Responsable de tournées gigantesques aux moyens techniques gargantuesques aux Etats-Unis, le Trans-Siberian Orchestra n'avait encore jamais mis les pieds en France. Il faut dire que le terrain ne s'y prêtait pas. Nous n'avons jamais apprécié Savatage à sa juste valeur. Nous ne sommes pas branchés « chants de Noël ». Nous voyons d'un mauvais œil tous les groupes qui transforment la scène en festival de laser tag à la Pink Floyd. Mais Paul O'Neill est un homme de défis et s'imposer dans un pays qu'il admire pour sa littérature, son histoire et l'ensemble de sa culture était devenu une ambition personnelle. Alors, verdict ?
En sortant de l'Olympia, on est frappé par deux sentiments contradictoires : avoir assisté à un concert original où tous les musiciens étalent leur savoir-faire tout en sombrant dans des clichés tellement grossiers qu'on peut douter du bien-fondé de leur venue sur nos terres... Durant deux heures vingt de show, la troupe n'a réussi à établir une vraie complicité avec son public qu'à deux ou trois rapides reprises. Cela explique certainement le nombre anormal de spectateurs lâchant l'affaire, dépités, avant les trois-quarts d'heure de concert. La salle étant relativement clairsemée dès le coup d'envoi, le groupe aura dû jouer pour seulement quelques centaines de téméraires curieux. On est bien loin du million d'Allemands qui ont fêté 2014 en leur compagnie dans les rues de Berlin.
Dans ce cadre, le Trans-Siberian Orchestra peine à trouver ses marques. La pyrotechnie est absente, les effets de mise en scène se réduisent à un (sublime) spectacle de lights et le public reste sur la réserve, attendant d'avoir de vraies raisons d'acclamer les Américains pour se lâcher. Tous les premiers morceaux défilent sans accrocher, entre comédie musicale et André Rieu. Même les reprises de Savatage, This Is The Time (1990) et Handful Of Rain, n'empêchent pas les sourcils de se froncer. Jeff Scott Soto, qui aurait dû être accueilli comme la légende qu'il est, passe inaperçu et ce n'est pas sa prestation vocale en dedans qui le fera sortir du lot parmi une réserve inépuisable de chanteurs.
Sans doute conscient que le concert ne se passe pas comme prévu, Al Pitrelli rompt le silence entre le groupe et le public en lui adressant quelques mots. Et les morceaux choisis pour le reste du concert parviennent à relever l'intérêt. Believe, une des plus belles compositions du grand Savatage, met l'Orchestra sur la bonne voie bien que le chanteur Robin Borneman ne rivalise en rien avec Jon Oliva. Mais ce n'est rien à côté du finale où le « best-of » du classique est joué avec un mélange précis de second degré et de virtuosité. Certes Vitalij Kuprij n'est pas Rick Wakeman mais son style virevoltant se prête extrêmement bien à la grandiloquence du Trans-Siberian.
Entre reprises de Beethoven, Mozart ou Savatage, on parle rarement des chansons originales. Il faut dire qu'elles sombrent souvent dans la mélasse d'une musique calibrée pour un rock de cabaret. Toutefois, Epiphany est un morceau de choix dont le rendu live dépasse l'équivalent studio. Durant dix minutes épiques, on passe en revue tout ce que le Trans-Siberian Orchestra est capable de faire de mieux. L'émotion coule naturellement et la deuxième partie du titre s'apparente à une longue procession où tout résonne parfaitement. Le concert se clôt sur Christmas Eve (Sarajevo 12/24), LE tube, qui fait écho encore une fois à Savatage.
Les ingrédients d'un grand concert étaient bien présents pour cette première venue en France du gang de Paul O'Neill. Néanmoins, comme lorsqu'un concert de stade est joué dans une salle polyvalente, Trans-Siberian Orchestra a manqué l'occasion d'établir un lien avec son public. Quelques choix peu appropriés de setlist et un allumage tardif auront également mis à mal les bonnes dispositions. Voyons ce concert comme l'échauffement de ceux à venir dans notre pays, sûrement plus nombreux dans les quinze années à venir que durant les quinze premières années de tournées de cette formation atypique...
Setlist :
Time and Distance
Winter Palace
This Is the Time (1990)
Christmas Jam
Handful of Rain
A Last Illusion
Gutter Ballet
Misery
Mephistopheles' Return
Mozart/Figaro
Sparks
The Hourglass
Someday
Child Unseen
Believe
Wish Liszt (Toy Shop Madness)
After the Fall
Wizards in Winter
All That I Bleed
Dreams of Fireflies (On a Christmas Night)
Carmina Burana
Epiphany
The Mountain
Piano Solo / La Marseillaise
Beethoven
Requiem (The Fifth)
Christmas Eve (Sarajevo 12/24)
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