Pour bien commencer 2014, retour de notre chronique « L’album oublié ». Elle s’intéresse cette fois-ci à Menomena, un duo indie qui a toujours su produire une musique de qualité à l’ombre des majors. En 2007, il signe ce qui représente à ce jour l’apogée de sa carrière : Friend And Foe. Album à la fois éparpillé et minimaliste, il recèle une foule de détails sonores et une inventivité d’écriture qui rapprocherait Menomena davantage d’un groupe de rock progressif que d’un rejeton de l’écurie Barsuk. Friend And Foe, comme son nom peut le laisser sous-entendre, synthétise tout et son contraire. Il était capable de plaire à tout le monde et pourtant, à part une nomination aux Grammys pour son packaging, il aura vécu une vie relativement discrète.
Bien sûr, Menomena n’est pas d’une originalité folle. Souvent plus cadré et pop que The Flaming Lips, sensible comme Mercury Rev, moins prétentieux que Blonde Redhead, moins funky que TV On The Radio, le duo attire les comparaisons. Friend And Foe ne dégage pas la puissance d’un big bang musical. Au contraire, il forge sa légende dans la durée, dans l’apprivoisement de ses références qui, peu à peu, se détachent et laissent la musique vivre d’elle-même. On se surprend alors à voir en Menomena une force unique, dotée de ses propres initiatives, capable de proposer des titres rock à souhait ou des ballades en demi-teinte.
Rotten Hell sera sûrement le morceau qui convaincra les sceptiques de l’intérêt des américains. Le clip, certainement une source d’inspiration pour les concepteurs-rédacteurs de la publicité Monoprix avec la bataille de ballons d’eau, fournit une superbe toile de fond pour cette chanson extrêmement simple mais brillamment mise en valeur. Le premier couplet, et ses vocaux chantés combinés à une ligne dépouillée de piano, fournit tous les ingrédients au choix de la bande-son d’un film de Sundance ou du morceau obsessionnel que l’on écoute en boucle suite à une rupture amoureuse. Le reste tient ses promesses jusqu’à une montée en puissance inattendue.
Néanmoins, tout n’est pas simpliste sur Friend And Foe. Boyscout'n prend un plaisir certain à faire le grand écart de styles durant cinq minutes. Sans sacrifier pour autant son approche contemplative et sobre, on n’est pas si loin des patchworks sonores d’un Mr. Bungle. Muscle’n Flo, au contraire, est ce qui se fait de plus pop sur l’album. Tout coule et glisse comme dans les visions les plus léchées des Dirty Projectors. Air Aid symbolise de son côté la part inquiétante, menaçante et sombre de Menomena. Un parti pris qu’on retrouve en partie sur The Pelican et Weird, deux chansons aux mélodies martelées avec conviction.
Avec une première moitié de disque très ancrée dans une musique concrète aux éléments facilement mémorisables, Friend And Foe se dégage peu à peu de son carcan et file vers un genre moins définissable. Il finit d’ailleurs par un titre totalement abstrait, seule légère faute d’un opus méticuleux jusque dans son artwork génial. Les illustrations signées par le très recommandable Craig Thompson réconcilieront les fans de MP3 avec le support physique tant les détails y sont succulents et les possibilités « d’interaction » quasi infinies.
Même en étant familier avec son très bon premier album, rien ne préparait à l’excellence de Menomena, période 2007. Les moments entêtants se succèdent et saturent l’esprit par leur nombre. Friend And Foe laissera une trace indélébile chez tout amateur d’indie rock aventureux. Que la reconnaissance massive du public lui ait échappé montre une nouvelle fois à quel point le monde de la musique est une loterie sans aucune gratitude…
Tracklist de Friend And Foe (en gras les morceaux essentiels) :
1. Muscle'n Flo – 4:20
2. The Pelican – 3:38
3. Wet and Rusting – 3:33
4. Air Aid – 4:44
5. Weird – 3:04
6. Rotten Hell – 4:18
7. Running – 1:52
8. My My – 3:48
9. Boyscout'n – 5:18
10. Evil Bee – 4:45
11. Ghostship – 2:28
12. West – 5:51
Menomena – Friend And Foe
Barsuk
www.menomena.com
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