Basstyra a écrit :
C'est intéressant comme discussion
Qu'est-ce que l'humour, qu'est-ce qui fait rire, qu'est-ce qui sépare le drôle de l'ignoble ?
Plus spécifiquement ici, est-ce que se moquer d'un faible est drôle ? Est-ce qu'évoquer la faiblesse du faible est drôle ? Le faible pouvant être un enfant, un handicapé, un malade, mais aussi un opprimé, comme une femme dans une société patriarcale, un homo dans une société homophobe, un noir dans une société raciste, etc.
On pourrait aussi dire que la limite entre s'amuser du cliché et simplement le ressortir est ténue. Faire reposer une blague sur le fait que les portugais sont sensés être poilus, les arabes voleurs, les juifs pingres, les femmes bêtes, est-ce que c'est se moquer du cliché ou des gens ?
Personnellement, je vois les choses comme ça : la misère, la douleur, l'oppression, sont sources légitimes d'humour, quand on en est la victime. C'est une façon bien connue et très efficace de s'approprier son malheur et d'y survivre. Quand on n'est pas concerné, c'est-à-dire quand on est non miséreux, bien portant, non opprimé, on est dans le domaine de l'ignorance au mieux, de la moquerie au pire, et le moins qu'on puisse dire est que c'est un manque de respect. On peut le choisir, mais il faut l'assumer. Enfin, quand on est carrément de l'autre coté du manche, c'est-à-dire quand on est affameur, tortionnaire, oppresseur, là on quitte définitivement le domaine de l'humour pour rester dans le domaine de la malveillance.
On peut coupler ça à l'auditeur, qui peut également être concerné, non concerné, ou de l'autre coté du manche. Alors l'humour prend tout autant de significations différentes : dénonciation, protection, affirmation de son pouvoir, etc. Dans un pays dominé par l'église, se moquer des curetons, c'était salvateur. A l'inverse, dans un pays qui pourchasse la femme voilée, se moquer d'elle c'est en rajouter à son malheur. Entre homos, faire des blagues sur les homos permet de partager une expérience commune, se rassurer, se serrer les coudes. Quand un homme fait une blague sur les blondes sans réaliser que la nana en face, elle en entend 5 par jour, ce à quoi s'ajoute les commentaires sur son physique et les mains aux fesses dans le métro, c'est être méconnaissant et insensible. Aux USA, un noir a quelque part le droit implicite d'utiliser le mot "nègre" ("nigger", très agressif et péjoratif en langue anglaise), un blanc non. idem en France, il n'est pas rare de considérer que les homos ont le droit d'utiliser le mot "pédé", alors que le même mot utilisé par un hétéro sera entendu comme malveillant.
On peut s'insurger contre ces états de faits, mais à mon avis, c'est en vain. La société et son histoire étant ce qu'elles sont, nos paroles portent parfois des notions d'insultes ou à l'inverse de respect, et l'humour n'est, finalement, jamais une réelle raison de s'en affranchir.
Devant toute blague (et à vrai dire d'autres sujets...), j'aime me poser la question : est-ce que les gens y sont traités avec respect ? Si la réponse est non, on peut décider que c'est drôle si on le souhaite, mais la réalité reste là : on a manqué de respect à des gens. Personnellement, ça a tendance à m'empêcher de rire. Même si ça n'est pas toujours.
Certains appellent ça la dictature du politiquement correct, moi j'appelle ça le respect de l'autre, voire, en particulier, la protection des faibles.
En ce sens, rire entre hommes blancs hétéros valides des femmes, des noirs, des homos, des handicapés, et bien non, ça n'est pas drôle, c'est simplement entretenir un système de domination que, de mon coté, j'exècre.
Finissons en disant qu'heureusement, il est tout à fait possible et même plutôt facile de rire d'autres choses
Le sujet ici est plein de blagues hilarantes ne reposant pas sur la douleur des autres, autant ne pas s'en priver !