de fabrication très faible et sa fiabilité. Encore de nos jours, nombre d'amplis guitare sont équipés de ce système maintenant apprécié pour ce son caractéristique.
Platitudes
En 1947, une compagnie allemande, EMT, décide d'appliquer ce principe de transducteur/capteur à une impressionnante machine où les ressorts sont remplacés par deux plaques métalliques de 2x3m, la fameuse "plate reverb". Le résultat est une capacité de révérbération bien plus spectaculaire que les reverbs à ressort ou même les petites chambres de studio, tout en restant plus "transportable" qu'un hangar de l'armée américaine. Qui d'ailleurs était assez peu encline à les prêter puisque à l'époque il s'y cachait *FLASSSHHH* euh... je disais quoi déjà ? j'ai oublié, bon pas grave !
Plus transportable qu'une pièce... toutes proportions gardées, hein. Sans semi-remorque, c'est mort.
Evaluer les distances
Parmi tous les effets que l'on peut appliquer sur le son, la reverb se caractérise par le fait, comme nous l'avons vu au début de l'article, qu'elle correspond à la sommation d'échos d'onde sur des surfaces situées à une certaine distance, et renvoyés avec un certain taux d'absorption. Il apparaît donc évident que la manière la plus pointue d'obtenir une reverb réaliste est donc bien évident que la manière la plus pointue d'obtenir une reverb réaliste est d'appliquer au son un algorithme, une suite donc d'opérations mathématiques. Il s'agit donc de l'effet qui a, clairement, le plus bénéficié de l'arrivée de la technologie du numérique.
La première reverb numérique fut encore une fois une création de EMT, la fameuse "250", en 1976. Nous sommes encore bien loin de quelque chose d'exploitable pour nous guitaristes, puisqu'il s'agit d'une machine de 20 kilos au format et à l'apparence d'un pupitre de commande de Star Trek... 20 000 $, 400 circuits intégrés, et la bagatelle de... 16Ko de mémoire ! on rigole pas, pour l'époque c'était juste la folie de dingue du futur du hi Tech, eh ouais.
Il faudra attendre deux ans et l'arrivée sur le marché de la Lexicon 224 pour qu'enfin les processeurs adoptent le format standard rack 19 pouces. On reste toutefois dans du matériel trop lourd pour être nomade, jusqu'à ce qu'arrivent la AMS RMX-16 et la Lexicon PCM 60.
L'évolution exponentielle de la puissance des processeurs verra apparaître sur le marché des dizaines de reverb numériques en rack des années 80 à nos jours, multipliant les presets, les paramètres et la fidélité des algorithmes à la réalité. Bien entendu et comme souvent, la communauté guitaristique s'est désintéressée au fil des années de ces appareils trop complexes pour s'orienter vers des outils plus simples et/ou plus strictement créatifs.
La PCM 60, première née d'une longue lignée d'usines à gaz !
A ce titre, on soulignera l'arrivée tardive mais libératrice en 1987 des premières reverb numériques en pédale avec la Boss RV-2, la firme japonaise ne se départant pas de sa réputation de pionnière. La RV-2 sonne certes un peu froid, mais donne accès à des ambiances et un réalisme jusqu'alors jamais vus dans un petit boîtier et à un prix si abordable.
L'un des aspects à mes yeux majeurs du numérique a été de permettre d'étendre le concept de reverb au-delà de la reproduction d'un lieu. En effet, l'avantage des algorithmes reste de n'avoir aucune limite physique, et guitaristes ou autres ont pu, dans les années 80 puis après, repousser les limites de l'ambiance, ou ajouter des effets surréalistes mélangés au process de réverbération. Ainsi peut-on citer, entre autres, la "gated reverb", une reverb à courbe de volume inversée et coupée brutalement, créant un effet percussif, et plus récemment la "shimmer" où les signaux délayés sont pitchés vers le haut, créant un son très lumineux et ambiant.
On notera enfin que les reverb numériques ont vu arriver rapidement des algorithmes "plate" "chamber" et "spring" simulant l'ensemble des systèmes électromécaniques que nous avons vu plus haut, rendant enfin transportables et abordables leurs couleurs sonores particulières.
La convolution de l'espèce
La dernière évolution en date de la révérbération s'est faite en 1999 et constitue une forme de retour aux sources : La convolution.
Quel est le principe de ce bidule ? Il est tout simple : plutôt que de calculer des algorithmes interminables pour s'approcher de la révérbération d'une pièce, nous allons réutiliser le concept du haut-parleur diffusant un son dans cette pièce et d'un micro récupérant le son résultant à l'autre bout de la pièce. Seulement, ce son sera un bruit de référence, et ensuite un logiciel de calcul fera une comparaison numérique entre le son de référence et le son capté. Cette différence sera appelée "empreinte" ou "impulse" dans la langue de Shakespeare. Il suffira de la stocker dans votre processeur de reverb à convolution et de l'appliquer sur votre son... et le tour est joué !
Alors oui bien entendu le concept est simple, mais à mettre au point ça a pas du être une partie de plaisir. Le premier processeur à convolution, le Sony DRE S77, était d'ailleurs encore une fois une machine super complexe et super cher, et il a fallu encore une fois attendre plusieurs années que la technologie se démocratise. Aujourd'hui, la Logidy Epsi met cette possibilité aux pieds des guitaristes pour moins de 200€.
Le "défaut" de la convolution par rapport à l'algorithme est bien entendu son retour à l'idée de réalisme total (puisqu'on prend des instantanés de lieux réels). Son usage sera donc limité à des ambiances, là où l'algorithme permet de s'affranchir des limites. A chacun de trouver midi à sa porte !
Retourne dans ta chambre !
Vous l'aurez compris après cette succincte revue des troupes, la reverb fait partie de ces effets dont l'évolution n'a pas été centrée sur le besoin du guitariste, mais sur la clientèle des ingénieurs de son, studio ou live. Peu ou pas d'innovations en la matière ont été dirigées vers nos besoins, et alors que les guitar heroes des années 80 embarquaient des processeurs de studio dans leurs racks de scène, beaucoup de nos pédales sont des itérations de ces mêmes processeurs, à l'image des machines de chez Eventide (Space), ou les reverb Digitech issues du savoir-faire de Lexicon.
Ainsi, si l'offre est tout de même assez pléthorique, elle se concentre à 95% sur de la reverb numérique algorithmique, plus quelques rares et chères reverb à ressorts (Van Amps Solemate), une paire de reverb à convolution, et un tout petit peu de reverb analogiques. On notera toutefois la résistance des reverb à ressort intégrées aux amplis de type combo, produites en grande partie par Accutronics.
Un de nous deux est de trop dans cette cathédrale (faut faire un choix !)
Bon, si tu es encore en train de lire, c'est que tu as vraiment envie que ton son de guitare s'envole dans les trois dimensions et fasse voyager ton public médusé aux confins de l'espace... bien ! je vais donc te filer un coup de pouce dans tes choix, encore que, si tu as lu correctement, tu devrais déjà avoir une petite idée... mais je taquine, je taquine, quel fripon je suis.
Donc, pour commencer, si ton idée est de reproduire des lieux assez fidèlement, je ne saurais trop te conseiller de te pencher vers la susnommée Logidy EPSI, qui est à l'heure actuelle la seule solution de convolution hardware abordable. Sinon, tu peux aussi t'orienter vers des processeurs de studio en rack comme la série M de chez TC Electronic ou les PCM de Lexicon, mais de trois choses l'une : 1-j'espère que tu es friqué, 2-j'espère que tu as du temps et du cerveau en rab pour éditer tes innombrables paramètres ou que 3-tu trouveras ton bonheur dans les presets.
Dans une PCM96, on peut éditer jusqu'à 60 paramètres pour une reverb. Ouch.
Si tu as envie d'une reverb agréable à l'oreille sans forcément aller chercher ultra-réalisme ou exotisme, tu trouveras de tout à tous les prix. Certaines chinoiseries de chez Mooer notamment n'auront pas forcément à rougir devant des machines plus chères, mais tu pourras trouver également pléthore de possibilités d'ambiances dans les TC Electronic Hall of Fame et leurs déclinaisons (Trinity...), ou la signature sonore des racks Lexicon dans la Digitech Polara. Dans le haut de gamme, la Strymon Bluesky ou l'excellente Neunaber Wet sont en passe de devenir des standards.
Si tu as envie de machines laissant libre cours à ta créativité, il te faudra mettre un peu plus la main au portefeuille mais les usines à sons que sont la Strymon Bigsky, la Eventide Space ou la Empress Reverb raviront ton cerveau de nerd, alors que les machines de chez Death By Audio ou Earthquacker devices feront passer ton pote rasta pour un mec sobre qui n'a jamais rien fumé.
Enfin, comme avec les Delay ou d'autres effets numériques, tu pourras trouver ton compte au sein de bons multi effets, ceux-ci étant en général bien dotés dans le domaine. On citera encore une fois Lexicon (les séries MPX) et TC Electronic (G system, G Force...), mais aussi les processeurs de chez Fractal Audio comme le Axe-FX ou les processeurs les plus récents de chez Line6. D'occasion, certaines machines comme la Art Multiverb ou la Peavey Addverb seront moins riches de possibilités mais délivreront des reverb à la couleur chaleureuse plutôt intéressante...
Bien zentendu et comme d'hab, ce ne sont que des exemples et je suis loin d'avoir essayé tout ce qui se fait sur le marché ! Mais si j'ai pu aider ton raisonnement sur les résonances, alors c'est déjà pas mal !
EPILOGUE
Robert Cocker (frère caché de Joe, il paraît), quant à lui, ne goûtait que très peu ces artifices sonores, et le faisait savoir.
"-moi tu vois mec, je suis d'une époque où on jouait de la guitare sans artifices sonores. Cette nouvelle époque, tu vois, j'ouvre mon froc, et j'urine dessus"
Et l'on vit le Cocker pisser sur la Reverb-ère.
(me cherchez pas, je suis déjà loin. A plus les copains, bonne gratte !)
LIENS UTILES
- Liste des Reverbs au format pédale
- Les effets de Delay
- Les effets de Chorus
- Les effets de distortion
- Les effets wah wah
Vos commentaires
Écrire un commentaire