gatestoavalon a écrit :
Casso qui dit qu'il a passé sa vie a défendre les pauvres gens.
Dans ce que j'ai pu lire de ta vie, tu as dit (dans les bribes de souvenirs que je puisse avoir des discussions decousues sur ce thread) que tu estais principalement devant le TJP (TI à ton époque huhu) pour des questions de dettes. Certes il y a l AJ, mais dans ce genre de configuration ou le ministère d'avocat n'est pas obligatoire celui qui en a un est rarement du mauvais côté du canon... c'est a dire plus souvent au côté des creanciers, ce qui rend la mission humainement moins... "louable"(avec des gros guillemets, la mission de l'avocat reste louable quelque soit le côté). Alors certes il y a l AJ qui permet aux débiteurs d'avoir accès à un avocat, mais l'activité d un cabinet ne peut se reposer là dessus vu les délais de paiement des avocats par l Etat.
A moins que pour toi, même en tant qu avocat des créanciers, tu consideres aider les débiteurs parce que tu y es confronté.
Bien sûr que j'ai passé ma vie à défendre les pauvres gens! Toute ma carrière, une partie importante de mon travail a consisté à représenter les organismes sociaux des départements de la Région Rhône-Alpes, plus la Saône et Loire et la Côte d'Or. Les bailleurs des Offices Municipaux, des Opac, des Semcoda et autres rencontraient des difficultés pour recouvrer l'intégralité des loyers réclamés. La plupart des organismes avaient entre 10 et 20% d'impayés, et, se trouvaient contraints de majorer le montant des loyers pour équilibrer leurs budgets. C'est comme souvent dans la vie, les bons payeurs payent pour les mauvais.
Conscient d'avoir à travailler pour des organismes sociaux, j'ai donc proposé mes services, non pas pour engager une procédure judiciaire onéreuse, mais pour demander au Présidents des Tribunaux concernés des saisies arrêts sur les salaires des locataires en retards de paiements. Cette procédure avait le mérite de réclamer aucun frais, c'était une forme de paiement à crédit sans intérêt. Chaque Tribunal d'Instance après avoir entendu ma demande étayée de justifications, entendait ensuite le débiteur. Généralement la saisie était autorisée et le règlement de la dette était effectué par des prélèvements sur les salaires de l'intéressé selon les quotités saisissables prévues par le Code du Travail.
Je dis généralement, car il arrivait parfois que le locataire demandait un plan d'apurement de sa dette à l'amiable, sans les prélèvements sur ses salaires qui occasionnaient un travail supplémentaire à son employeur et qui pouvait occasionner des préjudices au salarié. Le plan d'apurement était donc adressé par mes soins à l'intéressé, où je précisais qu'à défaut de paiement d'une seule échéance la saisie serait effectuée par le Tribunal.
Là, où j'ai le sentiment d'avoir respecté l'aspect social des organismes cités plus haut, c'est qu'il m'arrivait, lors de l'audience et de la défense du locataire de percevoir un véritable cas social. C'est alors que je m'engageais à déposer une demande de secours Aparl (Aide pour Arriérés de Loyers) ou FSL (Fonds Solidarité Logement). Cette demande était examinée par une Commission de ces instances, à laquelle j'assistais et plaidait pour ce dossier particulier. Je ne cacherai pas que les cas les plus méritants de secours sociaux, c'étaient des mères de famille, sans emploi, car ayant plusieurs enfants, abandonnées par leurs conjoints, partis bien souvent sans laisser d'adresses, et ne réglant pas les pensions alimentaires de leurs enfants.
Là, je signalais ces femmes dépassées par leurs problèmes, aux Caisses d'Allocations Familiales, j'en profitais pour demander à ces organismes de revoir le calcul de l'Aide Personnalisée au Logement (APL) compte tenu des faibles ressources de ces mères de familles, qui obtenaient parfois une révision de leur APL et un secours. Aujourd'hui, les CAF versent les pensions alimentaires revenant à chaque famille et récupèrent leurs montants auprès des pères, à l'amiable, ou par la procédure de saisie arrêt sur les salaires.
Lorsque l'on présente certains débiteurs consommateurs à l'excès, on critique la justice ou ses auxiliaires. Mais il faut savoir, qu'à l'époque où je travaillais, le montant de l'APL était beaucoup plus important qu'aujourd'hui. Il était courant qu'un ménage perçoive près de 400 à 450 euros d'APL pour un loyer de 500 euros. Les 50 à 100 euros impayés correspondaient approximativement au montant du chauffage annuel réparti sur l'année. Il était quand même choquant et indéfendable qu'un ménage ne paye pas son chauffage!
Comme je représentais plusieurs organismes sociaux et que je m'investissais dans de nombreux dossiers, je me suis retrouvé dans la SDAPL (Section des Aides Publiques au Logement). A l'époque la réglementation prévoyait la suspension de cette prestation en cas de loyers impayés. Aussi bien dans l'intérêt du locataire que du bailleur je justifiais une saisie arrêt en cours ou un plan d'apurement amiable, donc une dette en cours de régularisation, afin que la prestation APL ne soit pas suspendue.
Et si une famille rencontrait des difficultés pour percevoir ses droits en raison de la complexité des démarches administratives, je l'orientais vers l'Assistante Sociale de son secteur pour qu'elle l'aide dans le cadre de sa fonction.
Voilà, très résumé mais long à expliquer, en quoi consistait mon travail qui pouvait pousser les mauvais payeurs à régler leurs dettes, où aider une famille à percevoir ses droits, et une aide éventuelle ou secours.
Je pense qu'il ne faut jamais juger une profession, sur ses apparences, ni n'avoir aucun préjugé, sur les métiers d'Avocat, d'Huissiers ou de Présidents de Tribunaux qui exercent à la recherche d'une solution, dans le plus grand respect des gens en difficultés financières, dans un esprit d'humanité.