Dans son domaine de synth’ rock psychédélique, Tame Impala pourrait bien devenir le prochain Kanye West, Steven Wilson, Daft Punk, Radiohead, Arcade Fire… La musique de Kevin Parker est savamment étudiée pour prendre de court et repousser les limites de tout ce qu’elle a précédemment entrepris. Mettre les guitares de côté et miser sur les claviers peut sembler un acte suicidaire pour un artiste qui a fait ses preuves avec une distorsion seventies et un tube à la Jack White (Elephant). Toutefois, toute personne ayant entendu les changements drastiques de style par lesquels sont passés des formations comme Paradise Lost ou Anathema sait qu’un repositionnement a tôt fait de devenir une renaissance.
Tame Impala en est là. Peu importe ce que l’avenir lui réserve : ses nouvelles sorties seront attendues avec anxiété et disséquées dans les moindres détails pour en extraire leur caractère novateur. Et si la nouveauté n’était pas au rendez-vous, on attendrait le prochain disque, sûr que Kevin Parker se rattraperait. L’homme est de cette trempe, méticuleux et créatif capable de faire côtoyer le disco funk de The Less I Know The Better avec le samplé-chanté de Past Life ou l’infectieux Reality In Motion et même la pop expérimentale de Love/Paranoia où veille l’ombre de John Lennon.
Une des choses les plus frappantes à l’écoute de Currents est qu’il redonne ses lettres de noblesse au libellé psychédélique. On ne retrouvera pas ici les gimmicks qui lui sont habituellement associés mais plutôt un état d’esprit. Les montées en puissance sont éthérées, les paroles, parfois introspectives, ont le plus souvent un champ lexical abstrait et les arrangements semblent tout droit écrits dans un rêve nébuleux, une sorte de good trip traduit en musique. Durant les trois ans séparant Lonerism et Currents, Parker a participé à d’autres projets et il s’est attaqué à Tame Impala totalement régénéré. Et même si ce projet est toujours aussi individuel, l’ouverture d’esprit dont il est témoigne peut laisser espérer qu’un futur avec un vrai line-up soit possible.
En l’état, les sources de satisfaction ne manquent pas. Let It Happen est une odyssée aux lasers, un morceau qui fait bouger des milliers de festivaliers après une journée de concerts. Love/Paranoia plaira à ceux qui se sont toujours demandé ce à quoi ressemblerait un enfant élevé tour à tour par Thom Yorke, Brian Wilson, Dave Fridmann et John Lennon. Mais c’est bien New Person, Same Old Mistakes le titre le plus intéressant du lot. Sur un fond soul, il assaillit de textures dub tout en maintenant ses accroches pop. La facilité de Kevin Parker à passer d’un registre à l’autre est ahurissante, tout comme sa capacité à ne jamais faiblir. Currents, en ne cherchant jamais la complication, reflète précisément les pensées d’un artiste arrivé, tout en délicatesse, à un sommet de sa carrière. Et on n’imagine pas un seul instant Kevin Parker redescendre de son nuage avant de nous avoir donné quelques albums supplémentaires de ce calibre…
Line-up :
Kevin Parker (tout)
Discographie :
Innerspeaker (2010)
Lonerism (2012)
Currents (2015)
Tracklist de Currents (en gras les morceaux essentiels) :
1. Let It Happen 7:46
2. Nangs 1:47
3. The Moment 4:15
4. Yes I'm Changing 4:30
5. Eventually 5:19
6. Gossip 0:55
7. The Less I Know the Better 3:38
8. Past Life 3:47
9. Disciples 1:48
10. 'Cause I'm a Man 4:01
11. Reality in Motion 4:12
12. Love/Paranoia 3:06
13. New Person, Same Old Mistakes 6:02
Tame Impala – Currents
Fiction