The Flaming Lips - Chronique Oczy Mlody

Peu de groupes peuvent revendiquer avoir produit autant d'étrangetés que The Flaming Lips. Quelques extraits de leur CV, sans ordre précis : reprise intégrale de Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band, production d'un album à écouter simultanément sur 4 lecteurs, enregistrement d'une chanson de vingt-quatre heures, distribution d'un EP sur une clé USB enfouie dans un bonbon géant... Mais entre tous ces gimmicks qui font plus parler d'eux pour leur forme que pour leur fond, le groupe a l'habitude de sortir des disques de grande qualité. Bien sûr, tout n'est pas essentiel chez les Américains (The Terror était deux voire trois crans en-dessous de l'excellent Embryonic) mais chaque nouvelle parution mérite qu'on s'y attarde. Dont acte !

Oczy Mlody est un disque particulièrement bizarre, précisément par son absence de bizarreries. The Flaming Lips nous a tellement habitués à vivre hors du cadre qu'un disque comme celui-ci est étrangement "dans les clous". Pourtant, le titre en polonais ("les yeux de la jeunesse"), la pochette psychédélique, le concept sur une drogue qui fait dormir pendant trois mois et rêver à des aventures sexuelles sur le dos de licornes, la description des influences par Wayne Coyne résumée par un croisement A$AP Rocky / Syd Barrett, la présence de Miley Cyrus, tout était en place pour à nouveau repousser les limites de l'inouï.

Au final, Oczy Mlody reste diablement sage. Il bâtit ses fondations sur de l'ambiant où flottent les paroles en va-et-vient de Coyne. Ainsi, l'album est particulièrement peu mélodique. Il s'attache davantage aux atmosphères mais dans un registre trop étroit pour justifier douze pistes et cinquante-huit minutes. On a donc droit à un ventre mou interminable de Nigdy Nie (Never No) à Do Glowy où la musique semble davantage tenir d'un side project douteux que d'un album officiel. Les titres possèdent un côté vintage intéressant et font penser à une musique qu'aurait pu produire des scientifiques en blouse blanche dans un album de Blake & Mortimer; toutefois, ils manquent de portée.

The Terror partageait cet aspect intime, parfois bienveillant, parfois à la limite de la claustrophobie mais son propos était mieux tourné. Oczy Mlody ne procure pas de sensations fortes, bonnes ou mauvaises. Même un morceau alambiqué comme Listening to the Frogs With Demon Eyes ne parvient pas à captiver dans son intégralité. Restent alors les quelques titres plus accessibles où on retrouve les ingrédients qui ont fait la force de Yoshimi Battles the Pink Robots. Le plus mémorable est le titre qui clôt ce quatorzième album studio : We A Family. On y retrouve Miley Cyrus, inséparable de Wayne Coyne, sur un couplet. Sa structure plus simple et directe renvoie aux sessions de Dead Petz. Rien n'aurait su être plus différent des onze morceaux précédents. Pourtant, cette musique entraînante, délicieusement mélancolique et joliment produite a toute sa place sur un album des Lips.

How?? et The Castle jouent dans la même catégorie, avec davantage de mystère. Malgré leur caractère sympathique, on reste sur notre faim. A force de se disperser, The Flaming Lips ne semble plus valoriser ses albums comme avant. Embryonic nous a fait mentir mais en dehors de cette exception, on attend depuis 2002 des exploits répétés des héros de l'Oklahoma. On se consolera au Bataclan le 2 février car on voit difficilement comment, sur scène, le groupe pourrait décevoir !