Pour son sixième album, The National atteint un point de formatage. Mais fort heureusement pour nous, pas un point de redite. Les américains avancent, sûrs de leur force, ayant parfaitement compris ce qui rendait certains de leurs morceaux si spéciaux. Ils se sont attelés, immédiatement après le formidable High Violet de 2010, à confectionner les meilleures berceuses mélancoliques possibles. Alors que chacun de leurs albums a montré une progression lente et intense, on ne pouvait qu'être confiant au moment de découvrir Trouble Will Find Me. Mais alors, la théorie rejoint-elle la réalité ?
Non. Ne faisons pas durer le suspens : The National n'a pas encore franchi un cap, gagné en intensité et en cohésion. En revanche, il se stabilise à un niveau d'excellence qui découragera n'importe quel groupe visant à copier leur rock lancinant rempli d'humour noir. Depuis Boxer, nous savons que la section rythmique parfaitement accordée, les orchestrations de second plan, les guitares discrètes et le chant poétique de Matt Berninger communient à merveille sur des morceaux gracieux, agencés intelligemment pour conférer aux albums des Ohioans une logique et un développement impressionnants. Les chansons de The National sont toujours prêtes à vous arracher une larme, un sourire, à accompagner le déroulé d'une bande-annonce de film indé ou à rythmer le générique de fin d'une série.
Pourtant, par certains aspects, Trouble Will Find Me rappelle Alligator. Son côté massif, uni et posé tranche avec les montagnes russes d'émotions que proposaient Boxer et, dans une moindre mesure, High Violet. Cela ne signifie pas que Trouble Will Find Me est moins vif. Le quintette accomplit simplement sa mission avec davantage de subtilité et sans s'éparpiller. Sea Of Love est un bon exemple : au cours des précédentes sessions, ce titre aurait à coup sûr eu un côté plus abrasif et rock, alors qu'ici The National adopte un positionnement de contre-pieds et de balancements permanents (les magnifiques cinquante dernières secondes).
A d'autres reprises, il verse dans le dépouillement mais ne reste jamais longtemps dans ce créneau pour éviter l'ennui et les passages mous (I Need My Girl, Heavenfaced). Trouble Will Find Me paraît si solidement ancré dans le mid-tempo que l'on se demande si The National accélérera de nouveau la cadence un jour. Tant qu'il sera capable de livrer un récital de cet acabit, nous serons prêts à le suivre.
Pour ne rien gâcher, les articulations de Trouble Will Find Me semblent mieux pensées que jamais. L'absence de véritable hit ou de temps forts explique peut-être ce soin apporté à l'ensemble du disque plutôt qu'à des détails futiles et prétentieux. Cet album est un disque à l'ancienne : un CD que l'on achète pour ses treize titres et non pas pour une affection particulière ressentie avec tel ou tel single. Il récompense le travail acharné d'un groupe loin des paillettes et des provocations gratuites mais avec un talent et un dévouement à son art s'accomplissant de la plus belle des manières depuis maintenant six ans.
Line-up :
Matt Berninger (chant)
Aaron Dessner (guitare+claviers)
Bryce Dessner (guitare+claviers)
Bryan Devendorf (batterie)
Scott Devendorf (basse)
Discographie :
The National (2001)
Sad Songs for Dirty Lovers (2003)
Alligator (2005)
Boxer (2007)
High Violet (2010)
Trouble Will Find Me (2013)
Tracklisting de Trouble Will Find Me (en gras les morceaux essentiels) :
1. I Should Live in Salt 4:08
2. Demons 3:32
3. Don't Swallow the Cap 4:46
4. Fireproof 2:58
5. Sea of Love 3:41
6. Heavenfaced 4:23
7. This Is the Last Time 4:43
8. Graceless 4:35
9. Slipped 4:25
10. I Need My Girl 4:05
11. Humiliation 5:01
12. Pink Rabbits 4:36
13. Hard to Find 4:13
The National – Trouble Will Find Me
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