Il est amusant de constater qu'au moment-même où son surnom de Panda Bear est le plus populaire et reconnu, Noah Lennox a récemment déclaré se poser des questions quant à son utilisation future. A 36 ans, fraîchement papa, il a mûri et souhaite sans doute faire table rase de ce positionnement puéril. Pourtant, Panda Bear Meets The Grim Reaper déborde encore d'innocence adolescente, de bruitages animaliers et d'errances singulières. Lonely Wanderer, par exemple, est une bizarrerie située aux confluences de la ballade, de la démonstration de piano et de bande-son new age. Sa portée onirique pourrait accompagner une descente d'anges sur Terre. A son image, les chansons présentes sur cet opus sont des patchworks d'idées cousus avec un fil vagabond.
Néanmoins, on y trouve des morceaux sinon aux structures un peu plus conventionnelles au moins plus abordables d'un point de vue mélodique. A volume maximal, avec ses rythmiques trapues, Mr Noah illustre une sorte de trip acid sur un dancefloor d'un club désaffecté. Boys Latin, le bijou central de cette production, déploie une impressionnante armada d'effets, dont un va et vient enivrant entre les hauts-parleurs digne d'un Tyrolien. Selfish Gene, dans un créneau pop plus direct, rappelle l'importance des influences vocales des Beach Boys. Lennox récite ses leçons et apporte, grâce à la texture extraordinaire de ses accompagnements, une dimension supplémentaire à l'héritage de Brian Wilson et compagnie.
Panda Bear possède une fascination pour la répétition. Person Pitch, et les plus belles heures d'Animal Collective l'avaient déjà démontré à multiples reprises, mais Panda Bear Meets The Grim Reaper enfonce le clou. Vocalement ou musicalement, la majorité des titres ici présentent une forme de loop. Alors que la répétitivité pourrait énerver, elle sert plutôt une cause méditative. Quand elle se fait mélodique, la musique dégage une plénitude et un bonheur optimiste énorme. Quand elle approche la cacophonie, elle catalyse la transe. L'effet est toujours immédiat mais, contrairement à bon nombre de disques dont on saisit le message instantanément, celui-ci possède autant d'attrait sur la durée que sur le moment.
Se forger une identité propre à l'heure où tout le monde peut créer en quelques clics une musique lowfi n'a jamais été aussi difficile. C'est là où le passé de Panda Bear, ancré dans le folk pur et dur, revient pour le servir : ses chansons fonctionneraient également s'il était l'invité de MTV Unplugged. Les fioritures, nombreuses, évitent l'excès et, sous cette couche de bidouillages électroniques, on trouve systématiquement des compositions acérées, pour le moins singulières. Noah Lennox a été un des premiers artistes à dégainer en 2015, son album ayant paru le 9 janvier, mais il est déjà certain qu'on le retrouvera au moment de faire le bilan des meilleures sorties de l'année.
Line-up :
Panda Bear (chant+claviers+percussions)
Sonic Boom (claviers)
Discographie :
Panda Bear (1999)
Young Prayer (2004)
Person Pitch (2007)
Tomboy (2011)
Panda Bear Meets the Grim Reaper (2015)
Tracklist de Panda Bear Meets The Grim Reaper (en gras les morceaux essentiels) :
1. Sequential Circuits
2. Mr Noah
3. Davy Jones' Locker
4. Crosswords
5. Butcher Baker Candlestick Maker
6. Boys Latin
7. Come to Your Senses
8. Tropic of Cancer
9. Shadow of the Colossus
10. Lonely Wanderer
11. Principe Real
12. Selfish Gene
13. Acid Wash
Panda Bear – Panda Bear Meets The Grim Reaper
Domino