Le départ de M. Hulot n'est ni surprenant, ni courageux
Ce mardi 28 août en écoutant les matinales, j’ai donc entendu comme tout le monde le ministre de l’Écologie annoncer qu’il démissionnait de son poste. De nombreux commentateurs parlent de « surprise », tandis que des femmes et hommes politiques de tous bords saluent son « courage ». Apparemment, d’après les confidences du ministre au journaliste de France Inter Thomas Legrand, la réunion avec le président de la fédération nationale des chasseurs Willy Schraen et le lobbyiste Thierry Coste, lundi à l’Élysée, aurait été la goutte d’eau pour Hulot.
Énième et dernière couleuvre donc.
Mais revenons sur les notions de « surprise » et de « courage ».
À quel moment Nicolas Hulot a-t-il pu imaginer qu’Emmanuel Macron et son gouvernement allaient suivre ses idées pour sauver la biodiversité, la planète et nous avec ?
Déjà pendant la campagne électorale de la présidentielle, à cette fameuse audition de tous les candidats par la Fédération nationale des chasseurs,
Macron avait raillé publiquement l’écologie et les écologistes, se faisant ovationner par les chasseurs conquis. On pourrait se passer cette scène en boucle tellement elle est révélatrice de l’état d’esprit méprisant de notre président.
Puis le choix d’Édouard Philippe comme Premier ministre aurait pu être un deuxième indice. VRP favori d’Areva et de l’industrie nucléaire dans son ensemble, Philippe n’allait pas soudainement virer sa cuti en prenant la tête du gouvernement.
De manière générale, le programme ultralibéral de croissance, de diminution des services publics, de cadeaux fiscaux aux privilégiés annoncés bien avant mai 2017 par Emmanuel Macron était connu de tous et de Nicolas Hulot en particulier. Ce dernier avait d’ailleurs écrit dans son livre Osons : « Le libéralisme n’est pas compatible avec l’écologie. »
Dont acte, quelqu’un de cohérent et lucide n’aurait jamais mis un orteil dans ce gouvernement et aurait plutôt fui le plus loin possible. Pas Hulot. Lui, il y est allé et son fan club de reprendre en cœur des éléments de langage du style : « Il est important d’essayer de l’intérieur » ; « Au moins, Hulot, il est courageux, il essaie ! » ; « Avec Hulot au gouvernement, l’écologie est bien représentée » et j’en passe.
Mois après mois, renoncement après renoncement, il s’en trouvait toujours pour plaindre ce brave et sympathique Nicolas Hulot « coincé », « sans marge de manœuvre », « perdant ses arbitrages » !
Cessons ces simagrées hypocrites. La position libérale de ce gouvernement n’est pas une surprise et Nicolas Hulot n’est ni un naïf ni un perdreau de l’année.
Sa cote de popularité était en chute libre, entraînée par celle de Jupiter. Il lui fallait réagir avant que son image n’en sorte flétrie à jamais. Je ne vois dans cette séquence politique ni « surprise » ni « courage » mais simplement une histoire de « timing » et de « sauvetage d’image », à moins que nous n’ayons connaissance de motifs supplémentaires dans les semaines qui viennent.
Sale temps pour l’écologie en tout cas, car pourtant il y a urgence. Je ne parle pas comme Brune Poirson (potentielle candidate à la succession de Hulot ?) de l’urgence à réduire ses courriels, supprimer les pailles en plastique et couper l’eau en se lavant les dents. Non, je parle de l’urgence d’être lucide sur l’effondrement en cours.
Tout comme Vincent Mignerot et Arthur Keller au sein de l’association Adrastia, je pense qu’il est trop tard pour empêcher les dérèglements climatiques et l’extinction massive des espèces, que les sociétés du « capitalocène » ont provoqués.
Par contre,
ce que j’attends de femmes et d’hommes politiques responsables et d’un·e ministre de l’Écologie en particulier, dès aujourd’hui, c’est de « limiter la casse », de tout miser sur la résilience des territoires urbains et ruraux, c’est-à-dire que les communes puissent être autonomes en production d’énergies renouvelables, qu’elles valorisent l’autonomie alimentaire et la prise de décisions en assemblée locale pour l’intérêt général et non celui des lobbies. J’attends également
que les responsables politiques ne prennent pas la pollution de l’air et la question des pesticides à la légère. Que l’on réinvente des modes de vie compatibles avec ce que la planète peut endurer. Que nous puissions enfin nous passer de voitures même si l’on habite à la campagne, que nous apprenions à réduire notre consommation d’électricité grâce aux actions gouvernementales.
Bref vous l’aurez compris, nous devrions urgemment faire un 180 degrés dans nos façons de vivre en supprimant le capitalisme et cette société thermo-industrielle qui nous a menés dans le mur en nous gavant de publicités et de jeux télévisés.
Alors, si notre Premier ministre, qui cite souvent le livre Effondrement de Jared Diamond, pouvait tirer de ce livre les conclusions qui s’imposent, enfin je dirais que « c’est une belle surprise » et que « c’est extrêmement courageux » !