Secret initialement bien gardé puis largement partagé, suite à la sortie de Hurry Up We're Dreaming, M83 se retrouve dans une position inédite : celle de devoir défendre un statut. Le groupe franco-américain s'est affirmé comme une machine à tubes publicitaires et une référence pour tous les compositeurs de bande-son de films. Junk arrive donc sur un terrain miné d'espérances et de spéculations. L'album surprend avant même ses premières notes avec une liste d'invités aussi hétéroclites qu'intrigants où l'on retrouve pêle-mêle Steve Vai, Mai Lan, Beck ou encore Susanne Sundfør. Amateurs de musiques cohérentes et linéaires, passez votre chemin : Junk s'éparpille, s'émiette, se déconstruit, le tout pour mieux prendre de court.
La palette de styles auxquels touche M83 est en effet particulièrement large. Moon Crystal semble un croisement hybride entre The Snow Goose de Camel et un générique télé des années 80, Bibi The Dog un hommage appuyé à Gainsbourg, Atlantique Sud une ballade de crooner-rêveur au piano, Solitude une symphonie pop aux sous-entendus assez sombres, Do It Try It une décharge électro jouissive, Go! un hymne électro-rock où l’auteur de Passion and Warfare se montre en quête de hype… A côté de cette drôle de bande, quelques titres se montrent plus prévisibles, mais aussi plus plats, comme Laser Gun, Tension ou Sunday Night 1987.
Il n’y a finalement qu’une seule chanson qui s’inscrit parfaitement dans l’évolution musicale de M83 : Road Blaster. Son rythme labélisé « 100% ondes positives » et son saxophone donnent à taper du pied alors qu’elle arrive à un moment quelque peu somnolent du disque, entre le vite oublié Tension et la demi-réussite Laser Gun. Junk est, à l’image de Moon Crystal déjà évoqué, rempli de tentatives hasardeuses, heureusement souvent courtes, de capturer un sentiment rétro sans autre ambition qu’occuper de l’espace…
Dans un autre registre, on attendra avec beaucoup d’impatience le film qui utilisera au mieux la ballade Atlantique Sud comme toile sonore. Tous les ingrédients de la love story douce-amère sont ici représentés. Le duo vocal masculin / féminin ainsi que les arrangements sont extrêmement basiques mais une alchimie se crée entre les deux protagonistes. Les jolies paroles en français n’y sont pas pour rien et nous font regretter que M83 ne pense pas plus souvent à cette langue pour s’exprimer.
Néanmoins aussi réussie que soit cette piste, elle met en avant le problème principal de Junk : sa facilité excessive. Passée la découverte des styles variés et lorsqu’on plonge plus attentivement dans les compositions, on ne trouve pas toujours son compte. M83 fait du vintage son obsession, ce qui l’oblige à chercher des sons plus que des ambiances et des riffs. Par rapport aux albums passés, il y a ici une véritable lacune dans ces domaines. Même le titre avec Beck, Time Wind, ne répond pas entièrement aux promesses…
M83 compense tout de même avec quelques joyaux. Impossible de rester insensible à la basse funky de Do It Try It qui relaie magnifiquement un piano intenable. Tout aussi difficile de ne pas être irradié par la guitare de Go! qui culmine dans un court solo final - un solo de guitare ? voilà bien le comble du vintage ! - ou le refrain obsédant de Walkway Blues, voire l’ambiancé For The Kids. Junk, s’il fait référence à de la fast food, relève plutôt des tapas où chacun viendra picorer ce que bon lui semble.
Discographie :
M83 (2001)
Dead Cities, Red Seas & Lost Ghosts (2003)
Before The Dawn Heals Us (2005)
Digital shades, Volume 1 (2007)
Saturdays=Youth (2008)
Hurry Up, We're Dreaming (2011)
Junk (2016)
Tracklist de Junk (en gras les morceaux essentiels) :
1. Do It, Try It 3:37
2. Go! 3:55
3. Walkway Blues 4:49
4. Bibi the Dog 3:54
5. Moon Crystal 2:26
6. For the Kids 4:41
7. Solitude 6:03
8. The Wizard 2:25
9. Laser Gun 4:16
10. Road Blaster 4:21
11. Tension 2:05
12. Atlantique Sud 3:24
13. Time Wind 4:09
14. Ludivine 1:35
15. Sunday Night 1987 4:00
M83 - Junk
Naïve
www.ilovem83.com
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